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12.

D'où vient

que tout le

connoît

pas

être, d'autant qu'il n'y a rien qui nous fasse connoître quoi que ce soit, qui ne nous fasse encore plus certainement connoître notre pensée. Par exemple, si je me persuade qu'il y a une terre à cause que je la touche ou que je la vois : de cela même, par une raison encore plus forte, je dois être persuadé que ma pensée est ou existe, à cause qu'il se peut faire que je pense toucher la terre, encore qu'il n'y ait peut-être aucune terre au monde; et qu'il n'est pas possible que moi, c'est-à-dire mon âme, ne soit rien pendant qu'elle a cette pensée : nous pouvons conclure le même de toutes les autres choses qui nous viennent en la pensée, à savoir que nous qui les pensons existons, encore qu'elles soient peut-être fausses ou qu'elles n'aient

aucune existence.

Ceux qui n'ont pas philosophé par ordre ont eu d'autres opinions sur ce sujet, parcequ'ils n'ont monde ne la jamais distingué assez soigneusement leur âme, ou en cette façon. ce qui pense, d'avec le corps, ou ce qui est étendu en longueur, largeur et profondeur. Car, encore qu'ils ne fissent point difficulté de croire qu'ils étoient dans le monde, et qu'ils en eussent une assurance plus grande que d'aucune autre chose, néanmoins, comme ils n'ont pas pris garde que par eux, lorsqu'il étoit question d'une certitude métaphysique, ils devoient entendre seulement leur pensée, et qu'au contraire ils ont mieux aimé croire

que c'étoit leur corps qu'ils voyoient de leurs yeux, qu'ils touchoient de leurs mains, et auquel ils attribuoient mal à propos la faculté de sentir, ils n'ont pas connu distinctement la nature de leur

âme.

13.

on peut dire ignore Dieu avoir de con

que si on

on ne peut

noissance cer

taine d'aucu

ne autre cho

se.

Mais lorsque la pensée, qui se connoît soi-même En quel sens en cette façon, nonobstant qu'elle persiste encore à douter des autres choses, use de circonspection pour tâcher d'étendre sa connoissance plus avant, elle trouve en soi premièrement les idées de plusieurs choses; et pendant qu'elle les contemple simplement, et qu'elle n'assure pas qu'il y ait rien hors de soi qui soit semblable à ces idées, et qu'aussi elle ne le nie pas, elle est hors de danger de se méprendre. Elle rencontre aussi quelques notions communes, dont elle compose des démonstrations qui la persuadent si absolument, qu'elle ne sauroit douter de leur vérité pendant qu'elle s'y applique. Par exemple, elle a en soi les idées des nombres et des figures, elle a aussi entre ses communes notions, « que, si on ajoute des quan>>tités égales à d'autres quantités égales, les tous > seront égaux, ,» et beaucoup d'autres aussi évidentes que celle-ci, par lesquelles il est aisé de démontrer que les trois angles d'un triangle sont égaux à deux droits, etc. Or, tant qu'elle aperçoit ces notions et l'ordre dont elle a déduit cette conclusion ou d'autres semblables, elle est très assurée

14.

Qu'on peut démontrer

qu'il y a un

Dien de cela

de leur vérité : mais, comme elle ne sauroit y penser toujours avec tant d'attention, lorsqu'il arrive qu'elle se souvient de quelque conclusion sans prendre garde à l'ordre dont elle peut être démontrée, et que cependant elle pense que l'auteur de son être auroit pu la créer de telle nature qu'elle se méprît en tout ce qui lui semble très évident, elle voit bien qu'elle a un juste sujet de se défier de la vérité de tout ce qu'elle n'aperçoit pas distinctement, et qu'elle ne sauroit avoir aucune science certaine jusques à ce qu'elle ait connu celui qui l'a

créée.

