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cela qu'il y a

un Dieu.

pouvons rechercher la cause qui fait que cette idée montrer par est en nous; mais, après avoir considéré avec attention combien sont immenses les perfections qu'elle nous représente, nous sommes contraints d'avouer que nous ne saurions la tenir que d'un être très parfait, c'est-à-dire d'un Dieu, qui est véritablement ou qui existe, parcequ'il est non seulement manifeste par la lumière naturelle que le néant ne peut être auteur de quoi que ce soit, et que le plus parfait ne sauroit être une suite et une dépendance du moins parfait, mais aussi parceque nous voyons, par le moyen de cette même lumière, qu'il est impossible que nous ayons l'idée ou l'image de quoi que ce soit, s'il n'y a en nous ou ailleurs un original qui comprenne en effet toutes les perfections qui nous sont ainsi représentées : mais comme nous savons que nous sommes sujets à beaucoup de défauts, et que nous ne possédons pas ces extrêmes perfections dont nous avons l'idée, nous devons conclure qu'elles sont en quelque nature qui est différente de la nôtre, et en effet très parfaite, c'est-à-dire qui est Dieu, ou du moins qu'elles ont été autrefois en cette chose, et il suit de ce qu'elles étoient infinies qu'elles y sont encore.

Je ne vois point en cela de difficulté pour ceux qui ont accoutumé leur esprit à la contemplation de la Divinité, et qui ont pris garde à ses perfections

19. Qu'encore

que nous ne pas tout ce

Dieu, il n'y a

qui est en infinies: car encore que nous ne les comprenions rien toutefois pas, parceque la nature de l'infini est telle que que nous con- des pensées finies ne le sauroient comprendre, clairement nous les concevons néanmoins plus clairement et perfections. plus distinctement que les choses matérielles, à

noissions si

comme ses

20.

Que nous ne

cause de nous

même, mais que c'est

Dieu, et que par conséquent il y a un

Dieu.

cause qu'étant plus simples et n'étant point limitées, ce que nous en concevons est beaucoup moins confus. Aussi il n'y a point de spéculation qui puisse plus aider à perfectionner notre entendement, et qui soit plus importante que celle-ci, d'autant que la considération d'un objet qui n'a point de bornes en ses perfections, nous comble de satisfaction et d'assurance.

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Mais tout le monde n'y prend pas garde comme sommes pas la il faut; et parceque nous savons assez, lorsque nous avons une idée de quelque machine où il y a beaucoup d'artifice, la façon dont nous l'avons eue, et que nous ne saurions nous souvenir de même quand l'idée que nous avons d'un Dieu nous a été communiquée de Dieu, à cause qu'elle a toujours été en nous, il faut que nous fassions encore cette revue, et que nous recherchions quel est donc l'auteur de notre âme ou de notre pensée, qui a en soi l'idée des perfections infinies qui sont en Dieu, parcequ'il est évident que ce qui connoît quelque chose de plus parfait que soi ne s'est point donné l'être, à cause que par même moyen il se seroit donné toutes les perfections

dont il auroit eu connoissance, et par conséquent qu'il ne sauroit subsister par aucun autre que par celui qui possède en effet toutes ces perfections, c'est-à-dire qui est Dieu.

Je ne crois pas que l'on puisse douter de la vérité de cette démonstration, pourvu qu'on prenne garde à la nature du temps, ou de la durée de notre vie; car, étant telle que ses parties ne dépendent point les unes des autres et n'existent jamais ensemble, de ce que nous sommes maintenant, il ne s'ensuit pas nécessairement que nous soyons un moment après, si quelque cause, à savoir la même qui nous a produits, ne continue à nous produire, c'est-à-dire ne nous conserve. Et nous connoissons aisément qu'il n'y a point de force en nous par laquelle nous puissions subsister ou nous conserver un seul moment, et que celui qui a tant de puissance qu'il nous fait subsister hors de lui et qui nous conserve, doit se conserver soi-même, plutôt n'a besoin d'être conservé par qui que ce soit, et enfin qu'il est Dieu.

ou

21.

