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maifon qu'il habitoit. La fraîcheur du vent de mer fembloit leur donner plus de vivacité. Ils ouvroient la bouche pour recevoir l'air frais. Jamais le Bruyn ne les vit boire ni manger, à la réserve de quelques mouches qu'ils fembloient avaler avec plaifir. Dans l'efpace d'une demi-heure, il voyoit leur couleur changer trois ou quatre fois, fans aucune caufe extraordinaire à laquelle il pût attribuer cet effet. Leur couleur habituelle eft le gris, ou plutôt un fouris-pâle. Mais fes changemens les plus fréquens font en un beau verd, tacheté de jaune. Quelquefois le cameleon eft marqueté de brun fur-tout le corps & fur la queue. D'autres fois, c'eft de brun qu'il paroît entierement couvert. Sa peau eft fort mince & prefque tranfparente. C'est une erreur de s'imaginer qu'il prenne toutes les couleurs qui fe trouvent près de lui.Il y a des couleurs qu'il ne prend jamais, telles que le rouge. Cependant l'Auteur confeffe qu'il lui a vû quelquefois recevoir la teinture des objets les plus proches. Il lui fut impoffible de conferver plus de cinq mois en vie ceux dont il vouloit éprou ver la durée. La plûpart moururent dès le quatriéme mois. La curiofité

HISTOIRE NATURELLE,

HISTOIRE d'obferver leurs inteftins lui en fit ouNATURELLE. vrir un. Il y trouva quelques œufs de la groffeur de ceux des petits oifeaux, joints ensemble par une efpece de fil; mais il fut furpris de n'appercevoir aucun boyau, ni les autres parties communes à la plupart des bêtes. Ce qu'il trouva de plus remarquable fut fa langue, qui étoit auffi longue que le corps.

Sile cameleon defcend de quelque hauteur, il avanee fort foigneufement un pied, & puis l'autre, en s'attachant de fa queue à tout ce qu'il rencontre en chemin. Il fe foutient de cette maniere, auffi long-tems qu'il trouve quelque affiftance; mais lorfqu'elle lui manque, il tombe auffi-tôt à plat. Sa marche eft fort lente.

Il ne tient pas continuellement la bouche ouverte, comme l'affurent quelques Naturaliftes. LeBruyn remarqua au contraire qu'il l'ouvre rarement, à moins qu'on ne le place dans quelque lieu où il puiffe prendre un nouvel air. Alors, non-feulement il la tient ouverte mais il découvre fa fatisfaction par fes mouvemens & par la variété de fes couleurs. Le cameleon a l'œil rond, fort noir, & d'une petiteffe remarquable.

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HISTOIRE

Mais ce qu'il y a de plus curieux, c'est qu'il peut les tourner tous deux de NATURELLE. différens côtés (75), & regarder de l'un au-deffus, & de l'autre au-deffous de lui.

Bofman trouva de la différence entre les cameleons de Smyrne & ceux de Guinée. Dans le fecond de ces deux Pays, ils vivent autant d'années que de mois dans le premier. A la vérité ceux qui lui fervirent à vérifier cette expérience, étoient fouvent mis dans le jardin fur un arbre, où ils demeuroient quelque tems à l'air. On fçait d'ailleurs qu'on en a quelquefois apporté de vivans en Europe.

Le même Auteur n'en vit jamais en Guinée qui euffent la bouche ouverte. Il n'eut point par conféquent l'occafion de voir leur langue, ni de leur voir prendre des mouches. Dans toutes les autres circonftances il s'accorde parfaitement avec la defcription de Bruyn. Il remarque feulement que les œufs qu'il leur vit faire, reffembloient moins à ceux des petits oifeaux qu'à ceux du lézard. Il ajoute fur fes propres obfervations, que tous les animaux ovipares, tels que le lé

(75) Le Bruyn, Voyages au Levant.

Observations

de Bofman,

NATURELLE.

HISTOIRE zard, le cameleon, le guana, les ferpens, & les tortues, n'ont pas leurs Les cufs des oeufs couverts d'une écaille mais fans écaille. d'une peau épaiffe & pliable (76).

Ovipares font

bre.

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Arthus obferve que le cameleon differe peu du lézard, à l'exception de la couleur, qui eft, dit-il, oran→ gée. Mais il ajoute qu'à l'approche. d'un nouvel objet, cette couleur change; que s'il mange fi peu, c'est qu'il vit de l'air; que les Négres ne le croient pas venimeux, & qu'ils font fécher fa chair, & la mangent (77).

Infectes en Les infectes font en fort grand nomgrand nombre dans tous les cantons du même Pays. Des armées de fauterelles infeftent fouvent l'intérieur des terres,obfcurciffent l'air dans leur paffage,& détruifent tout ce qu'il y a de verd dans les lieux où elles s'arrêtent, fans laiffer une feule feuille aux arbres. Elles font ordinairement de la groffeur du doigt, mais plus longues ; & leurs dents font fort pointues. Leur peau eft rouge & jaune, quelquefois tout-à-fait verte. Les Mores & les Négres s'en nourriffent (78). Mais cet aliment ne

(76) Bofman, ubi fup.

P. 257.

79.

(77) De Bry, ubi fup. p.

(78) Labat, Afrique Oc cidentale, Vol. II. p. 176 ̧ & Vol. III. p. 306.

HISTOIRE

les dédommage pas de la famine qu'elles apportent fouvent dans les Pays NATURELLE. qu'elles ravagent.

traordinai

res.

On voit ici quantité de mouches Mouches ex79) d'une forme extraordinaire. Dans la faifon des pluies, il s'en forme des multitudes, que les Négres nomment getle. Elles ont la tête groffe & large, fans aucune apparence de bouche. Les Négres les mangent (80).

Les Pays qui bordent la Gambra font infectés d'une efpece particuliere de vermine que les Anglois ont nommé bugabugs. C'eft une forte de punaifes, qui caufent de grands ravages. On n'eft pas moins incommodé d'une prodigieufe multitude de fourmis blanches, qui fe répandent par des voies fort fingulieres. Elles s'ouvrent fous terre une route imperceptible & voutée avec beaucoup d'art, par laquelle des légions entieres fe rendent en fort peu de tems au lieu qui renferme leur proie. Il ne leur faut que douze heures pour faire un tuyau de cinq ou fix toifes de longueur. Elles dévorent particuliérement les draps

(79) Moore donne la figure de deux intectes fort étranges; mais fans y joindre leur defcription.

(80) Defcription de la Guinée par Barbot, p. 33 & 117.

Bugabugs.

Fourmis blanches.

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