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à filer la vie des hommes. Catulle les représente sous la figure dè trois femmes accablées de vieillesse, les membres tremblans, le visage ridé, le regard sévère. On les voit sous des formes toutes contraires sur plus d'un monument: ce sont de belles vierges, au nombre de deux, et plus souvent de trois, comme elles sont autour du lit funèbre de Méléagre. On lit cette expression filandière dans les anciens auteurs. (Voyez Décameron, IIIe. Journ. p. 31.)

(3) Dès que Thétis chassoit, etc. Thétis, déesse de la mer, la mer elle-même, d'où les poètes supposent que le soleil, ou Phébus, se lève tous les matins. Ce sont les mêmes images qu'a empruntées madame Deshoulières, dans cette description du coucher du Soleil: elle le voit fournir sa brillante carrière :

Jusqu'en ces climats,

Où sans doute las

D'éclairer le monde,

Il va chez Thétis

Rallumer dans l'Onde

Ses feux amortis.

(4) Tourets entroient en jeu. La plupart des anciennes éditions portent: : Toutes entroient en jeu. C'est une faute. Touret, petit

tour à dévider.

(5) Dela, de çà, vous en aurez, etc.. Le fabuliste concis et serré retranche les verbes, supprime les liaisons, et augmente par le secours des ellipses la rapidité du récit.

(6) Dès que l'aurore, dis-je, en son char remontoit. Autre description du lever du Soleil. Celle-ci est plus claire, comme venant après le burin et le pinceau l'ont souvent dérobée à la poésie. Deux magnifiques camées du cabinet du duc d'Orléans représentent l'Aurore conduisant un char attelé de deux chevaux, dans le premier, de quatre dans le second; différence qui a beaucoup exercé les savans.

(7) Un misérable Coq....

Notre Vieille, encor plus misérable. Le poète joue sur le mot misérable. On sent la différence que cette épithète acquiert et de son substantif, et de la place qu'elle occupe : dans l'une c'est l'expression du dépit; dans l'autre c'est celle de la pitié.

(8) S'affubloit d'un jupon, etc. Tous ces vers portent l'empreinte du naturel enjoué qui distingue notre poète.

(9) Le réveille-matin Avec autant de justesse que de génie, La Fontaine a transporté au Coq, cette horloge vivante des campagnes, une expression dès long-temps connue. Le poète Alain Chartier a donné ce titre à un de ses poèmes: le Début du Réveille-Matin, ou Dialogue entre deux Amans. Martial avoit aussi appelé dans sa langue, le Coq un réveille-matin :

Nondum cristati rupere silentia Galli.

(Epigr. 69. Liv. IX.)

(10) Couroit comme un Lutin. Esprit follet que l'on croit se plaire à lutter contre les hommes pour leur faire peur, en fuyant sans cesse devant eux pour les attirer au piége. ́

(11) De Charybde en Scylla.

Incidit in Scyllam cupiens vitare Charybdim,

a dit l'auteur latin du poème intitulé: Alexandreis. ( Philippe Galtherus, fol. 91. éd. Lugd. 1558, in-8°.) Deux écueils dans le détroit qui sépare l'Italie de la Sicile; si rapprochés, qu'il étoit difficile de ne pas échouer contre l'un des deux en voulant éviter l'autre. On est bien revenu de la terreur qu'inspiroient ces tourbillons fameux. Dès le temps de Séneque, on ne faisoit plus à Scylla l'honneur de la redouter. (V. Lettre 79, T. II. trad. de La Grange, p.51.) Pour Charybde, l'eau n'y a pas plus de trente palmes de profondeur. Le baron de Riedezel asssure l'avoir traversé dans une petite barque. (Voyage en Sicile, Lettre I. p. 161.}

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(Avant La Fontaine). GRECS. Esope, fab. 126.

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Erasme (à la suite des fables de Camerarius, pag. 465, dans ses

Adages, chiliad. I. centur. 7 ad 30, pag. 316. )

Au fond d'un antre sauvage,
Un Satyre et ses enfans,
Alloient manger leur potage
Et prendre l'écuelle aux dents.

