d'Auguste? Dans quels mémoires secrets Phèdre l'avoit-il puisé ? Est-ce bien lá le style d'Esope? du moins les écrivains qui ont forgé ou copié le roman de la vie d'Esope, ont-ils été fidèles au costume? C'est par des apologues que le prétendu père de l'apologue exprime cette haute sagesse dont on lui fait tant d'honneur. A quelle époque sera-t-il permis d'assigner son séjour à Athènes, sans y découvrir un absurde anachronisme? En supposant même qu'Esope ait voyagé dans l'Attique, à quel titre aura-t-il parlé devant les Athéniens? On sait qu'à Athènes un étranger qui se mêloit dans l'assemblée du peuple étoit puni de mort. (Voyez Libanius, Déclam. 17 et 18.) C'est, ajoute l'auteur de l'Esprit des loix, qu'un tel homme usurpoit la souveraineté du peuple (Liv. II. ch. 2. ); et les Athéniens étoient aussi jaloux de la gloire de l'esprit que de leur souveraineté. Au reste, sans nous engager davantage dans une difficulté sur laquelle nous pourrons offrir à la curiosité du lecteur des discussions approfondies et des résultats nouveaux, dans un mémoire particulier, osons affirmer que l'anecdote présente n'est point à la vérité une fable, mais simplement une historiette imaginée par Phèdre, et traduite sans garantie par La Fontaine, qui a su en faire un chef-d'oeuvre de narration. Nous remarquerons .que La Fontaine écrivant Esope par un E simple, éloigne ce nom de son étymologie; en grec, Αισοπος ; la diphthongue ai doit se retrouver en français comme en latin :'de là Esopus; il faut donc dire AEsope. Cette observation n'est ni étrangère, ni indifférente à l'histoire même de l'apologue. Au reste, cette fable, malgré son apparente sécheresse, est une de celles qui font le mieux ressortir le prodigieux talent de La Fontaine. La prose ne seroit pas exprimée avec une aisance plus gracieuse et plus indépendante: c'est parfaitement là le style de la chose. Il est vrai que le poète français avoit un excellent modèle dans la fable de Phèdre; mais comparez les langues et les écrivains : quelle différence! Il eût été pardonnable à La Fontaine de rester au-dessous. Qu'est-ce donc que de l'avoir surpassé ? (1) Que tout l'Aréopage. Tribunal d'Athènes, qu'il ne faut pas confondre avec le sénat, comme l'a fait M. Coste. Il étoit si reconnu pour sa sagesse, que les Dieux mêmes vinrent porter Leurs causes son jugement. (2) Chacune sœur. Style de pratique; et ce mot chacune, as lien de chaque, fait très-bien en cet endroit. (Champfort.) (3) Yjettent leur bonnet. Il ne faut pas aller chercher bien loin le sens de cette expression proverbiale: quand l'avocat pérore, il se couvre de son bonnet; a-t-il fini, il se découvre et jette son bonnet, parce qu'il n'a plus rien à dire. On retrouve ce mot dans Florian : Et l'auditoire s'étonnoit Qu'il n'y jetât pas son bonnet. (Liv. IV. f. 15,) (4) En l'un les maisons de bouteille. Maisons de plaisance où l'on va se livrer aux plaisirs de la table, vide-bouteilles. Dans Phèdre: domum luxuriæ, maison de plaisir où l'on fait beaucoup de dépense pour se divertir. (5) Qu'un homme seul. L'histoire va bien plus loin. « Le plus grand malheur des hommes, dit Hérodote, c'est que les plus sages d'entre eux sont toujours ceux qui ont le moins de crédit ». (L. IX. chap. 16.) Et l'expérience confirme le jugement du fabuliste et de l'historien. Fin du second livre. LIVRE TROISIÈME. FABLE PREMIÈRE. Le Meunier, son Fils et l'Ane: A M. DE M***** (1). (Avant La Fontaine). ALLEMANDS. Gravures et fabliaux dn XVe siècle (*), Le graveur bohémien Venceslas Hollard, qui fit graver celui-ci en cinq planches, à Francfort, en 1620 (**).· LATINS. Faerne, fab. 99. Camérarius ( dans un Mem. de M. Christ, en 1756). - ITAL, Le Pogge. Facetiæ, Verdizotti, cento favole fav. I. L'INVENTION des arts étant un droit d'aînesse (2), Ces deux rivaux d'Horace, héritiers de sa lyre, (*) «Quidam fabulam retulit, quam nuper in Alemanniâ pictam, scriptamque vidisset. (Le Pogge, dans Remarques sur les Mémoires de la vie de Malherbe, p. 21 de l'éd. in-8°. de Paris, 1757.) (**) Voyez un mémoire de M. Christ, dans le Journ, étran. avril, 1756. Se rencontrant un jour tout seuls et sans témoins, Et que rien ne doit fuir en cet âge avancé, A quoi me résoudrai-je ? Il est temps que j'y pense. Malherbe là-dessus : Contenter tout le monde? J'ai lu dans quelqu'endroit (8), qu'un Meûnier et son fils Puis cet homme et son fils le portent comme un lustre. Le plus Ane des trois n'est pas celui qu'on pense (12). L'Ane, qui goûtoit fort l'autre façon d'aller, Tandis que ce nigaud, comme un Evêque assis, Fait le veau sur son Ane (17), et pense être bien sage. Il n'est, dit le Meûnier, plus de veaux à mon âge. Nous en viendrons à bout. Ils descendent tous deux. : |