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Il faut avouer qu'il y a des rencontres de voyelles qu'on ne saurait éviter sans retrancher de la langue poétique des mots très-importants, tels que les noms propres, les tournures proverbiales, et d'autres expressions qu'il serait difficile ou même impossible d'énoncer par une périphrase:

Je suais sang et eau pour voir si, du Japon,
Il viendrait à bon port au fait de son chapon.-
RACINE, Les Plaideurs.

Des voyelles qui forment ou ne forment pas des diphthongues. [Les règles suivantes sont extraites du Dictionnaire de BOISTE.]

Il est très-essentiel de savoir quand plusieurs voyelles forment dans les vers une diphthongue ou n'en forment pas, c'est-à-dire, quand ils doivent se prononcer en une ou deux syllabes: sur quoi nous donnerons ici quelques règles particulières, en parcourant les différentes sortes de diphthongues, dont la plupart doivent se prononcer en deux syllabes, dans la poésie et dans le discours soutenu.

EAU n'est que d'une syllabe dans tous les mots dont l'e n'est pas accentué, comme dans beau, seau.

Eo n'est également que d'une syllabe dans geðlier: dans géographie, éo est de deux syllabes, parce que l'é est accentué.

la forme généralement deux syllabes, soit dans les noms, soit dans les verbes, comme dans di-amant, di-adème, bi-ais, étudi-a, confi-a, oubli-a, mi-auler, vi-ager, etc., excepté dans quelques mots qui se réduisent à peu près à ceux-ci: diable, fiacre, bréviaire, galimatias, liard, familiarité, familiariser.

De peur de perdre un liard, souffrir qu'on vous égorge.— BOILEAU.

Ia est dissyllabe dans les gérondifs et les participes actifs ; comme li-ant, oubli-ant.

IE, avec l'e ouvert ou fermé, n'est ordinairement que d'une syllabe, de quelque consonne qu'il soit suivi, comme dans ciel, troisiè-me, fiè-vre, piè-ce, barriè-re, pa-pier, pre-mier, etc.; et même dans les substantifs qui se terminent en tié, comme amitié, moitié, pitié.

Il faut observer que, dans les verbes en ier de la première conjugaison, ie forme deux syllabes à l'infinitif, à la seconde

personne du pluriel du présent de l'indicatif ou de l'impératif, et au participe passif, etc. Ainsi il faut prononcer étudi-er, confi-er, déli-er, mari-er; vous étudi-ez, vous confi-ez, vous déli-ez, vous mari-ez, vous oubli-ez, vous voudri-ez; étudi-é, confi-é, déli-é, mari-é, li-é, oubli-é, excepté dans vous vou-liez, vous di-siez, vous senti-riez, et (comme nous l'avons vu à la page 407) dans les mots où la lettre e est muette, comme dans paie-ment, j'oublie-rai, etc.

IEF est monosyllabe dans fief, relief, et dissyllabe dans bri-ef, gri-ef.

IEL est monosyllabe dans ciel, fiel, miel, ministériel, et dissyllabe dans essenti-el, Gabri-el, matéri-el, substanti-el.

IELLE est de deux syllabes dans kiri-elle.

IEN est de deux syllabes dans comédi-en, gardi-en, et dans les noms propres ou qualificatifs, comme dans Quintili-en, Phrygi-en, grammairi-en; hors de là, ien n'est que d'une syllabe. Les bons auteurs font ancien, tantôt de deux et tantôt de trois syllabes.

IER est de deux syllabes dans les verbes, comme dans humili-er, justifi-er; dans les noms substantifs, il n'est que d'une syllabe, comme dans cour-tier, frui-tier. Après un r néanmoins, ier est de deux syllabes dans les noms comme dans les mots, meurtri-er, pri-er.

IERRE n'est de deux syllabes que dans li-erre; encore a-t-on la liberté d'en faire une diphthongue, comme dans pierre.

IÈTE est toujours monosyllabe: assiète (ou assiette), diète.

IEU, IEUX est monosyllabe dans les substantifs: cieux, dieux, lieu, vieux, yeux, lieu-tenant, mi-lieu, mieux, pieu, é-pieu, es-sieux, et dissyllabe dans les adjectifs: curi-eux, envi-eux, pi-eux, préci-eux, odi-eux, furi-eux.

I est toujours monosyllabe: fiè-vre, liè-vre.

IAI, dans la première personne du prétérit de ces verbes, se prononçant comme ié, forme aussi deux syllabes: J'étudiai, je confi-ai, je déli-ai, je mari-ai.

HIER est quelquefois monosyllabe, mais on en fait plus communément deux syllabes hi-er. Il est d'une seule syllabe dans avant-hier.

Io est communément de deux syllabes, comme dans vi

T

olence, vi-olon, vi-ole, di-ocèse. On pourrait en excepter babio-le, fio-le et pio-che.

IoN n'est que d'une syllabe dans les imparfaits des verbes qui ne se terminent pas en ier à l'infinitif: nous disions ; nous voulions; hors de là ion est toujours de deux syllabes.

OE ne fait qu'une syllabe, comme dans moel-le, moel-leux; excepté dans po-ésie, po-ème, po-ète, No-é.

Oi, avec le son de l'o et de l'e ouvert, n'est jamais que d'une syllabe, comme dans roi, loi, voi-là, em-ploi, etc.

UE, avec l'e ouvert ou fermé, est toujours de deux syllabes, comme dans du-el, tu-er, tu-é, attribu-er, attribu-é; excepté (comme nous l'avons vu, page 407) dans les mots où l'e est muet: enjoue-ment, je loue-rai, etc.

