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(Depuis La Fontaine). FRANÇAIS. Fables en chansons, L. II. fab. 25. ITAL. Luig. Grillo, fav. 25.

NOTES D'HISTOIRE NATURELLE.

LE CHAT. Voyez Liv. VI. fab. 5.

LE RAT. Voyez Liv. I. fab. 9.

OBSERVATIONS DIVERSES.

(1) J'ai lu chez un conteur de fables. D'où vient que, dans la fable de La Mothe, qu'on vient de lire, on reste indifférent à la lecture de ce vers: Un jeune enfant, je le tiens d'Epiciète, tandis que le rire vient de lui-même se placer sur nos lèvres en lisant ce vers de La Fontaine : J'ai lu chez un conteur de fables? 1°. La Mothe n'est et ne veut être que sérieux; 2°. il y a quelque prétention à citer cet antique philosophe, et l'on se tient en garde contre la leçon ; 3°. on voit sans intérêt le grave Epictète appelé en témoignage à propos d'un enfant. La Fontaine ne cherche qu'à vous amuser; il s'avance, le rire sur les lèvres; sa seule présence inspire la gaîté. Quand il vous indique les sources où il puise le sujet de ses narrations, il ne déguise rien; pen lui importe quel jugement vous allez porter de lui. C'est un enfant dont l'ingénuité vous charme dans les récits naïfs qu'il vous fait. Il vous séduit d'autant plus qu'il s'en doute moins. Comme lui, vous finissez par croire ce qu'il vous raconte, et vous le voyez rire de si bonne foi, que Vous ne pensez plus qu'à rire avec lui.

(2) Qu'un second Rodilard. Rodilard Ier, du nom, est le Rodilardus de la fable 2 du Liv. I. Florian leur donne à tous deux une brillante postérité (Voyez Liv. II. fab. ).

(3) L'Alexandre des Chats. La prose eût dit : « Le plus vaillant d'entre eux », et l'expression eût en de la noblesse. La Fontaine l'a rendue poétique et imposante, en disant : l'Alexandre des Chats. Ce nom est depuis si long-temps le synonyme du courage aidé de la fortune! Suivez cette première idée : Sa valeur se fatale à plus d'un ennemi. Voilà ce que diroit la prose; la poésie l'appelle un fléau : c'est Attila, surnommé le fléau de Dieu. Voulez-vous enchérir encore? Allez au-delà des bornes de la nature; que la fable elle-même devenue tributaire du génie, lui présente des modèles

jusques au sein des Enfers. Cet Alexandre, cet Attila, ce fléau, qu'est-ce que tout cela ? un vrai Cerbère, semant à l'entour l'épouvante et l'effroi. La poésie est vraiment Prométhée dérobant le feu du Ciel pour animer sa statue.

(4) La mort-aux-rats, les souricières. Notre poète pouvoit avoir lu dans Sarrazin :

Tendirent mille souricières,

Semèrent de la mort-aux-rats.

(uvres, IIe. partie, pag. 23). (5) Le galant fait le mort. Ainsi dans la fable du Renard et de la Cicogne:

Le galant pour toute besogne.

(6) A de certains cordons. On ne sait trop comment la chose a pu se faire; mais avec ces certains cordons, la vraisemblance est sauvée. Le bon homme !

(7) Le peuple des Souris croit. Peuple n'est point ici mis au hasard. La sotte crédulité fit dans tous les temps le caractère du peuple.

(8) Se promettent de rire à son enterrement. On ne tient pas à ces traits là. Mais qu'elle profonde connaissance des hommes ! Ils passent sans réflexion de l'excès de la tristesse à l'excès de la joie.