Lorsque par après elle fait une revue sur les diverses idées ou notions qui sont en soi, et qu'elle y trouve celle d'un être tout-connoissant, seul que la tout-puissant, et extrêmement parfait, elle juge tre ou d'exis- facilement, parcequ'elle aperçoit en cette idée prise en la no- que Dieu, qui est cet être tout parfait, est ou avons de lui. existe : car encore qu'elle ait des idées distinctes

nécessité d'ê

ter est com

tion que nous

de plusieurs autres choses, elle n'y remarque rien qui l'assure de l'existence de leur objet; au lieu qu'elle aperçoit en celle-ci, non pas seulement une existence possible, comme dans les autres, mais une existence absolument nécessaire et éternelle. Et comme de ce qu'elle voit qu'il est nécessairement compris dans l'idée qu'elle a du triangle que ses trois angles soient égaux à deux droits, elle se persuade absolument que le triangle a les trois angles

égaux à deux droits; de même, de cela seul qu'elle
aperçoit que l'existence nécessaire et éternelle est
comprise dans l'idée qu'elle a d'un être tout parfait,
elle doit conclure que cet être tout parfait est ou

existe.
Elle
s'assurer encore mieux de la vérité
pourra
de cette conclusion, si elle prend garde qu'elle n'a
point en soi l'idée ou la notion d'aucune autre
chose où elle puisse reconnoître une existence qui
soit ainsi absolument nécessaire; car de cela seul
elle saura que l'idée d'un être tout parfait n'est point
en elle par une fiction, comme celle qui représente
une chimère, mais qu'au contraire elle y est em-
preinte par une nature immuable et vraie, et qui
doit nécessairement exister, parcequ'elle ne peut
être conçue qu'avec une existence nécessaire.

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16. Que les pré

jugés empêchent que plusieurs ne con

rement cette

nécessité d'é

tre qui est en

Dieu.

Notre âme ou notre pensée n'auroit pas de peine à se persuader cette vérité si elle étoit libre de ses préjugés : mais, d'autant que nous sommes accoutumés à distinguer en toutes les autres cho- noissent claises l'essence de l'existence, et que nous pouvons feindre à plaisir plusieurs idées de choses qui peut-être n'ont jamais été et qui ne seront peutêtre jamais, lorsque nous n'élevons pas comme il faut notre esprit à la contemplation de cet être tout parfait, il se peut faire que nous doutions si l'idée que nous avons de lui n'est pas l'une de celles que nous feignons quand bon nous semble,

17.

Que d'autant

que nous con

de perfection

d'autant de

vons-nous

croire que sa cause doit

parfaite.

ou qui sont possibles encore que l'existence ne soit
pas nécessairement comprise en leur nature.

De plus, lorsque nous faisons réflexion sur les diverses idées qui sont en nous, il est aisé d'apercevons plus cevoir qu'il n'y a pas beaucoup de différence enen une chose, tre elles, en tant que nous les considérons simplement comme les dépendances de notre âme ou de notre pensée, mais qu'il y en a beaucoup en tant aussi être plus que l'une représente une chose, et l'autre une autre; et même que leur cause doit être d'autant plus parfaite que ce qu'elles représentent de leur objet a plus de perfection. Car tout ainsi que, lorsqu'on nous dit que quelqu'un a l'idée d'une machine où il y a beaucoup d'artifice, nous avons raison de nous enquérir comment il a pu avoir cette idée, à savoir s'il a vu quelque part une telle machine faite par un autre, ou s'il a appris la science des mécaniques, ou s'il est avantagé d'une telle vivacité d'esprit que de lui-même il ait pu l'inventer sans avoir rien vu de semblable ailleurs, à cause que tout l'artifice qui est représenté dans l'idée qu'a cet homme, ainsi que dans un tableau, doit être en sa première et principale cause, non pas seulement par imitation, mais en effet de la même sorte ou d'une façon encore plus éminente qu'il n'est représenté.

13. Qu'on peut

De même, parceque nous trouvons en nous l'iderechef de dée d'un Dieu, ou d'un être tout parfait, nous

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