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Sans tant de contredits, et d'interlocutoires,

Et de fatras et de grimoires,

Travaillons, les Frêlons et nous

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On verra qui sait faire, avec un miel si doux (7),

Des cellules si bien bâties.

Le refus des Frêlons fit voir

Que cet art passoit leur savoir;

Et la Guêpe adjugea le miel à leurs parties.

Plût à Dieu qu'on réglât ainsi tous les procès!
Que des Turcs en cela l'on suivît la méthode (8) !
Le simple sens commun nous tiendroit lieu de code.
Il ne faudroit point tant de frais.

Au lieu qu'on nous mange, on nous gruge ;
On nous mine par des longueurs.

On fait tant à la fin, que l'huitre est pour le juge,
Les écailles pour les plaideurs (9).

(Depuis La Fontaine). FRANÇ. Groselier, L.II. fab. 12. Fables en chans. L. IV. f. 29. Florian, la Guépe et l'Abeille, L. V. f. 15.

NOTES D'HISTOIRE NATURELLE.

MOUCHE A MIEL ou Abeille. Tout est admirable dans les Abeilles, leur structure, leur travail, les colonies qu'elles forment. L'Abeille est à-peu-près trois fois aussi grosse que la mouche commune, velue, d'une couleur brillante et brunâtre. Elle est garnie de tous les instrumens nécessaires à la composition de la cire et du miel qu'elle nous donne; elle a des serres pour recueillir la cire, la pétrir et construire les alvéoles où son el, sera déposé, une trompe dont on ne voit l'étendue que lorsque l'insecte est occupé à la récolte du miel. On lui Tome I.

E

:

voit aux deux dernières jambes de derrière un enfoncement en forme de cuiller c'est dans ces espèces de corbeilles que les mouches ramassent tout ce qu'elles recueillent sur les fleurs. Aux extrémités des pattes, qui sont au nombre de six, on remarque des crocs, à l'aide desquels elles s'attachent les unes les autres aux parois de la ruche. Du milieu de ces crocs, sortent de petites brosses propres à recueillir les étamines des fleurs, dont les poils de leur corps se trouvent garnis. Les Abeilles ont encore un autre instrument propre à leur défense; c'est l'aiguillon, dont la piquure est cruelle. Cette espèce de flèche est empoisonnée par un venin qu'elles conservent dans une bouteille placée à sa racine. Il est impossible d'indiquer, dans une simple note, les détails qui appartiennent à l'histoire de ce merveilleux insecte. On peut consulter à ce sujet, les intéressans ouvrages de Maraldi, de Réaumur, de Pluche et du Pline français.

FRELON, grosse mouche plus semblable à la Guêpe qu'à l'Abeille, plus grosse, plus venimeuse que la première, et bien moins utile que la seconde. Si l'on coupe en deux un Frêlon, il ne laisse pas de manger. Il y a eu de tout temps guerre entre les Abeilles et les Frêlons. Les premières, dit Virgile, écartent avec soin de leurs ruches l'espèce paresseuse des Frêlons. Ignavum fucos pecus a præsepibus arcent.

LA GUÊPE. Les naturalistes admettent peu de différence entre la Guêpe et le Frêlon. Les anciens en distinguoient de deux sortes, la sauvage et celle qui ne l'est pas toutes deux se ressemblent par leur commune inutilité. Disons en passant, à la gloire d'Aristote, que ce qu'il a dit de ces insectes, sembleroit être copié des mémoires de M. de Réaumur.

OBSERVATIONS DIVERSES.

(1) À l'œuvre on connoît l'ouvrier. Desmahis:

Ah! qu'on a bien raison de dire,

Qu'à l'œuvre on connoît l'ouvrier !

(Fable du Valet-Maître.).

(2) Des animaux ailés, bourdonnans, un peu longs,

De couleur fort tannée. Ces vers sont parfaits la prose de Buffon ne seroit pas plus exacte. Le génie d'Oudry, de Van Spandonck n'est pas plus pittoresque.

(3) Ces enseignes étoient pareilles. Florian fait dire à sa Guêpe :

J'ai des ailes tout comme vous;

Même taille, même corsage;

Et s'il vous en faut davantage,

Nos dards aussi sont ressemblans.

