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FABLE XIX.

L'Enfant et le Maître d'école.

(Avant La Fontaine). ORIENTAUX. Lockman, fab. 25. LATINS. S. Augustin, sur la Iere, aux Cor. c. 15, p. 410. Abstemius, f. 115 (Du Renard tombé dans un puits, et du Loup. Même sujet, à la différence près des acteurs. Même morale: Fabula indicat quandò periclitantibus celeri auxilio opus est, supervacuis verbis tempus, non esse terendum.)

DANS ce récit je prétends faìre voir;

D'un certain sot la remontrance vaine.

Un jeune Enfant dans l'eau se laissa cheoir,
En badinant sur les bords de la Seine.

Le ciel permit qu'un saule se trouva,
Dont le branchage, après Dieu (1), le sauvą.
S'étant pris, dis-je, aux branches de ce saule,
Par cet endroit passe un Maître d'école.
L'Enfant lui crie: Au secours! je péris!
Le Magister se tournant à ses cris,
D'un ton fort grave à contre-temps s'avise
De le tancer: Ah! le petit babouin!
Voyez, dit-il, où l'a mis sa sottise!
Et puis, prenez de tels frippons le soin.
Que les parens sont malheureux, qu'il faille
Toujours veiller à semblable canaille !
Qu'ils ont de maux, et que je plains leur sort!
́Ayant tout dit (2), il mit l'Enfant à bord.

Je blâme ici plus de gens qu'on ne pense.
Tout babillard, tout censeur, tout pédant,
Se peut connoître au discours que j'avance.
Chacun des trois fait un peuple fort grand:
Le Créateur en a béni l'engeance (3).
En toute affaire ils ne font que songer
Au moyen d'exercer leur langue.
Hé, mon ami! tire-moi du danger,
Tu feras après ta harangue (4).

(Depuis La Fontaine). LATINS. Desbillons, L. I. fab. 17. (C'est un vieux Rat qui fait ici l'office du Pédagogue). C. le Beau Carmina, pag. 44.-FRANC. Fables en chans. L. II. f. 3. M. l'abbé Aubert, L. IV. fab. 8 ( les Deux Commères, imitation).

OBSERVATIONS DIVERSES.

(1) Après Dicu. Dieu, cause première, providence suprême, dispose les événemens qui agissent comme causes secondes.

(2) Ayant tout dit: mot d'une admirable naïveté. Heureusement qu'il ne lui restoit plus rien à dire, sans quoi l'enfant étoit perdu.

(3) Le Créateur en a béni l'engeance: tant l'espèce en est commune. Allusion à ces mots : benedicens dixit: crescite et multiplicamini.

(4) Tu feras après ta harangue. Cette manie de dogmatiser avoit été déjà le sujet des plaisanteries de Rabelais. Dans Gargantua, « Un moine passant à cheval sous un noyer, lasche la bride et se trouve pendu aux branches, cependant que le cheval se desrobe de dessoubs lui. Par ce moyen demoura le moyne pendant au noyer, et criant à l'aide et au meurtre. Eudemon premier l'apperçeut, et appelant Gargantua, Cyre, dist-il, venez et voyez Absalon pendu. Gargantua venu considéra la contenance du moyne, et la forme dont il pendoit, et dist à Eudemon, vous avez mal rencontré, le comparant à Absalon; car Absalon se pendit par les cheveux, mais le moyne, ras de teste, s'est pendu par les aureilles.

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Aidez-moy, dist le moyne, de par le diable. N'est-il pas bien le temps de jaser? Vous me semblez les prescheurs décrétalistes, qui disent que quiconque voisra son prochain en dangier de mort, il le doit, soubs peine d'excommunication, plustôt admonester de soy confesser et mettre en estat de grace, que de luy aider. ( Gargantua, L. I. ch. 43), » S. Augustin lui-même s'est moqué de cette manie, comme l'a fort bien remarqué Melander dans ses Jocoseria, Tom. I. n°. 520. Rabel. T. I. édit. d'Amsterd. 1725, pag. 268, note.