(9) Mettent le nez à l'air, montrent un peu la téte, etc. Plaignons le lecteur qui ne sentiroit pas le charme de cette peinture: elle est d'une ressemblance achevée. Tout le monde les a vus, les a considérés, ces mouvemens incertains de la souris prête à sortir de son trou, produits par les mêmes alternatives de crainte et de sécurité si bien rendues ici; voilà ses jeux, voilà et ses sorties et ses rentrées. Mais quel observateur eût mis dans sa description celte justesse de style, cette progression d'images qui fait de celle-ci la copie parfaite de la nature ?

(10) Le pendu ressuscite. La rapidité du récit égale celle de l'action.

(11) Vos cavernes creuses. Des trous de souris ne sont point des cavernes; mais cette emphatique exagération relève l'adresse du vainqueur.

(12, Notre maître Mitis. Nom de caractère: il convient bien à l'hypocrite douceur de l'animal, du latin mitis, doux; de là,

192 LIVRE III. FABLE XVIII.

chatte-mite, cata mitis. Le P. Barbe s'est approprié ces noms divers dans sa fable des trois Chats.

(13) Les affine. Mot inconnu à plus d'un auteur de dictionnaire. Il signifie jouer au fin, surprendre par quelque finesse. Cl. Marot: Fuyez la beauté

Qui soubs beaux diets un vray amant affine.

(Eglog. XIV.)

Et Rabelais Par leur astuce sera trompé et affiné.

(Prol. du Liv. IV. p. 4)

(14) La gent trotte-menu. Ce joli mot est de la création de La Fontaine. Ce sont là, comme vingt expressions d'Homère, de Corneille ou de notre fabuliste, de ces beautés perdues pour les langues étrangères, parce que, outre un rapprochement difficile à saisir, il faut dans les élémens mêmes des deux expressions, unc harmonie pittoresque.

(15) Un Rat, sans plus. Pas plus d'un seul.

(16) Méme il avoit perdu sa queue à la bataille. Une de ces saillies d'une gaîté vive et piquante, par lesquelles La Fontaine fixe ou réveille l'attention de son lecteur.

Fin du troisième livre.

LIVRE

LIVRE QUATRIÈME,

FABLE PREMIÈRE.

Le Lion amoureux.

A MADEMOISELLE DE SÉVIGNÉ.

(Avant La Fontaine). GRECS. Esope, fab. 225. Aphtone, fab. 7.

SÉVIGNÉ (1), de qui les attraits

Servent aux Graces de modèle
Et qui naquîtes toute belle,
A votre indifférence près :
Pourriez-vous être favorable
Aux jeux innocens d'une fable;
Et voir, sans vous épouvanter,
Un Lion qu'amour sut dompter (2)?
Amour est un étrange maître.
Heureux qui peut ne lè connoître
Que par récit, lui ni ses coups!
Quand on en parle devant vous,
Si la vérité vous offense,

La fable au moins se peut souffrir.
Celle-ci prend bien l'assurance
De venir à vos pieds s'offrir,

Par zèle et par reconnoissance,

Du temps que les bêtes parloient (3),

Tome I.

N

Les Lions entr'autres vouloient
Etre admis dans notre alliance.
Pourquoi non? Puisque leur engeance
Valoit la nôtre en ce temps-là,
Ayant courage, intelligence,
Et belle hure (4), outre cela.
Voici comment il en alla (5).

Un Lion de haut parentage (6),
En passant par un certain pré,
Rencontra Bergère à son gré.
Il la demande en mariage.
Le père auroit fort souhaité

Quelque gendre un peu moins terrible.
La donner lui sembloit bien dur:
La refuser n'étoit pas sûr;

Même un refus eût fait possible,
Qu'on eût vu quelque beau matin
Un mariage clandestin (7).
Car outre qu'en toute manière
La belle étoit pour les gens fiers
Fille se coëffe volontiers
D'amoureux à longue crinière.
Le père donc ouvertement
N'osant renvoyer notre amant,
Lui dit: Ma fille est délicate;
Vos griffes la pourront blesser
Quand vous voudrez la caresser.
Permettez donc qu'à chaque patte
On vous les rogne; et pour les dents,

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