Que la seule

durée de nopour démon

tre vie suffit

trer que Dieu

est.

22.

Qu'en connoissant qu'il y a un Dieu

en la façon ici

expliquée, on

Nous recevons encore cet avantage, en prouvant de cette sorte l'existence de Dieu, que nous connoissons par même moyen ce qu'il est, autant que le permet la foiblesse de notre nature. Car, faisant réflexion sur l'idée que nous avons naturellement de lui, nous voyons qu'il est éternel, tout-connoissant, tout-puissant, source de toute être connus

connoit aussi tous ses attributs,

peuvent

autant

lumière na

turelle.

par la seule bonté et vérité, créateur de toutes choses, et qu'enfin il a en soi tout ce en quoi nous pouvons reconnoître quelque perfection infinie, ou bien qui n'est bornée d'aucune imperfection.

23. Que Dieu

n'est point

corporel, et

ne connoit point par l'ai

de des sens

comme nous,

et n'est point auteur du pé

ché.

24.

Qu'après

avoir connu

Car il y a des choses dans le monde qui sont limitées, et en quelque façon imparfaites, encore que nous remarquions en elles quelques perfections; mais nous concevons aisément qu'il n'est pas possible qu'aucunes de celles-là soient en Dieu: ainsi, parceque l'extension constitue la nature du corps, et que ce qui est étendu peut être divisé en plusieurs parties, et que cela marque du défaut, nous concluons que Dieu n'est point un corps. Et bien que ce soit un avantage aux hommes d'avoir des sens, néanmoins, à cause que les sentiments se font en nous par des impressions qui viennent d'ailleurs, et que cela témoigne de la dépendance, nous concluons aussi que Dieu n'en a point, mais qu'il entend et veut, non pas encore comme nous par des opérations aucunement différentes, mais que toujours par une même et très simple action il entend, veut et fait tout, c'est-à-dire toutes les choses qui sont en effet; car il ne veut point la malice du péché, parcequ'elle n'est rien.

Après avoir ainsi connu que Dieu existe, et qu'il est l'auteur de tout ce qui est ou qui peut pour passer à être, nous suivrons sans doute la meilleure mé

que Dieu est,

la connois

sance des thode dont on se puisse servir pour découvrir la

leurs

créatures, il venir que no

se faut sou

tre entendement est fini

ce de Dieu in

finie.

vérité, si, de la connoissance que nous avons de sa nature, nous passons à l'explication des choses qu'il a créées, et si nous essayons de la déduire en telle sorte des notions qui sont naturellement et la puissanen nos âmes, que nous ayons une science parfaite, c'est-à-dire que nous connoissions les effets par causes. Mais afin que nous puissions l'entreprendre avec plus de sûreté, toutes les fois que nous voudrons examiner la nature de quelque chose, nous nous souviendrons que Dieu, qui en est l'auteur, est infini, et que nous sommes entièrement finis. Tellement que s'il nous fait la grâce de nous révéler, ou bien à quelques autres, des choses qui surpassent la portée ordinaire de notre esprit, telles que sont les mystères de l'incarnation et de la Trinité, nous ne ferons point difficulté de les croire, encore que nous ne les entendions peutêtre pas bien clairement. Car nous ne devons point trouver étrange qu'il y ait en sa nature, qui est immense, et en ce qu'il a fait, beaucoup de choses qui surpassent la capacité de notre esprit.

Ainsi nous ne nous embarrasserons jamais dans les disputes de l'infini; d'autant qu'il seroit ridicule que nous, qui sommes finis, entreprissions d'en déterminer quelque chose, et par ce moyen le supposer fini en tâchant de le comprendre; c'est pourquoi nous ne nous soucierons pas de répondre à ceux qui demandent si la moitié d'une

25. Et qu'il faut

croire tout ce que Dieu a qu'il soit au

révélé,encore

dessus de la

portée de no

tre esprit.

26.

Qu'il ne faut

point tâcher de comprendre l'infini,

mais seule

ment penser que tout ce en

quoi nous ne

trouvons au

cunes bornes

est indéfini.

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