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Quant te voyra cestuy dont az reçu la vie,

Mon jeune espoulx, le plus beau des humains? Oui, déjà cuide veoir ta mère aux cieulx ravie

a

Que tends vers luy tes innocentes mains!

Comme ira se duyzant à ta prime caresse!
Aux miens baysers com't'ira disputant!

Ainz ne compte, à toy seul, d'espuyser sa tendresse,
À sa Clotilde en garde bien autant...

Qu'aura playsir, en toy, de cerner son ymaige,

Ses grands yeulx vairs, vifs, et pourtant si doulx!
Ce front noble, et ce tour gracieux d'ung vizaige
Dont l'Amour mesme eût fors esté jaloux !
O cher enfantelet, vray pourtraict de ton père,
Dors sur le seyn que ta bousche a pressé!
Dors, petiot; cloz, amy, sur le seyn de ta mère,
Tien doulx œillet par le somme oppressé !

Pour moy, des siens transportz onc ne seray jalouse
Quand feroy moinz qu'avec toy les partir:
Faiz, amy, comme luy, l'heur d'ugne tendre espouse,
Ainz, tant que luy, ne la fasses languir !...

Te parle, et ne m'entends...eh! que dis-je? insensée !
Plus n'oyroit-il quant fust moulte esveillé...
Povre chier enfançon ! des filz de ta pensée
L'eschevelet n'est encor débroillé...

Trestouz avons esté comme ez toy, dans ceste heure;
Triste rayzon que trop tost n'adviendra!
En la paix dont jouys, s'est possible, ah! demeure!
À tes beaux jours mesme il n'en soubviendra.

O cher enfantelet, vray pourtraict de ton père,
Dors sur le seyn que ta bousche a pressé!
Dors, petiot; cloz, amy, sur le seyn de ta mère,
Tien doulx œillet par le somme oppressé!

a Penser, croire.

b Du verbe se duire qui signifie se plaire, trouver du plaisir. Changeants, expressifs.

d Partager.

e Tout à fait, très.

À SON ESPOULX.

Clotilde au sien amy doulce mande accolade,
À son espoulx, salut, respect, amour!
Ah! tandis qu'esplorée et de cœur si malade,
Te quier la nuit, te redemande au jour,
Que deviens, où cours-tu? loin de ta bien-aymée
Où les destins entraisnent donc tes pas?
Faut que le dize, hélas! s'en croy la renommée
De bien long-temps ne te revoyrai pas!

SEIZIÈME SIÈCLE.

Extrait des poésies de CLÉMENT Marot.

ÉPIGRAMME DE CUPIDO ET DE SA DAME, IMITÉE D'ANACREON. Amour trouva celle qui m'est amère,

(Et j'y étois; j'en sçais bien mieux le conte:)

66

“Bon jour," dit-il, ❝ bon jour, Vénus ma mère.”

Puis tout à coup il voit qu'il se mécompte,

Dont la couleur au visage lui monte,

D'avoir failli, honteux, Dieu sçait combien !

66

Non, non, Amour," ce dis-je, " n'ayez honte,

Plus clair-voyans que vous s'y trompent bien."

Extrait des poésies de FRANÇOIs Ier. roi de France, né à Cognac en 1494, mort à Rambouillet en 1547.

FRAGMENT DE L'ÉPITAPHE DE LA FAMEUSE LAURE.

En petit lieu comprins vous pouvez voir
Ce qui comprend beaucoup par renommée;
Plume, labeur, la langue et le sçavoir,
Furent vaincus de l'amant

par l'aimée.

O gentille âme! étant tant estimée,
Qui te pourra louer qu'en se taisant?

Car la parole est toujours réprimée
Quand le sujet surmonte le disant.

Cette petite pièce est charmante; on ne dirait pas plus aujourd'hui en si peu de paroles, et peut-être ne parviendrait-on pas à dire aussi bien, même en des vers de la plus rare élégance.

a Les Grecs ont pu dire et penser la même chose, mais non d'une manière si fine et si naïve.

Extrait des poésies de JOACHIM du Bellay.

