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ressemblent tellement à des avoués et les huissiers à » des pairs de France, que ce n'était pas la peine d'en » parler.

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>> Mais vous avez cent autres raisons de vous réjouir : >> M. de Châteaubriand, qui est votre Dieu, vous a dit : « Je » ne vous bénis pas, parce que tout ce que j'ai béni est > tombé! >> M. de Lamartine, qui est votre roi, vous a » écrit de la forêt paternelle, où il a rencontré tant de » mélodies errantes : « Attendez! que je réponde de vous » à la face du ciel! » Ainsi, M. de Lamartine vous écrit » d'attendre, ce qui sent terriblement la mélodie errante; et >> M. de Châteaubriand vous dit : « Je ne vous bénis pas! >> >> Si vous n'étiez pas content après cela, monsieur, vous >> seriez bien difficile ! La France admire beaucoup M. de » Châteaubriand, et cependant cette admiration s'est encore » accrue, à la nouvelle de ce refus de bénédiction. Où en >> serions-nous, en effet, si l'auteur du Génie du Christia» nisme avait jeté l'eau sainte à l'auteur de Debureau ? » Votre monarchie, monsieur, s'écroulerait comme cette » vieille royauté que M. de Châteaubriand avait bénie, et » M. Odilon Barrot serait obligé de vous accompagner à » Cherbourg. La France a pu se consoler de la chute de >> la monarchie de Louis XIV; mais la vôtre, monsieur... >> ah! grand Dieu !

» Il me reste à vous féliciter d'avoir choisi pour témoins » M. Franck-Carré et Hébert, ces deux grands magistrats. » C'est un acte plein d'à-propos et d'une délicatesse ex» quise, venant d'un enfant de la presse et d'un enfant >> plus que prodigue. Ces mains qui se sont étendues sur » vous, tandis que vous étiez agenouillé à l'autel, ces » mêmes mains avaient peut-être frappé la veille et meur» tri le sein de votre mère, de votre mère indulgente et » féconde qui vous a mis au monde, allaité, nourri, com

» blé de ses caresses et de ses idolâtries; et vous, son fils, » vous avez mis le réquisitoire, l'acte de saisie, l'arresta» tion préventive et le code de septembre dans votre cor»beille de mariage!

>> Un mot encore, monsieur. Par un excès de modestie » toute charmante, vous vous posez en Neptune unique : » c'est vous qui tenez à vous seul, dites-vous, l'empire » des flots et les contenez d'un signe de votre trident.

Quand Neptune se marie et se couche, les drames et les » vaudevilles peuvent déborder à leur aise et ravager les » plaines il n'y a plus là ni trident ni digue, ni chaus»sées, ni dieu capable de mettre un frein à leurs caprices. >> Oui, monsieur, vous êtes la digue et le trident! Mais, » dites-moi, au lieu d'épuiser votre force et votre autorité » surhumaines contre de pauvres méchants drames sans » défense, ou d'innocents vaudevilles qui n'ont que le » souffle, ne pourriez-vous tenter, à la façon d'Hercule, » des travaux plus courageux et plus héroïques? Que » n'employez-vous votre trident à faire rentrer dans leur » lit ces vanités monstrueuses, la plaie et le ridicule de » ce temps-ci, gens qui s'imaginent avoir le sourcil de » Jupiter et ébranler la terre pour peu qu'ils toussent, » se mouchent ou se marient? Que n'opposez-vous votre » digue à ces importances risibles et impudentes qui pen> sent que le monde est tout en eux et s'inquiètent si l'œil » de leur femme est bleu, si leur chien a la queue coupée » et si leur bambin tette sa nourrice? Laissons passer li

brement l'enfant qui vient de naître, dites-vous, la >> blanche fiancée qui va à l'autel, le vieillard qui des>> cend dans son noir cercueil : à la bonne heure! Mais » que ceux qui conduisent le berceau, le cercueil, la fian»cée, donnent les premiers l'exemple du respect pour » la candeur de l'enfance, pour la sainteté du tombeau,

Dla chasteté de l'épouse, et n'exécutent pas leurs tours » de force les plus difficiles sur la tombe, le berceau et » l'autel.

» P. S. L'Europe attend avec anxiété les jappernents » de la jeune famille que vous lui annoncez. »

II

Le Roi.

La douleur bruyante de M. Alexandre Dumas à la mort du duc d'Orléans, les mots fatidiques prononcés par M. Victor Hugo, en allant porter à Louis-Philippe l'expression des sympathies de l'Académie française, pour le malheur qui venait de frapper le père et le roi; ces mots: « Vous vivrez, Sire, Dieu a besoin de vous,» tout cet étalage de dévouement empêchait probablement M. Jules Janin de dormir. Il voulut de son côté faire preuve de zèle dynastique : il publia le Roi.

