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dérivent du bas-breton, ou ancien celte, vilen, qui signifie paysan. On trouve ces deux mots réunis dans un vers d'un de nos vieux

romans:

Emmy la voie encontre un paysan vilain.

Fragment de Pepin et Berthe ( dans Paquier,

Rech. Liv. VI. chap. 3.)

(7) Le souper du croquant avec elle s'envole. Image riante et naïve. Voltaire l'a imitée dans son Epttre à Horace.

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L'Astrologue qui se laisse tomber dans un puits. (Avant La Fontaine). GRECS. Esope, fab. 169. Gabrias, f. 22.

UN Astrologue un jour se laissa cheoir (1)

Au fond d'un puits. On lui dit : Pauvre bête,
Tandis qu'à peine à tes pieds tu peux voir,
Penses-tu lire au-dessus de ta tête?

Cette aventure en soi, sans aller plus avant,
Peut servir de leçon à la plupart des hommes.

Parmi ce que de gens (2) sur la terre nous sommes,
Il en est peu qui fort souvent

Ne se plaisent d'entendre dire

Qu'au livre du Destin les mortels peuvent lire. Mais ce livre qu'Homère et les siens ont chanté (3), Qu'est-ce que le hasard parmi l'antiquité,

Et parmi nous la providence?

Or, du hasard il n'est point de science :

S'il en étoit, on auroit tort

De l'appeler hasard, ni fortune, ni sort,
Toutes choses très-incertaines

Quant aux volontés souveraines (4).

De celui qui fait tout, et rien qu'avec dessein.
Qui les sait que lui seul ? Comment lire en son sein?
Auroit-il imprimé sur le front des étoiles,

Ce que la nuit des temps enferme dans ses voiles (5)?
A quelle utilité (6)? Pour exercer l'esprit

De ceux qui de la sphère et du globe ont écrit?
Pour nous faire éviter des maux inévitables?
Nous rendre, dans les biens, de plaisirs incapables?
Et, causant du dégoût pour ces biens prévenus,
Les convertir en maux devant qu'ils soient venus
C'est erreur, ou plutôt, c'est crime de le croire.
Le firmament se meut, les astres font leur cours,
Le soleil nous luit tous les jours:

Tous les jours sa clarté succède à l'ombre noire,
Sans que nous en puissions autre chose inférer
Que la nécessité de luire et d'éclairer,
D'amener les saisons, de mûrir les semences,
De verser sur les corps certaines influences.
Du reste, en quoi répond au sort toujours divers (7),
Ce train toujours égal dont marche l'univers?
Charlatans, faiseurs d'horoscope,

Quittez les cours des Princes de l'Europe :
Emmenez avec vous les souffleurs (8) tout d'un temps.
Vous ne méritez pas plus de foi que ces gens.
Je m'emporte un peu trop : revenons à l'histoire
De ce spéculateur qui fut contraint de boire.
Outre la vanité de son art mensonger,

C'est l'image de ceux qui bâillent aux chimères, Cependant qu'ils sont en danger,

Soit pour eux, soit pour leurs affaires.

(Depuis La Fontaine). FRANÇAIS. S. Glas, Contes en vers, édition de 1678. Conte intitulé l'Enchantement, pag. 181. – ESPAGNOLS. D. Jean de Yriarte, Obras sueltas. Matr. T. I. in-4°. P. 44.-ITAL. Grillo, fav. 7.

OBSERVATIONS DIVERSES.

L'astrologie diffère beaucoup de l'astronomie. L'astronome est celui qui, d'après des principes sûrs, observe le mouvement des astres : cette science est vraie. L'astrologue se méle de prédire les événemens par le moyen des astres cette science n'est que conjecturale; elle a contre elle la raison et l'expérience.

(1) Un Astrologue un jour se laissa cheoir. L'histoire peut - revendiquer le sujet de cet apologue. On lit une anecdote semblable dans la vie du philosophe Thalès. (V. Diog. Laert. Fénélon, Vies des Anc. Philos. p. 16. éd. in-12. Paris 1740.)

(2) Parmi ce que. Ce mot est répété jusqu'à trois fois, à trèspeu de distance l'un de l'autre. Parmi l'antiquité, est un solécisme. Parmi demande toujours un pluriel. Ce sont là de ces légères inadvertances qui échappent dans la chaleur de la compo sition, mais qui n'ôtent rien aux droits du génie.

'Ubi plura nitent in carmine, cur ego paucis Offendar maculis, quas aut incuria fudit,

Aut humana parum cavit natura ?