Ui ne forme qu'une syllabe, comme dans lui, ce-lui, déduire, cons-truire, fuir, fui, ai-guiser; excepté dans ru-ine, ru-iner, bru-ine, pitu-ite.

Uis est toujours de deux syllabes.

IAI est de deux syllabes dans ni-ais: il est quelquefois de deux et quelquefois d'une syllabe dans bi-ais, bi-aiser, ou biais, biaiser.

IAU est toujours de deux syllabes, comme dans mi-auler, besti-aux, provinci-aux, impéri-aux.

OUE, avec l'e ouvert ou fermé, est de deux syllabes, comme dans jou-et, lou-er, lou-é, avou-er, avou-é; excepté dans fouet, et fouet-ter.

Our est de deux syllabes, comme dans ou-ir, ou-i, jou-ir, jou-i, éblou-ir, éblou-i; hors de là oui n'est que d'une syllabe, comme dans bouis et dans oui, marquant affirmation.

IAN et IEN, avec le même son, forment deux syllabes, comme dans étudi-ant, fortifi-ant, ri-ant, li-ant, cli-ent, patient, impati-ence, expédi-ent, expéri-ence: il faut seulement excepter vian-de.

Autour de cet amas de viandes entassées,

Régnait un long cordon d'alouettes pressées.-Boileau.

IEN avec un autre son qui approche de iin, ne forme ordinairement qu'une seule syllabe, dans les noms substantifs, les pronoms possessifs, les verbes et les adverbes, comme dans bien, chien, rien, mien, tien, sien, je viens, je tiens, combien, etc.,

excepté lien, parce qu'il vient du verbe lier, de deux syllabes. Ien est de deux syllabes, quand il termine un adjectif d'état, de profession ou de pays, comme dans grammairi-en, comédien, musici-en, histori-en, gardi-en, magici-en, excepté chré-tien.

IoN n'est d'une syllabe que dans les premières personnes du pluriel de l'imparfait de l'indicatif, du conditionnel présent, du présent et de l'imparfait du subjonctif des verbes, quand il ne se trouve pas, avec la terminaison de ces personnes, un r précédé d'une autre consonne: nous ai-mions, nous aime-rions, nous rom-pri-ons. Il est de deux syllabes dans les premières personnes du pluriel de l'indicatif ou de l'impératif des verbes qui ont l'infinitif en ier, et dans quelque autre mot que ce puisse être, comme dans nous étudi-ons, nous confi-ons, nous déli-ons, nous mari-ons, nous ri-ons, li-on, religi-on, uni-on, passi-on, visi-on, créati-on, etc.

OIN n'est jamais que d'une syllabe, comme dans coin, soin, besoin, appointement, etc.

UA est ordinairement de deux syllabes; il n'y a guère que Racine qui ait varié à cet égard dans ce vers :

"Vous le souhaitez trop pour me le persuader."

où ua n'est que d'une syllabe; mais dans cet autre vers: "Il suffit de tes yeux pour t'en persuader,"

ua est de deux syllabes.

UoN est toujours de deux syllabes.

DE L'ENJAMBEMENT DES VERS.

L'enjambement est le rejet au vers suivant d'un ou de plusieurs mots, en sorte que le sens suspendu à la fin du premier vers n'est terminé qu'au commencement ou dans le cours du vers qui suit:

Soudain ce mont liquide élevé dans les airs

Retombe: un noir limon bouillonne au sein des mers.

DELILLE.

Ces enjambements que les poëtes du siècle de Louis XIV employaient avec la plus grande modération, condamnés même par quelques versificateurs, se rencontrent souvent dans la poésie moderne, dite des Romantiques. En voici un exemple :

Le Pape et l'Empereur sont tout. Rien n'est sur terre
Que par eux et pour eux. Un suprême mystère
Vit en eux, et le ciel, dont ils ont tous les droits

Leur fait un grand festin des peuples et des rois.—
VICTOR HUGO.

DE LA RIME.

La rime est le retour de sons égaux ou équivalents à la fin des vers. Elle se divise en rime masculine, et en rime

féminine.

La rime masculine est celle qui a une terminaison masculine:

Dans Florence, jadis, vivait un médecin,

Savant hableur, dit-on, et célèbre assassin.-BOILEAU. La rime féminine est celle où la dernière syllabe du vers est terminée par l'e muet, l'e muet suivi d'un s ou enfin l'e muet suivi de nt, comme dans ces vers :

Lorsqu'à la bien chercher d'abord on s'évertue

L'esprit à la trouver aisément s'habitue.-Boileau.

Ô vous, qui de la cour affrontez les tempêtes

Qu'ont de commun les champs et le trouble où vous êtes.—

DELILLE.

C'est peu qu'en un ouvrage où les fautes fourmillent,
Des traits d'esprit semés de temps en temps pétillent.—

BOILEAU.

Dans les rimes féminines, comme la voix ne peut s'arrêter que sur la syllabe sonore qui précède la syllabe muette, les vers comportent toujours une syllabe de plus que les vers

• En grammaire, on appelle terminaison masculine, la terminaison d'un mot dont l'e muet ne forme pas à lui seul la dernière syllabe, ou ne concourt pas à la former de manière à s'y faire sentir. Main et Maison ont la terminaison masculine, quoique ces mots soient du genre féminin. Homme a la terminaison féminine, quoiqu'il soit du genre masculin.

b Les troisièmes personnes du pluriel de l'imparfait de l'indicatif et du conditionnel présent des verbes, ayant le son de l'e ouvert, forment une rime masculinė:

Aux accords d'Amphion les pierres se mouvaient,
Et sur les murs thébains en ordre s'élevaient.-BOILEAU.

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