(4) Fit enquête nouvelle. Cet art de transporter au récit des plus petites choses, l'importance des plus graves, est un des charmes les plus puissans qui nous attachent à l'apologue. Apollon plaidant pour son trépied, qui lui a été enlevé par Hercule, ne donneroit pas à sa cause plus de solemnité. C'est que le miel de l'Abeille est, pour elle, un trésor aussi précieux que le trépied d'or envié par Alcide. Voilà ce que La Fontaine a vu; voilà ce qui crée, sous sa plume ingénieuse, cette procédure juridiquement intentée et discutée si longuement. Racine, dans ses Plaideurs, n'a voulu qu'outrer la nature; de-là les charges burlesques de son Dandin, de son Petit-Jean La Fontaine ne veut être que l'historien de la nature et le peintre de la société : pour vouer au mépris les formes du barreau, il lui suffit d'un voile, et de son talent de raconter.

(5) Depuis tantôt six mois que la cause est pendante. L'harmonie lente de ce vers, sur-tout dans le premier hémistiche, peint bien les lenteurs de la justice.M. Aubert a dit après La Fontaine : Voilà tantôt six mois que nous ne l'avons vu.

1.)

) Fanfan et Colas, L. I. fab. 1.

(6) N'a-t-il point assez léché l'Ours: expression proverbiale pour dire: suçé, exténué les parties en prolongeant les procès (Coste).

L'Ours en léchant ses petits, ne les rend pas plus beau; ainsi le juge en travaillant la discussion, ne la rend pas plus claire. Cette opinion que l'Ours forme ses petits en les léchant, est fondée sur une erreur populaire, réfutée par l'anglais Brown, Essai sur les Erreurs Popul. T. I. liv. III. ch. 6.

(7) On verra qui sait faire, avec un miel si doux, etc. Ainsi Plutarque a réuni dans un seul trait, l'éloge des précieuses qualités qui caractérisent l'Abeille. Nous vantons, dit-il, l'industrie de l'Abeille, qui sait tirer des fleurs un micl délicieux ; nous lui savons gré d'une nourriture dont la douceur flatte et chatouille notre goût. (Traité de l'Amour des Pères, traduct. de l'abbé Ricard, T. VI. pag. 326.)

(8) Le juge, appellé Cadi, interroge les Plaideurs, fait donner la bastonnade à celui qui lui paroît avoir tort, et voilà l'affaire finie. Dieu nous préserve de semblable justice!

(9) On fait tant à la fin que l'huitre est pour le juge,

Les écailles pour les plaideurs. Analyse parfaite d'un apologue dont La Fontaine s'est chargé de nous donner le développement dans sa fable de l'Huitre et des Plaideurs. L. IX. fab. 9.

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FABLE XXII.

Le Chêne et le Roseau.

(Avant La Fontaine). GRECS. Esope, fab. 143 (le Roseau et Olivier). Aphtone, 36. Gabrias, f. 2 et supplément ( le Chéne). LATINS. Avien, fab. 16. Abstemius, 63. Faerne,

50.

LE Chêne un jour dit au Roseau (1):

Vous avez bien sujet d'accuser la nature (2);
Un Roitelet (3) pour vous est un pesant fardeau.
Le moindre vent (4) qui d'aventure (5)
Fait rider la face de l'eau (6),

Vous oblige à baisser la tête ;

Cependant que mon front, au Caucase pareil,
Non content d'arrêter les efforts du soleil,
Brave l'effort de la tempête (7).

Tout vous est Aquilon, tout me semble Zéphir (8). Encor si vous naissiez à l'abri du feuillage (9)

Dont je couvre le voisinage,

Vous n'auriez pas tant à souffrir;

Je vous défendrois de l'orage:

Mais vous naissez le plus souvent (10) Sur les humides bords des royaumes du vent. La nature envers vous me semble bien injuste (11). Votre compassion, lui répondit l'arbuste (12), Part d'un bon naturel : mais quittez ce souci; Les vents me sont moins qu'à vous redoutables. Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu'ici, Contre leurs coups épouvantables,

Résisté sans courber le dos:

Mais attendons la fin.-Comme il disoit ces mots (13), Du bout de l'horison accourt avec furie

Le plus terrible des enfans

Que le nord eût porté jusques-là dans ses flancs.
L'arbre tient bon; le Roseau plie (14) :

Le vent redouble ses efforts,

Et fait si bien qu'il déracine (15)

Celui de qui la tête au ciel étoit voisine,

Et dont les pieds touchoient à l'empire des morts (16).

(Depuis La Fontaine ). LATINS. Jaius (le Jeay, Biblioth. Rhet.)

T. II. p. 743. Desbillons', L. VI. fab. 10.

fab. 65. Fables en chansons, L. II. fab. 8.

fav. 97.

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FRANC. Benserade

ITAL. Luig. Grillo,

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