FABLE X X.

Le Coq et la Perle.

(Avant La Fontaine). ORIENT. Sanbader, fab. 1. - LATINS. Phèdre, L. III. fab. 12. Anonyme, fab. 1.Camérarius, pag. 172. -FRANÇAIS. Marie Ysopet (Ouv. manusc. du XIIIe siècle, bibliot. de Saint-Germain-des-Près, no. 1830).

UN jour un Coq détourna

Une Perle qu'il donna
Au beau premier (1) lapidaire.
Je la crois fine, dit-il ;

Mais le moindre grain de mil
Feroit bien mieux mon affaire.

Un ignorant hérita

D'un manuscrit qu'il porta
Chez son voisin le libraire.

Je crois, dit-il, qu'il est bon;
Mais le moindre ducaton

Seroit bien mieux mon affaire.

Depuis La Fontaine). FRANC. Fab. en chans. L. II. fab. 45.

NOTES D'HISTOIRE NATURELLE.

LE COQ. Voy. sur cet oiseau domestique, L. X. f. 8. LA PERLE, sorte de substance dure et ordinairement ronde, qui se forme dans la coquille appellée nacre de perle, et dans quelques autres coquillages qui se pêchent dans les mers Orientales. Celles qui sont rayonnantes et paroissent transparentes, sont les plus précieuses. L'usage des perles pour le luxe et la parure des dames, en a fait un très-gros objet de commerce. Il y en a de différentes couleurs, mais la couleur blanche paroît leur être la plus naturelle. On appelle perles fines, les véritables perles, et perles fausses, les perles contrefaites, celles qui se font à Paris, à Venise, etc.

OBSERVATIONS DIVERSES.

Cette fable est du genre de celles que l'on appelle composées, c'est-à-dire où la morale mise elle-même en action, présente un second apologue. On peut en voir un autre exemple dans Hagedorn, fabuliste allemand. Il fait d'un méchant poète qui accouche de ses productions, l'anti-type particulier de la montagne en travail.

« Dieux! secourez-nous, dit-il; hommes! fuyez, une montagnę enceinte va accoucher; elle jettera autour d'elle, avant que l'on soit sur ses gardes, et sable, et terre et pierres. . . . Suffénus sue, fait grand bruit, il écume; rien ne peut calmer sa noble fureur; il frappe des pieds, il grince des dents. Pourquoi? Il rime, il veut couvrir Homère de honte, Mais voyons que résulte-t-il de part et d'autre? Suffénus fait un sonnet, et la montagne enfante une souris.

(1) Au beau premier. Cette expression est encore quelquefois d'usage dans le style familier.

Ces deux sujets peints des mêmes couleurs, réunis dans un même cadre, font un tableau piquant.

FABLE X X I.

Les Frélons et les Mouches à miel.

(Avant La Fontaine). LATINS. Phèdre, L. III. fab. 13.

A l'œuvre on connoît l'artisan (1).

Quelques rayons de miel sans maître se trouvèrent : Des Frêlons les réclamèrent;

Des Abeilles s'opposant,

Devant certaine Guêpe on traduisit la cause.
Il étoit mal-aisé de décider la chose.

Les témoins déposoient qu'autour de ces rayons,
Des animaux ailés, bourdonnants, un peu longs,
De couleur fort tannée (2), et tels que les Abeilles,
Avoient long-temps paru. Mais quoi? dans les Frêlons
Ces enseignes étoient pareilles (3).

La Guêpe ne sachant que dire à ces raisons,
Fit enquête nouvelle (4); et, pour plus de lumière,
Entendit une fourmillière.

Le point n'en put être éclairci.

De grace, à quoi bon tout ceci ?

Dit une Abeille fort prudente;

Depuis tantôt six mois que la cause est pendante (5),
Nous voici comme aux premiers jours.
Pendant cela le miel se gâte.

Il est temps désormais que le juge se hâte;

N'a-t-il point assez léché l'Ours ?

Sans

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