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dufecond roi

fecond roi, qui avait une politique différente de celle des princes de fon temps, dépenfa près de vingtcinq millions de notre monnaie à faire défricher ces terres, à bâtir des villages, et à les peupler: il y fit venir des familles de Suabe et de Franconie; il y attira plus de feize mille émigrans de Saltzbourg, leur fournissant à tous de quoi s'établir et de quoi travailler. En fe formant ainfi un nouvel Etat, il Economie créait, par une économie fingulière, une puiffance de Pruffe. d'une autre espèce: il mettait tous les mois environ quarante mille écus d'Allemagne en réserve, tantôt plus, tantôt moins; ce qui lui compofa un tréfor immense en vingt-huit années de règne. Ce qu'il ne mettait pas dans fes coffres lui fervait à former une armée d'environ foixante et dix mille hommes choifis, qu'il difciplina lui-même d'une manière nouvelle, fans néanmoins s'en fervir: mais fon fils, Frédéric III, fit ufage de tout ce que le père avait préparé. Il prévit la confufion générale, et ne perdit pas un moment pour en profiter. Il prétendait en Siléfie quatre duchés. Ses aïeux avaient renoncé à toutes leurs prétentions par des tranfactions réitérées, parce qu'ils étaient faibles: il fe trouva puiffant, et il les réclama.

Déjà la France, l'Espagne, la Bavière, la Saxe se remuaient pour faire un empereur. La Bavière preffait la France de lui procurer au moins un partage de la fucceffion autrichienne. L'électeur réclamait tous ces héritages par fes écrits; mais il n'ofait les demander tout entiers par fes miniftres. Cependant Marie-Thérèse, épouse du grand-duc de Toscane François de Lorraine, fe mit d'abord en poffeffion de tous les domaines qu'avait laiffés fon père; elle reçut

les hommages des états d'Autriche à Vienne, le 7 novembre 1740. Les provinces d'Italie, la Bohême lui firent leurs fermens par leurs députés : elle gagna

fur-tout l'efprit des Hongrois en fe foumettant à prêter Serment fin- l'ancien ferment du roi André II, fait l'an 1222. Si gulier quine moi ou quelques-uns de mes fucceffeurs, en quelque temps l'être. que ce foit, veut enfreindre vos privileges, qu'il vous foit

devait pas

permis, en vertu de cette promeffe, à vous et à vos defcendans, de vous défendre, fans pouvoir être traités de rebelles.

Plus les aïeux de l'archiducheffe - reine avaient montré d'éloignement pour l'exécution de tels engagemens, plus auffi la démarche prudente dont je viens de parler rendit cette princeffe extrêmement chère aux Hongrois. Ce peuple, qui avait toujours voulu fecouer le joug de la maifon d'Autriche, Qualités embraffa celui de Marie-Thérèse; et après deux cents de Marie- ans de féditions, de haines et de guerres civiles, il Therefe. passa tout d'un coup à l'adoration. La reine ne fut couronnée à Presbourg que quelques mois après, le 24 juin 1741. Elle n'en fut pas moins fouveraine; elle l'était déjà de tous les cœurs par une affabilité populaire que fes ancêtres avaient rarement exercée; elle bannit cette étiquette et cette morgue qui peuvent rendre le trône odieux fans le rendre plus refpectable. L'archiducheffe fa tante, gouvernante des Pays-Bas, n'avait jamais mangé avec perfonne. Marie-Thérèfe admettait à fa table toutes les dames et tous les officiers de diftinction : les députés des états lui parlaient librement; jamais elle ne refufa d'audience, et jamais on n'en fortit mécontent d'elle,

Son premier foin fut d'affurer au grand - duc de Toscane, fon époux, le partage de toutes fes couronnes fous le nom de co-régent, fans perdre en rien fa fouveraineté, et fans enfreindre la pragmatique fanction: elle fe flattait dans ces premiers momens que les dignités dont elle ornait ce prince lui préparaient la couronne impériale; mais cette princesse n'avait point d'argent, et fes troupes trèsdiminuées étaient difperfées dans fes vaftes Etats.