(3) Mais ce livre qu'Homère et les siens ont chanté. Le livre du Destin, où sont consignés ces immuables décrets qui enchaînent jusqu'à la toute-puissance de Jupiter. Père des Dieux et de la poésie, qui en est une sublime émanation, Homère passe pour avoir créé cette doctrine, introduite depuis sur tous les théâtres (*), admise par les philosophes eux-mêmes (**), transportée dans la religion de la plupart des peuples de l'Orient (***).

(*) Eurip. dans son Prometh. v. 513. Æschile dans Platon, Republ. L. II, Casaubon, notes sur Aristoph. [Equites, vers 443. ]

(**) Plato, Republ. L. X. « Le destin est la parole de la vierge Lachesis, fille de la nécessité. »

(***) Sous le nom de Nassib.

L'illustre

L'illustre Pope a dit dans le même sens que notre poète:

Heav'n from all creatures hides the book of fate.

(Essay on Man. Epist. I.)

Le livre du destin pour Dieu seul est ouvert.

(Traduction de Duresnel.)

(4) Quant aux volontés souveraines, etc. Que de beautés répandues dans ce morceau ! La philosophie ne parla jamais un langage plus grave ni plus noble sous la plume de Gicéron, d'Aulu-Gelle, de Plutarque, de ce Platon même, qui fut si justement appelé l'Homère des philosophes. La Fontaine a su revêtir des plus sublimes images les raisonnemens que ces grands hommes opposent à cette inquiète et coupable curiosité, qui veût attenter sur les secrets du ciel. Ces sortes de questions n'étoient point étrangères au temps où écrivoit La Fontaine.

(5) Auroit-il imprimé sur le front des étoiles

Ce que la nuit des temps enferme dans ses voiles? On peut mettre ces deux vers au nombre des plus beaux qu'il y ait dans la langue française. La pensée en est juste; l'expression grande, riche, admirable. Quelle supériorité ces brillantes métaphores donnent à la poésie sur la prose! Comparez à ces magnifiques peintures le chapitre d'ailleurs si beau de Charron, sur le même sujet. (Sagesse, Ch. VI. no. 6.)

(6) A quelle utilité? L'usage, ce maître impérieux du langagé, est contraire à cette manière de parler. On diroit à quelle fin, ou pour quelle utilité. Les convertir en maux devant qu'ils soient venus. Devant në se met plus au-devant de que ;'il faudroit avant qu'ils ne soient venus. Mais ce ne sont pas là des fautes. Peut-il y en avoir dans une poésie si majestueuse et si éloquente? Le chevalier d'Aceilly a dit de même avec autant de finesse que de

naïveté :

Par la

grace du ciel ils ne sont pas venus

Ces maux dont vous craignez les rigueurs inhumaines.

Mais qu'ils vous ont donné de peines,

Ces maux que vous n'avez point eus!

(7) Au sort toujours divers. Cette expression a vieilli dans ce sens : c'est une perte pour la langue. Un auteur moderne (M. Lebrun), avoit appelé Voltaire auteur unique et divers. M. Clément, dans

Tome I.

H

son Journal français, prétendit que ce mot étoit neuf: il s'est trompé. La Fontaine, après bien d'autres écrivains, l'avoit encore employé dans une autre de ses fables:

Soyez-vous l'un à l'autre un monde toujours beau,

Toujours divers, toujours nouveau.

(Fable des deux Pigeons.)

(8) Emmenez avec vous les souffleurs. C'est-à-dire, les alchimistes, dont la science est à la chimie, ce que l'astrologie judiciaire est à l'astronomie. Cette expression étoit familière à Guy Patin. Galien, dit-il, vaut mieux que dix mille charlatans, souffleurs, chimistes et autres pestes, etc. (Lettre 171. Tome II. p. 16. Edit. de la Haye, 1707.) On la retrouve dans M. Aubert: Le fou lorgneur laisse-là ses tuyaux,

Et le souffleur, sa médecine. (Liv. VII. fab. 5.)

FABLE XIV.

Le Lièvre et les Grenouilles.

(Avant La Fontaine), GRECS. Esope, fab. 57. Aphtone, f. 23. Gabrias, supplém. 10. LATINS. Anonyme, fab. 28. Gudius,

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in appendice ad Phedr. fab. 2, pag. 96, édit. de Barbou, 1754. -FRANÇAIS. Marie. (Ysopet, l'Assemblée des Lièvres.)

UN Lièvre en son gîte songeoit,

[Car que faire en un gîte, à moins que l'on ne songe (1)?]
Dans un profond ennui ce Lièvre se plongeoit :
Cet animal est triste, et la crainte le ronge.
Les gens de naturel peureux,

Sont, disoit-il, bien malheureux.

Ils ne sauroient manger morceau qui leur profite. Jamais un plaisir pur (2); toujours assauts divers. Voilà comme je vis : cette crainte maudite M'empêche de dormir, sinon les yeux ouverts.

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