Le mauvais goût de cette production se fait sentir à chaque page, pour ainsi dire. Ainsi, en parlant de la royauté de 1830, qui fut, d'après M. Jules Janin, acceptée au rabais, il dit : « Pendant un instant le royaume de » France fut à l'encan, comme cela arriva pour l'Empire >> romain après Tibère; seulement c'était, parmi les pré>> tendants à l'Empire romain, à qui le paierait le plus » cher; c'était parmi les prétendants à la couronne de » France, à qui serait roi à meilleur marché. Bien en prit >> alors au duc d'Orléans d'ètre le maître et le créateur de >> cet important patrimoine, et d'avoir mérité cette excel» lente réputation d'homme riche et bien entendu dans » les affaires. Sa fortune privée, non moins que sa nais

»sance royale, le désigna au choix du peuple; grâce à sa » richesse personnelle, il put accepter la royauté de Franee » à un rabais très-sensible (un million par mois au lieu » de trois millions et demi par mois que touchait la dy» nastie perdue); en même temps toutes ces avidités >> honteuses que jettent les révolutions à la surface des » sociétés, immonde écume, purent tendre la main au » nouveau roi qui jeta dans ces mains impures toutes ses » économies. >>

En parlant du Palais-Royal, que Louis-Philippe ne voulait pas quitter pour aller habiter les Tuileries, après avoir été porté au trône en 1830, bien que Casimir Périer, dont la volonté ne connaissait pas d'obstacle, l'exigeât dans l'intérêt de la dynastie nouvelle, M. Jules Janin nous en fait une description curieuse, en même temps qu'il se charge de nous apprendre pourquoi Louis-Philippe tenait tant à ce séjour: «...... Quoi donc ! dit-il, abandonner ainsi » son toit domestique, ce Palais-Royal qui était à la fois » sa maison et la plus riche boutique du monde ! quitter >> ces vastes salons remplis des tableaux qu'il aimait ! re» noncer à ces promenades aériennes sur ces vastes gale»ries, ou plutôt sur ces jardins suspendus d'où il semblait » dominer tout le vice, toute la fortune et toute la corrup» tion parisiennes! Perdre ainsi son droit de bourgeoisie » et changer son foyer domestique contre le palais d'un >> roi vaincu! C'était impossible, disait le roi. Le Palais» Royal était trop rempli de souvenirs qui lui étaient chers » et précieux. Dans ces salons qu'on lui propose d'aban» donner si brusquement, il avait jeté, avec la plus calme » et la plus intelligente persévérance, les fondements de » sa propre grandeur; cette maison avait été ouverte à tous » les mécontents d'esprit, de talent, de génie ou de cou» rage dont la Restauration s'inquiétait jusqu'à l'injus»tice; là, dans ce nid bruyant et pourtant peu soupçonné

» de sa royauté, sa sollicitude paternelle avait élevé, Dieu » sait avec quels soins ingénieux, toute cette jeune et » belle famille qui était, sans contredit, les plus beaux >> diamants de sa couronne. Il tenait au Palais-Royal par > instinct, par souvenir, par piété filiale, par vanité de pro» priétaire, par amour-propre d'architecte et d'artiste. » Là, il avait été roi chez lui, avant que d'être roi des » Français; là, il avait formé tant d'amitiés précieuses; il >> avait refait sa fortune privée, tout en s'occupant de la > fortune publique; il avait reçu le peuple de juillet en » lui tendant la main et en chantant: Allons, enfants de » la patrie! Il avait été le premier bourgeois et en même » temps le premier gentilhomme de Paris. Aussi ne vou» lait-il pas quitter le Palais-Royal. Le roi rêvait encore à » ces premiers jours de royauté, que sa maison n'était » gardée que par un portier, et qu'il pouvait se promener » dans les rues de Paris, son architecte sous un bras et » son parapluie sous l'autre bras. »

Du reste, l'auteur connaissait le personnage auquel il adressait ses flagorneries. Louis-Philippe, quand il était en veine de bonne humeur, ne disait-il pas, en propriétaire dévot: « Dieu soit loué et mes boutiques du PalaisRoyal aussi ! »

Dans un autre passage, c'est M. Jules Janin qui se charge, en quelque sorte, de présenter à la France le futur régent du royaume; M. le duc de Nemours, qui donc le connaissait avant que M. Jules Janin en ait fait la découverte? Le grand critique semble prendre le duc de Nemours par la main, et après l'avoir tiré de l'obscurité, il le recommande à l'attention bienveillante du public de la manière suivante :

« Le noble jeune homme qui, par la mort du duc d'Or» léans, se trouve l'aîné de cette illustre maison, est un » calme courage, un esprit sérieux, un gentilhomme plein

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