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la doctrine et les mœurs, dévoré du saint zèle de la maison de Dieu, vint au secours de ses pieux freres de PortRoyal. Il les couvrit de son éloquence, lança sur la ligue impie les traits du ridicule, et lui ouvrit une plaie profonde et mortelle; mettant à profit toutes les ressources de l'esprit humain, bonnes en elles-mêmes, et toujours légitimes quand on ne les emploie qu'au triomphe de la vérité. Et cependant, avant de descendre dans la tombe, il eut le chagrin de voir s'allumer cette cruelle persécution, dont sa sœur, sous-prieure à Port-Royal-des-Champs, fut une des premieres victimes. Si le reproche qu'on a fait aux Jansénistes touchant leurs opinions politiques pouvoit être fondé, combien Pascal se trouve au-dessus même du soupçon, lui qui avoit un respect si

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grand et si solide pour la majesté du trône, qu'il disoit que la puissance royale étoit non seulement l'image de la puissance de Dieu, mais qu'elle en étoit une participation même; en sorte qu'on ne pouvoit s'y opposer sans commettre un horrible sacrilége. Mais on le sait, celui qui flatte les rois n'a jamais d'ennemis qu'ils ne soient aussi les ennemis de l'autorité, des rebelles et des séditieux.

Cependant, parmi tant d'hommes illustres, généreux défenseurs de l'antique tradition, Pascal n'étoit pas moins distingué par son grand caractere que par la force et la beauté de son génie. Il joignoit à tout le reste cette inébranlable fermeté, sans laquelle les talents et les vertus même ne jettent qu'un foible éclat. Quelques signes de découragement qu'il avoit cru remarquer dans la con

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duite d'Arnaud, cette colonne de PortRoyal, lui firent prendre aussitôt la résolution de retourner à Paris pour y fixer désormais sa demeure; car il lui sembloit bien qu'il n'étoit permis qu'aux Jésuites de montrer de la condescendance dans les affaires du salut (1). C'est alors qu'il commença plus particulierement à s'occuper de son grand ouvrage sur la religion; il le méditoit sans cesse, et jetoit ses pensées, à mesure qu'elles lui venoient, sur ces petits morceaux de papier, rognures informes, qui sont devenus pour nous d'un si grand prix. Avec

(1) Pascal étoit si inflexible en matieres de doctrine, que lorsque les solitaires de Port-Royal voulurent, pour conjurer l'orage, se relâcher sur quelques points, il se brouilla avec eux, en leur disant: Vous ne sauverez point Port-Royal, et vous trahissez la vérité.

quelle vénération, mais aussi avec quel délice j'ai ouvert le livre où sont recueillis ces précieux lambeaux! Quelquefois, ô mélange sublime des plus hautes conceptions! on trouve à côté d'un triangle ou d'un cercle l'éloquent aveu de la misere de l'homme; et ces belles et profondes réflexions sur la justice et la miséricorde divine, parmi des droites et des courbes. Là, tout ému encore de la présence du grand homme, saisissant, pour ainsi dire, sa pensée au moment de l'inspiration, j'ai admiré ce que l'esprit humain avoit produit de plus parfait. Cherchez au fond des tombeaux la poussiere des rois; contemplez la sombre majesté de leurs monuments; j'ai lu les pensées de Pascal écrites de sa main!

Nous retrouvons ici, mais plus forts et plus rapides, je dirois presque comme

à leur source, ces traits si familiers à l'immortel Bossuet; c'est la même hardiesse d'éloquence, la même couleur antique, et partout cette mélancolie religieuse que soupire la muse sacrée. Voyez cependant s'il y a dans tout Bossuet quelque chose d'aussi sublime, et qui soit comparable à ceci (1). Le dernier acte

(1) Bossuet a dit avec le même accent mélancolique: « Le temps viendra où cet homme qui vous « sembloit si grand ne sera plus, où il sera comme <«< l'enfant qui est encore à naître, où il ne sera rien. « Si long-temps qu'on soit au monde, y seroit-on mille ans, il en faut venir là. . . . . . . . Je ne suis « venu que pour faire nombre, encore n'avoit-on « que faire de moi, et la comédie ne se seroit pas <«< moins bien jouée, quand je serois demeuré der«riere le théâtre. >>

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Bossuet, dans ce morceau intitulé Fragment sur la briéveté de la vie et le néant de l'homme, comme dans beaucoup d'autres, n'a fait qu'étendre la pensée de Pascal, avec tout le talent dont il étoit à la vérité capable. Il dit un peu plus loin: «Jè

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