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L'Académie, ayant désiré recueillir des renseignements sur les secousses de tremblement de terre qui se sont manifestées dans quelques parties du département de la Seine-Inférieure au commencement de juillet 1847, a jugé utile de les consigner dans ses mémoires, et elle a, en conséquence, ordonné l'impression des pièces suivantes:

1° Extrait du Journal de Rouen, du 13 juillet 1847.

« Un tremblement de terre vient de se faire sentir au Havre et dans plusieurs localités environnantes où, s'il n'a causé aucun dommage notable, il a du moins excité dans la population une émotion très vive.

« Voici, au sujet de ce phénomène, ce que nous fisons

dans le Journal du Havre :

« On ne s'entretient, depuis deux jours, en ville, que d'un phénomène géologique fort rare en nos climats, et qui nous est signalé par un grand nombre de personnes dignes de foi. Samedi soir, entre dix heures et demie et onze heures, une légère secousse de tremblement de terre a été ressentie à Ingouville, Graville, sur la côte, et s'est prolongée dans les environs du Havre jusqu'à Harfleur, Montivilliers et Orcher. Le mouvement a duré quelques secondes, dans la direction de l'ouest à l'est, avec accompagnement d'un bruit sourd, semblable à un roulement de voiture éloigné, qui a surtout été entendu dans la campagne.

<< Diverses personnes qui étaient couchées, ont senti leur lit trembler, d'autres ont été réveillées en sursaut par le bruit de leur vaisselle et de leur argenterie s'entrechoquant, ou d'une porte qui s'ouvrait avec fracas. Celles qui étaient encore éveillées ont vu vaciller les lumières et se sont aperçues que le sol tremblait au-dessous d'elles. Plusieurs autres ont cru à la présence de malfaiteurs, et se sont levées en toute hâte pour chercher d'où provenait ce bruit extraordinaire.

«< Au Havre, la secousse a été peu sensible, et n'a duré qu'un instant; mais elle a été constatée de manière à ne laisser aucun doute. Une personne, occupée à sa fenêtre à suivre, dans le ciel, une observation de précision, a été surprise par le frémissement marqué imprimé à ses instruments, et le dérangement général de ses points de repère. Elle attribuait d'abord cet ébranlement au passage d'une lourde voiture; mais, reconnaissance faite de la solitude des lieux, elle a cherché maintes autres explications au phénomène, avant de s'arrêter à la véritable.

« Le Courrier du Havre contient, sur le même événement, les détails qui suivent :

«Samedi soir 10 juillet, un phénomène, rare dans nos contrées, a mis en émoi plusieurs localités de l'arrondissement du Havre. A onze heures moins dix minutes du soir, une violente secousse de tremblement de terre s'est fait sentir à Fécamp, dans plusieurs communes environnantes, à Graville, et même dans le quartier du Havre voisin de l'église.

« A Graville et à Fécamp, surtout, les oscillations ont été très vives, et la terreur est devenue générale ; mais, après plusieurs secondes environ, le mouvement, qui se faisait sentir du nord au sud, s'est complètement calmé, et on en a été quitte pour la peur. Un témoin oculaire nous rapporte que les oscillations ont été si fortes à Fécamp, qu'elles ont renversé et brisé, dans la boutique d'un faïencier, toutes les poteries qui garnissaient les étagères.

« Le même mouvement s'est fait ressentir à la même heure à Gerville et à Goderville, et nul doute que les renseignements qui nous parviendront bientôt des autres localités ne nous apprennent que ce phénomène s'est étendu sur tout le rayon de notre arrondissement.

« La chaleur avait été très intense pendant toute la journée, et le ciel paraissait orageux. On a remarqué à Fécamp que le vent qui, pendant tout le jour, avait soufflé du nord-ouest, a, lors de l'événement, subitement passé au nord-est.

« Il y a soixante-cinq ans (en 1782), Fécamp fut aussi visité par un tremblement de terre, qui ne causa que des dommages insignifiants; mais les secousses ne s'étaient point alors fait ressentir sur une aussi vaste étendue que celles de samedi soir. >>

2o Lettre adressée le 13 juillet, par M. J. Girardin, Secrétaire perpétuel pour la classe des Sciences, à Messieurs E. Leudet et Poulain, au Havre, et à M. E. Marchand, à Fécamp.

<< Monsieur,

« J'apprends, par le Journal de ce jour, que plusieurs secousses de tremblement de terre ont été ressenties au Havre et à Fécamp le samedi 10 courant. Désirant recueillir pour l'Académie de Rouen des renseignements précis et tout-à-fait scientifiques sur ce phénomène si rare dans nos localités, je vous prie de vouloir bien réunir toutes les données exactes sur le jour, l'heure, la durée, l'étendue et les autres particularités de ce tremblement. Je communiquerai ces intéressants documents à l'Académie en faisant connaître que c'est à vous que je les devrai.

« Veuillez interroger le plus de personnes graves possible, afin de contrôler les renseignements les uns par les autres, et arriver à connaître la vérité Vous concevez que, dans une telle question, les observations et les faits n'ont véritablement de valeur scientifique que par leur certitude et leur clarté. Je m'en rapporte, sur ce point, à votre intelligence éclairée.

« Je vous remercie à l'avance des soins que vous voudrez bien donner à cette affaire, qui intéresse à un si haut degré l'histoire physique du globe.

« J. GIRARDIN. >>

3o Réponse de M. E. Marchand, en date du 19 juillet.

« Monsieur,

« J'ai différé jusqu'à ce jour pour vous transmettre les renseignements que vous me faites l'honneur de me de

mander par votre lettre du 13 de ce mois, parce que m'étant adressé à un assez grand nombre de personnes de la campagne pour recueillir le plus possible de faits bien authentiques, j'ai dû attendre jusqu'à hier pour voir ces diverses personnes. Cependant, Monsieur, je dois vous le dire de suite, je n'ai pu recueillir d'autres faits que ceux que j'ai déjà eu l'honneur de faire connaître à M. Arago, dans une lettre que je lui ai adressée le 11 de ce mois, c'est-à-dire le lendemain du tremblement de terre. Je vais dans un instant vous transcrire ici cette lettre, mais auparavant, je dois vous dire que bien que je fusse éveillé au moment où les secousses du tremblement de terre se sont fait sentir à Fécamp (j'étudiais dans mon lit), je n'en ai eu aucune connaissance. C'est ce qui vous expliquera le manque d'observations barométriques et thermométriques au moment de la manifestation du phénomène. Si j'avais ressenti quelques-unes des secousses, je n'aurais pas manqué de faire ces observations, et je serais à même aujourd'hui de compléter l'histoire de ce phénomène.

J'ajouterai encore qu'il n'est pas vrai, comme l'ont avancé quelques journaux, qu'à Fécamp, toute la vaisselle placée sur les étagères d'un marchand, ait été cassée. A Fécamp, pas plus qu'ailleurs, aucun accident de ce genre ne s'est manifesté; seulement, dans un très grand nombre de maisons, les assiettes placées debout, comme on le fait généralement à la campagne, ont vacillé en faisant entendre un bruit résultant de leur choc les unes contre les autres. M. Delaquerrière, membre de l'Académie, en ce moment à Mentheville, m'a assuré qu'une partie du toit en tuiles de la maison occupée par M. Dusaussey, à Mentheville, s'était écroulée

Un éboulement de terre a eu lieu dans l'une des carrières qui existent sous notre ville, mais cet accident

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