Page images
PDF
EPUB

Là, son ombre, éveillant le sépulcre sonore
Comme pour la bataille, y ressuscite encore
Les quarante siècles géants.

Il dit: 'Debout!' Soudain chaque siècle se lève,
Ceux-ci portant le sceptre et ceux-là ceints du glaive,
Satrapes, Pharaons, mages, peuple glacé.

Immobiles, poudreux, muets, sa voix les compte;
Tous semblent, adorant son front qui les surmonte,
Faire à ce roi des temps une cour du passé.

Ainsi tout, sous les pas de l'homme ineffaçable,
Tout devient monument: il passe sur le sable!
Mais qu'importe qu'Assur de ses flots soit couvert,
Que l'aquilon sans cesse y fatigue son aile,
Son pied colossal laisse une trace éternelle
Sur le front mouvant du désert.

III.

Histoire, poésie, il joint du pied vos cimes.
Éperdu, je ne puis dans ces mondes sublimes
Remuer rien de grand sans toucher à son nom;
Oui, quand tu m'apparais pour le culte ou le blâme,
Les chants volent pressés sur mes lèvres de flamme,
Napoléon! soleil dont je suis le Memnon.

Tu domines notre âge; ange ou démon, qu'importe !
Ton aigle, dans son vol, haletant, nous emporte.
L'œil même qui te fuit te retrouve partout.
Toujours dans nos tableaux tu jettes ta grande ombre,
Toujours Napoléon, éblouissant et sombre,

Sur le seuil du siècle est debout!

Ainsi; quand du Vésuve explorant le domaine,
De Naple à Portici l'étranger se promène,
Lorsqu'il trouble, rêveur, de ses pas importuns
Ischia, de ses fleurs embaumant l'onde heureuse,
Dont le bruit, comme un chant de sultane amoureuse,
Semble une voix qui vole au milieu des parfums;

Qu'il hante de Postum l'auguste colonnade;
Qu'il écoute à Pouzzol la vive sérénade

Chantant la tarentelle au pied d'un mur toscan ;
Qu'il éveille en passant cette cité momie,
Pompéi, corps gisant d'une ville endormie,
Saisie un jour par le volcan;

Qu'il erre au Pausilippe avec la barque agile
D'où le brun marinier chante Tasse à Virgile;
Toujours, sous l'arbre vert, sur les lits de gazon,
Toujours il voit, du sein des mers ou des prairies,
Du haut des caps, du bord des presqu'îles fleuries,
Toujours le noir géant qui fume à l'horizon.

Ce morceau sublime nous rappelle l'éloquent extrait en prose de SALVANDY, Répertoire littéraire, page 337.

A. DE BEAUCHESNE.

[Les notes du morceau suivant sont extraites de l'excellent ouvrage de madame Tastu: Éducation maternelle.]

L'ÉCOLIER.

“À GENOUX! à genoux! au milieu de la classe,

L'enfant mutin!

a L'écolier. Il s'agit ici de la jeunesse de Napoléon.

Bonaparte (Napoléon) naquit à Ajaccio, en Corse, île de la Méditerranée, le 15 août 1769. L'ancienne orthographe de son nom était Buonaparte. C'est pendant sa première campagne d'Italie, comme général en chef des troupes françaises, qu'il supprima l'u. Il n'a eu, dit-on, d'autres motifs que de conformer l'orthographe à la prononciation, et d'abréger sa signature.

[ocr errors]

Voici ce que dit une note tirée du registre de M. Berton, sousprincipal de l'École militaire de Brienne. Napoléon de Buonaparte est entré à l'École royale militaire de Brienne-le-Château, à l'âge de neuf ans huit mois cinq jours; il y a passé cinq ans cinq mois vingt-sept jours, et en est sorti à l'âge de quinze ans deux

Dont l'esprit est de feu pour l'algèbre, et de glace
Pour le latin a!"

Ainsi parlait le maître à l'élève indocile;
Car l'écolier

Était du petit nombre ardent et difficile
À se plier.