FRAGMENT DU DISCOURS AU ROI FRANÇOIS II.
Si la charrue cesse, et si la main rustique,
Oisive par les champs, au labeur ne s'applique,
Tout le corps périra, comme un grand bastiment
Dont l'assiette n'a point de ferme fondement,
Lequel au premier hurt que l'aquilon desserre,
Avec horrible bruit est renversé par terre.

Extrait des poésies de RONSARD.

FRAGMENT DE L'HYMNE DE L'ÉTERNITÉ.

Immense Éternité, la première des dieux,
Seconde de mes vers l'essor audacieux,

Et fais que mes chansons, par toi seule entonnées,
Triomphent, comme toi, des jours et des années.

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O grande Eternité,

Tu maintiens l'univers en tranquille unité!
De chaisnons enlacés les siècles tu attaches,
Et, couvé sous ton sein, tout le monde tu caches,
Lui donnant vie et force: autrement il n'auroit
Membres, âme ni vie, et sans forme il mourroit.

Dans l'Art poétique de Boileau, ce critique sévère dit de Ronsard que

... sa muse en français parlait grec et latin. (Voyez la page 3.) Ce ne sont certainement pas les beaux vers que nous venons de citer qui méritent ce reproche. Personne, avant Ronsard, n'avait eu le sentiment de cette haute poésie dans notre langue. Boileau a en vue d'autres poésies de Ronsard, telles que cet extrait d'une Prière à Bacchus :

......o Archète, hymérien,
Bossare, roi, rustique, euboléen...
Leneau, porte-sceptre, Grondime,
Lysien, Boleur, Ronime,

Nourri-vigne, aime-pampre, enfant,
Le Gange te vit triomphant !

Extrait des poésies de CHARLES IX, roi de France.

À RONSARD.

L'art de faire des vers, dût-on s'en indigner,
Doit être à plus haut prix que celui de régner.
Tous deux également nous portons la couronne:
Mais, roi, je la receus; poëte, tu la donnes.

Extrait des poésies de MARIE Stuart.

Chanson faite lors du départ de Marie Stuart pour étant encore en vue des côtes de France.

Adieu, plaisant pays de France,
O ma patrie

La plus chérie,

Qui as nourri ma jeune enfance!
Adieu, France; adieu, mes beaux jours;

La nef qui disjoint nos amours

N'a c'y de moi que la moitié :

Une part te reste, elle est tienne;

Je la fie à ton amitié,

Pour que de l'autre il te souvienne.

l'Écosse,

Extrait de la fameuse SATIRE MÉNIPPÉE, par Jean Passerat et

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Le duc d'Aumale, qui perdit la bataille de Senlis et se sauva par la fuite.

Souvent celui qui demeure
Est cause de son méchef:

Celui qui fuit de bonne heure
Peut combattre de rechefa.

Il vaut mieux des pieds combattre
En fendant l'air et le vent,

Que se faire occire ou battre

Pour n'avoir pas pris le devant.

DIX-SEPTIÈME SIÈCLE.

Ce siècle, si fécond pour la littérature française, va nous donner les principaux extraits de ce recueil, car la langue, telle qu'elle existe aujourd'hui, est trouvée, et nous n'avons qu'à dire avec Boileau :

Enfin Malherbe vint. .(Voyez la page 3.)

.....

Avec Malherbe, comme on le verra par les morceaux suivants, la langue française parvint à un degré de pureté jusqu'alors inconnu.

C'est dans le dix-septième siècle et le commencement du dix-huitième, depuis Pascal (Voyez le RÉPERTOIRE littéraire, page 184) jusqu'à Bossuet pour la prose, et depuis Malherbe

a "In Butler's Hudibras, Part iii. canto iii. 1. 243, we find 'For those that fly may fight again,

Which he can never do that 's slain.'

The following lines,

'For he that fights and runs away

Will live to fight another day:

But he that is in battle slain

Will never live to fight again.'

were written by Sir John Mennes, in the time of Charles the Second.

The idea first occurs in one of the Orations of Demosthenes→→

̓Ανὴρ ὁ φέυγων, καὶ παλὶν μαχὴσεται.”

Cette note indique un rapprochement curieux entre deux satires également célèbres : la satire Ménippée et Hudibras. Comme nous la devons à l'obligeance d'un de nos collègues, nous nous sommes fait un plaisir de la reproduire textuellement.

b

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