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(2) Portoit, comme on dit, les bouteilles. Marchoit gravement, avec précaution, comme quelqu'un qui porte des choses fragiles. (3) Nos gaillards pélerins. Cette épithète se trouve fréquemment dans La Fontaine, qui l'a empruntée de Rabelais. Elle veut dire vif, fringant, et tire son étymologie de l'anglo-saxon, gala, salex, petulens, en latin, d'où galois, gale, galer dans les vicux auteurs, et enfin gaillard.

(4) Par vaux, pluriel de val, vallée, n'est usité que dans ce nombre: aller par vaux.

(5) Camarade Epongier. Le même qu'il vient d'appeler l'Ang à l'Eponge. Ce mot est de la création du poète.

(6) Comme un Mouton qui va dessus la foi d'autrui. Comparaison tirée de Rabelais. (Liv. IV. chap. 8.) Cette fable a quelques vers heureux; on y sent, comme par-tout, le génie de La Fontaine ; mais elle est du petit nombre de celles dont il a moins soigné le style.

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(Avant La Fontaine). GRECS. Esope, fab. 221.-LATINS. Anonyme, fab. 18. Abstemius, fab. 50. Gudius (Append. ad fab. Phedri), fab. 4, p. 97, édit. Barbou, 1754. FRANÇAIS. Clément Marot, fable du Lion et du Rat, dans l'épître à son ami Lyox.

IL faut, autant qu'on peut, obliger tout le monde.

On a souvent besoin d'un plus petit que soi.
De cette vérité deux fables feront foi
Tant la chose en preuves abonde.

Entre les pattes d'un Lion,

Un Rat (1) sortit de terre assez à l'étourdie.
Le Roi des animaux, en cette occasion,
Montra ce qu'il étoit (2), et lui donna la vie.

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Quelqu'un auroit-il jamais cru

Qu'un Lion d'un Rat eût affaire?
Cependant il avint qu'au sortir des forêts,
Ce Lion fut pris dans des rets,

Dont ses rugissemens ne le purent défaire.
Sire Rat (3) accourut, et fit tant par ses dents,
Qu'une maille rongée emporta tout l'ouvrage.
Patience et longueur de temps

Font plus que force ni que rage (4).

(Depuis La Fontaine). FRANÇAIS. Benserade, fab. 88. Boursault, Esope à la Cour, acte IV. sc. 2. Fables en chansons, L. II. fab. 27. — L. III. f. 34. Le P. Barbe, le Renard et le Lion (*).· LATINS. Desbillons, L. II. fab. 24. ITAL. Luig. Grillo, fav. 28.

NOTES D'HISTOIRE NATURELLE.

LION. De divers faits que l'on a recueillis sur cet animal, on peut conclure que sa colère est noble, son courage magnanime, son naturel sensible. On pourroit dire aussi que le Lion n'est pas cruel, puisqu'il ne l'est que par nécessité, qu'il ne détruit qu'autant qu'il consomme, et que dès qu'il est repu, il est en pleine paix; tandis que le Tigre, le Loup, le Renard, donnent la mort pour le seul plaisir de la donner, et dans leurs massacres nombreux, semblent plutôt vouloir assouvir leur rage que leur faim.

OBSERVATIONS DIVERSES.

(1) Entre les pattes du Lion

Un Rat. Substituez avec Florian (L. V. f. 8), un Ecureuil au

(*) Dans cette fable, l'adresse du Renard aide à l'humanité du Lion; ce qui atténue le mérite du Roi des animaux.

Rat de cette fable; et l'apologue deviendra un fait historique, un prodige réel de sensibilité dont tout Paris a été témoin en 1777. Ce fait est raconté dans la feuille des Avis divers de cette année, pag. 42 et 43.

(2) Montra ce qu'il étoit. Roi, pour être protecteur.

(3) Sire Rat accourut. Sire, daus le langage familier, s'applique à toute sorte de personnes; il est le titre de la royauté, et peut avoir ici ce sens aussi bien roi dans le moment où il délivre le Lion, que le Lion lui-même, puisqu'il est captif.

(4) Patience et longueur de temps, etc. Quel est le but moral de cette fable? Qu'il faut obliger tout le monde. Toute autre proposition lui devient étrangère. C'est là le jugement qu'il faut porter de cette seconde affabulation: elle n'est qu'un hors-d'œuvre.

FABLE XII.

La Colombe et la Fourmi.

(Avant La Fontaine ). GRECS. Esope, fab. 41.