On les eût vus sur la mousse
Lui, sa femme, et maint petit (1)=
Ils n'avoient tapis ni housse,
Mais tous fort bon appétit.

Pour se sauver de la pluie,
Entre un passant morfondu.
Au brouet on le convie:
Il n'étoit pas attendu.

Son hôte n'eut pas la peine
De le semondre deux fois (2).
D'abord avec son haleine

Il se réchauffe les doigts:

Puis sur le mets qu'on lui donne,
Délicat, il souffle aussi.

Le Satyre s'en étonne;

Notre hôte! à quoi bon ceci?

L'un réfroidit mon potage,
L'autre réchauffe ma main.
Vous pouvez, dit le sauvage,
Reprendre votre chemin :

Ne plaise aux Dieux que je couche
Avec vous sous même toit!

Arrière ceux dont la bouche (3)

Souffle le chaud et le froid!

(Depuis La Fontaine.) FRANÇAIS. Fables en chansons, L. L. fab. 45.

OBSERVATIONS DIVERSES.

LES SATYRES étoient des divinités champêtres, très-reconnoissables à leurs oreilles droites et pointues, à leur queue au bas des reins, et souvent à leurs pieds de chèvre. Les Satyres, avec les Faunes et les Silènes, composoient le cortège de Bacchus : c'étoit là en quelque sorte la populace de l'Olympe poétique.

Richer a censuré cette fable, et ce n'est point sans quelque raison. Sa morale n'est fondée que sur un jeu de mots très-équivoque. Que l'on souffle sur un potage pour le refroidir, ou dans ses mains. pour les réchauffer, il n'y a rien à cela que de naturel et d'innocent. Comment y voir cette duplicité morale que la fable prétend blâmer ici? Au reste la narration est pleine de détails précieux.

(1) On les eut vus sur la mousse,

Lui, sa femme et maint pelit. Ces vers forment un tableau vif, animé et très-agréable.

(2) De le semondre deux fois. Vieux mot, pour inviter, convier. Il se trouve fréquemment dans les anciens auteurs. Dalibray : Si vous semonds

Lingendes:

par ce rondeau.

Tu suivrois le dessein et la douce semonce, etc.

(3) Arrière ceux dont la bouche, etc. Ce jeu de mots étoit proverbe chez les Grecs, comme on peut le voir dans Aristote

( Probl. 7), et dans les Adages d'Erasme. On le rencontre souvent chez nos philosophes. Charron avoit dit avant notre La Fontaine : « L'homme est l'animal de tous le plus difficile à sonder .., il a chez lui tant de cabinets et d'arrières-boutiques d'où il sort, tantost homme, tantost satyre; tant de soupirails dont il souffle tantost la chaleur, tantost le froid», ( de la Sagesse, L. I. ch. 5.)

FABLE VIII.

Le Cheval et le Loup.

(Avant la Fontaine). GRECS. Esope, fab. 263. Gabrias, f. 38. - LATINS. Anonyme, fab. 42. Rimicius, II. 9. Anonyme dans le Phèdre de Barbou, pag. 135. - FRANÇAIS. Régnier, Sat. III.

UN certain Loup, dans la saison

Que les tièdes Zéphirs ont l'herbe rajeunie (1),
Et que les animaux quittent tous la maison,
Pour s'en aller chercher leur vie ;

Un Loup, dis-je, au sortir des rigueurs de l'hiver,
Appercut un Cheval qu'on avoit mis au vert (2).
Je laisse à penser quelle joie.

Bonne chasse, dit-il, qui l'auroit à son croc!
Eh!
que n'es-tu Mouton! car tu me serois hoc (3);
Au lieu qu'il faut ruser pour avoir cette proie;
Rusons donc. Ainsi dit, il vient à pas comptés,
Se dit Ecolier d'Hippocrate (4);

Qu'il connoît les vertus et les propriétés

De tous les simples de ces prés;

Qu'il sait guérir, sans qu'il se flatte,

Toutes sortes de maux. Si Dom Coursier vouloit

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