Oiseau est tout seul un spectacle; et sa beauté qui l'a fait consacrer à Junon, lui donne parmi les Oiseaux, le même rang dont la Reine des Dieux jouit dans le ciel poétique. Mais ces plumes brillantes, qui surpassent, en éclat, les plus belles fleurs, se flétrissent aussi comme elles, et tombent chaque année. Dans cet état humiliant, le Paon craint de se faire voir, jusqu'à ce qu'un nouveau printemps lui rendant sa superbe parure, le ramène sur la scène pour y jouir de l'hommage dû à sa beauté. Comme l'Oie, le Paon sert de sentinelle aux maisons où il habite; mais son cri est triste et désagréable. OBSERVATIONS. DIVERSES. (1) Le Paon se plaignoit à Junon. Cette déesse est la protectrice naturelle de l'Oiseau qui lui est consacré. Argus ayant été choisi par elle pour garder Io, que Jupiter, son époux, aimoit, et qui fut changée en Vache; Mercure l'endormit au son de sa flûte, et le tua par ordre de Jupiter. Junon, pour récompenser la fidélité de son espion, le métamorphosa en Paon, dont les cercles d'or qui paroissent semés sur sa queue sont autant d'yeux. (2) Déesse, disoit-il. L'apostrophe est brusque. C'est moins par honneur, qu'avec la sécheresse de la plainte, que l'Oiseau mé→ content adresse cette appellation. (3) Toi que l'on voit porter, etc. Il y a dans toutes les langues des descriptions de la riche parure du Paon. En connoit-on qui réunisse plus de magnificence à plus de précision? Ce sont pour la variété de ses couleurs, les nuances de l'arc-en-ciel, c'est-àdire, ce qu'il y a de plus brillant dans la nature c'est, pour l'éclat de ces mêmes' parures, la boutique d'un Lapidaire, c'està-dire tout ce que l'art peut étaler de plus somptueux. Observons que ces beaux vers de La Fontaine ne sont pourtant qu'une superbe broderie de ces vers de Phèdre : Nitor smaragdi collo præfulget tuo, Pictisque plumis gemmeam caudam explicas. (4) Nous vous avons donné. L'épouse de Jupiter, associée par les privilèges de la couche nuptiale, à la toute-puissance de la majesté suprême, n'a garde d'oublier la part qu'elle eut à ces magnifiques créations. Ainsi Virgile lui fait dire: ego quæ regina Deum incedo Jovisque et soror et conjux. L'excellence de l'ouvrage et de l'ouvrier relève encore l'injustice de la plainte. FABLE XVI I I. La Chatte métamorphosée en Femme. (Avant La Fontaine ). LATINS. Phèdre (Supplém. Fable sous le titre de Vulpes in fœminam mutala). UN homme chérissoit éperduement sa Chatte; Il la trouvoit mignonne, et belle, et délicate, Il étoit plus fou que les fous. Cet homme donc, par prières, par larmes, Et poussant l'erreur jusqu'au bout, La croit Femme en tout et partout: Lorsque quelques Souris qui rongeoient de la natte, Troublèrent le plaisir des nouveaux mariés. Aussitôt la Femme est sur pieds. Elle manqua son aventure. Souris de revenir, Femme d'être en posture ; Pour cette fois elle accourut à point; Car ayant changé de figure, Les Souris ne la craignoient point. Ce lui fut toujours une amorce : Il se moque de tout certain âge accompli, Quelque chose qu'on puisse faire, (Depuis La Fontaine). FRANÇAIS. Fables en chansons, L. III. fab. 26. — ITAL. Luig. Grillo, fav. 50. OBSERVATIONS DIVERSE S. ce Phèdre n'a pas mieux trouvé le héros de sa métamorphose, en l'appliquant à un Renard. Son apologue n'est, comme lui-ci, qu'un conte hors de la nature et de cette vraisemblance à morale qui doit se retrouver jusques dans les mensonges de la fable. Mais s'il faut desirer un sujet mieux choisi, où trouver, quelques négligences près, des détails plus agréables, un esprit plus fin, plus orné, si toutefois on peut louer l'esprit dans La Fontaine? (1) Cet homme donc, par prières, par larmes, Par sortilèges et par charmes. A laquelle de ces causes diverses attribuer le prodige? Le poète n'en sait rien. Mais comment croire à l'action de ces causes combinées? ne pas (2) Maître-sot. D'un seul mot il a peint son homme. Cent fois la bête a vu l'homme hypocondre (Sat. VIII.) On a mis ces vers en opposition avec celui de La Fontaine. Mais 1o. notre fabuliste a relevé son expression hypocondre, par l'article qui lui donne l'air et l'accent de la conversation famílière. 2°. L'application qu'il en fait est juste, parce qu'elle s'adresse à un homme frappé d'une manie hypocondriaque, au lieu que, dans le satyrique, elle ne peut se dire d'un culte même superstitieux. 3°. Boileau auroit dû dire homme hypocondriaque, et non hypocondre, comme on l'a déjà observé. (4) Le vase est imbibé, etc. Traduction heureuse de ce vers : Quo semel est imbuta recens servabit odorem Testa diù; comme tout le reste est un commentaire élégant, quoiqu'un peu prolixe, de ce passage d'Horace, imité de même par M. Aubert (L. I. fab. 10): Naturam expellas furcâ, tamen usque recurret. Si La Fontaine est imitateur, il est plus souvent modèle. M. Le Monnier a dit d'après lui: Mais en est-il ainsi d'un petit-maître ? Jetez-en un par la fenêtre, Par la porte aussitôt un autre rentrera. (La jeune Fille et la Guépe.) Un M. de Saint-Maurice a imité ces deux poètes à-la-fois, dans une fable intitulée: l'Académie des Singes, citée par Bérenger. (5) Embátonnés, vieux mot, armés d'un bâton. FABLE XIX. FABLE XIX. Le Lion et l'Ane chassant. LATINS. (Avant La Fontaine). GRECS. Esope, f. 230. LE roi des animaux (1) se mit un jour en tête Le gibier du Lion, ce ne sont point Moineaux, Il se servit du ministère De l'Ane à la voix de Stentor (3). L'air en retentissoit d'un bruit épouvantable : N'ai-je pas bien servi dans cette occasion? Dit l'Ane, en se donnant tout l'honneur de la chasse. Tome I. I |