L'AUTRE exemple est tiré d'animaux plus petits.
Le long d'un clair ruisseau buvoit une Colombe :
Quand sur l'eau se penchant une Fourmis (1) y tombe.
Et dans cet océan (2) l'on eût vu la Fourmis
S'efforcer, mais en vain, de regagner la rive.
La Colombe aussitôt usa de charité (3):
Un brin d'herbe (4) dans l'eau par elle étant jeté,
Ce fut un promontoire, où la Fourmis arrive.
Elle se sauve; et là-dessus

Passe un certain croquant (5) qui marchoit les pieds nus.
Ce croquant, par hasard, avoit une arbalête.
Dès qu'il voit l'Oiseau de Vénus,

Il le croit en son pot, et déjà lui fait fête.
Tandis qu'à le tuer mon villageois s'apprête,

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La Fourmis le pique au talon.

Le vilain (6) retourne la tête.

La Colombe l'entend, part, et tire de long.
Le souper du croquant avec elle s'envole (7):
Point de Pigeon pour une obole.

NOTES D'HISTOIRE NATURELLE. FOURMIS. Les Fourmis forment une espèce de république composée comme celle des Abeilles, de mâles, de femelles, et de Fourmis dépourvues de sexe ou Mulets. Ces dernières sont les travailleuses. Les. mâles et les femelles acquièrent des ailes; mais les Fourmis ouvrières n'en acquièrent jamais. Tout le travail de ces insectes paroît avoir pour but la propagation de l'espèce, et la conservation de leurs petits. C'est donc pour eux principalement qu'elles se consument en travaux, et qu'elles construisent un nid, auquel on a donné le nom de fourmillière. Durant l'hiver, les ouvrières qui survivent, restent dans les souterrains; elles y sont engourdies, sans aucun mouvement, comme une infinité d'autres insectes, et entassées les unes sur les autres. Les Fourmis sont carnassières: que l'on jette dans une fourmillière une Grenouille', un Lézard ou quelque Oiseau, on les trouvera au bout de quelques jours disséqués dans la dernière perfection. Elles sont si grosses en Afrique et dans certaines contrées des Indes, qu'elles y deviennent redoutables par les ravages qu'elles commettent. Elles s'y bâtissent des logemens dont les voyageurs font des descriptions surprenantes, et qui ont jusqu'à huit pieds de profondeur.

COLOMBE. C'est, selon quelques naturalistes, la femelle du Pigeon, et selon d'autres, une espèce particuculière. On la nomme l'Oiseau de Cythère, parce que le char de Vénus étoit tiré par des Colombes, ou parce

que cet Oiseau est fort porté à l'amour. Il est regardé comme le symbole de la douceur.

OBSERVATIONS DIVERSES.

(1) Une Fourmis y tombe. Le mot Fourmi ne prend l's qu'au pluriel. Les lexicographes n'ont point remarqué cette innovation de La Fontaine.

(2) Et dans cet océan. Toute grandeur est relative. Le simple ruisseau est toujours bien vaste quand on s'y noie: il est alors l'océan tout entier, comme la planche qui sauve du naufrage est un promontoire. Ces images ennoblissent les acteurs, et rebaussent le lieu de la scène.

(3) Usa de charité.

La Colombe est tendre, et partant généreuse,

a dit M. l'abbé Aubert, Liv. IV. f. 1.

(4) Un brin d'herbe dans l'eau par elle étant jeté,

Ce fut un promontoire. Florian pensoit sans doute à ces jolis vers, lorsque dans sa fable du Lapin et de la Sarcelle, il écrivoit La Sarcelle le quitte,

Et revient traînant un vieux nid

Laissé par des Canards. Elle l'emplit bien vîte
De feuilles de roseaux; les presse, les unit

Des pieds, du bec, en fait un batelet capable
De supporter un lourd fardeau.

Puis elle attache à ce vaisseau

Un brin de jonc qui sert de cable.

(5) Passe un certain croquant. Terme de mépris, un misérable, un homme de néant. Dans le Rolland travesti (Paris, 1650), on lit :

Les grands coups orbes et piquans

Que se tirent ces deux croquans. (Ch.I.)

Ce mot a passé dans le style familier; il vient du nom de cro quant, donné à quelques malheureux paysans de la Guyenne, révoltés sous Louis XIII.

(6) Le vilain retourne la tête. Mot ancien qui signifie un paysan. De villa, maison de campagne, a été formé villanus, villain. D'autres transportent bien plus loin l'étymologie de ce mot, et le

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