lui

Frédéric III,

Le roi de Pruffe lui fit proposer alors qu'elle lui cédât la baffe Siléfie, et lui offrit fon crédit, fes fecours, roi de Pruffe. fes armes, avec cinq millions de nos livres, pour garantir tout le refte, et donner l'Empire à fon époux. Des miniftres habiles prévirent que, fi la reine de Hongrie refufait de telles offres, l'Allemagne ferait bientôt bouleverfée; mais le fang de tant d'empereurs, qui coulait dans les veines de cette princesse, ne lui laiffa pas feulement l'idée de démembrer fon patrimoine; elle était impuissante et intrépide. Le roi de Pruffe voyant qu'en effet cette puissance n'était alors qu'un grand nom, et que l'état où était l'Europe lui donnerait infailliblement des alliés, marcha en Siléfie, au milieu du mois de décembre 1740.

On voulut mettre fur fes drapeaux cette devife: Démarches pro Deo et patriâ: il raya pro Deo, difant qu'il ne fingulières. fallait point ainfi mêler le nom de DIEU dans les querelles des hommes, et qu'il s'agiffait d'une province et non de religion. Il fit porter devant fon régiment des gardes l'aigle romaine éployée en relief au haut d'un bâton doré cette nouveauté lui imposait la néceffité d'être invincible. Il harangua fon armée pour reffembler en tout aux anciens Romains. Entrant

Molvitz.

enfuite en Silefie, il s'empara de prefque toute cette province dont on lui avait refufé une partie; mais rien n'était encore décidé. Le général Neuperg vint avec environ vingt-quatre mille autrichiens au fecours de cette province déjà envahie: il mit le roi de Pruffe Bataille de dans la néceffité de donner bataille à Molvitz, près de la rivière de Neiffe. On vit alors ce que valait l'infanterie pruffienne : la cavalerie du roi, moins forte de près de moitié que l'autrichienne, fut entièrement rompue : la première ligne de fon infanterie fut prise en flanc; on crut la bataille perdue; tout le bagage du roi fut pillé; et ce prince, en danger d'être pris, fut entraîné loin du champ de bataille par tous ceux qui l'environnaient. La feconde ligne de l'infanterie rétablit tout par cette discipline inébranlable à laquelle les foldats pruffiens font accoutumés, par ce feu continuel qu'ils font, en tirant cinq coups au moins par minute, et chargeant leurs fufils avec leurs baguettes de fer en un moment. La bataille fut gagnée: et cet événement devint le fignal d'un embrasement univerfel.

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Le roi de France s'unit aux rois de Pruffe et de Pologne pour faire élire empereur l'électeur de Bavière, Charles - Albert. Ce prince est déclaré lieutenant-général du roi de France. Son élection, fes fuccès et fes pertes rapides.

L'EUROPE

EUROPE crut que le roi de Pruffe était déjà d'accord avec la France quand il prit la Siléfie; on se trompait : c'est ce qui arrive prefque toujours lorfqu'on raifonne d'après ce qui n'eft que vraisemblable. Le roi de Pruffe hafardait beaucoup, comme il l'avoua lui-même; mais il prévit que la France ne manquerait pas une fi belle occafion de le feconder. L'intérêt de la France femblait être alors de favoriser contre l'Autriche fon ancien allié, l'électeur de Bavière, dont le père avait tout perdu autrefois pour elle après la bataille d'Hochftet. Ce même électeur de Bavière, Charles-Albert, avait été retenu prisonnier dans fon enfance par les Autrichiens, qui lui avaient ravi jufqu'à fon nom de Bavière. La France trouvait fon avantage à le à le venger; il paraiffait aifé de lui procurer à la fois l'Empire et une partie de la fucceffion autrichienne; par-là on enlevait à la nouvelle maison d'Autriche-Lorraine cette fupériorité que l'ancienne avait affectée fur tous les autres potentats de l'Europe: on anéantiffait cette vieille rivalité entre les Bourbons et les Autrichiens; on fefait plus que Henri IV et le cardinal de Richelieu n'avaient pu espérer.

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