Enthousiaste et fier, comme on l'est à son âge
Dans le midi,

Ses noirs éclairaient d'une lueur sauvage
yeux

Son front hardi.

Loin de ses compagnons, dans les heures de trève,
Pensif et seul,

Aux beaux jours, il s'en va s'asseoir avec son rêve
Sous un tilleul.

Car aux plaisirs bruyants on dit qu'il préfère
Le noir chagrin ;

Et son maître a songé parfois qu'il pourrait faire
Un bon marin".

mois deux jours, pour se rendre à l'École militaire de Paris, ainsi qu'il est constaté par l'extrait suivant, tiré du registre de sortie des élèves du roi. Le 17 octobre 1784 est sorti de l'École militaire de Brienne M. Napoléon de Buonaparte, écuyer, né en la ville d'Ajaccio, en l'île de Corse, le 15 août 1769, fils de noble Charles-Marie de Buonaparte, député de la noblesse de Corse, demeurant à la dite ville d'Ajaccio, et de dame Lætitia Ramolino, sa mère, suivant l'acte porté au registre de réception, folio 31. Reçu dans cet établissement le 23 avril 1779.'"

a Le professeur de mathématiques de Napoléon, le père Patrauld, aimait beaucoup Bonaparte; il en faisait un grand cas; il était fier de l'avoir pour élève, et il avait raison. Le jeune Napoléon étudia le latin avec une telle répugnance, qu'ayant atteint l'âge de quinze ans, il était très-faible en quatrième.

b Un bon marin. Voici le compte rendu au roi par M. de Krealio, en 1784 M. de Buonaparte (Napoléon), né le 15 août 1769, taille de 4 pieds 10 pouces 10 lignes, a fait sa quatrième; de bonne constitution, santé excellente, caractère soumis, honnête, reconnais

L'hiver! c'est la saison qu'il aime! que de charmes
N'a-t-elle pas?

Quand le ciel aux enfants semble jeter des armes
Pour leurs combats?

Alors ce sont des forts, des redoutes de neige a,
Un grand château ;

Puis un mouchoir flottant qui couronne le siége
Comme un drapeau !

Et puis des boulets blancs, dont la grêle foudroie
Les rangs pressés !

Puis les cris triomphants des soldats, et leur joie
S'ils sont blessés !

sant, conduite très-régulière; s'est toujours distingué par son application aux mathématiques. Il sait très-passablement son histoire et sa géographie. Il est assez faible pour les exercices d'agrément et pour le latin, où il n'a fait que sa quatrième. Ce sera un excellent marin: il mérite de passer à l'École militaire de Paris."

a Des redoutes de neige. Dans l'hiver de 1783 à 1784, si mémorable par la quantité de neiges qui s'amoncelaient sur les routes, sur les toits, dans les cours, dans toutes les campagnes enfin, à six, sept, huit pieds de hauteur, Napoléon fut singulièrement contrarié; plus de petits jardins, plus de ces isolements heureux qu'il cherchait. Au moment de ses récréations, il était forcé de se mêler à la foule de ses camarades, et de se promener avec eux en long et en large dans une salle immense. Pour s'arracher à cette monotonie de promenade, Napoléon sut remuer toute l'École, en faisant sentir à ses camarades qu'ils s'amuseraient bien autrement s'ils voulaient, avec des pelles, se frayer dans la grande cour différents passages au milieu des neiges, faire des ouvrages à corne, creuser des tranchées, élever des parapets, des cavaliers, etc. ...“ Le premier travail fini, nous pourrons," dit-il, nous diviser en pelotons, faire une espèce de siége, et, comme l'inventeur de ce nouveau plaisir, je me charge de diriger les attaques." La troupe joyeuse accueillit ce projet avec enthousiasme; il fut exécuté, et cette petite guerre simulée dura l'espace de quinze jours; elle ne cessa que lorsque des graviers ou de petites pierres s'étant mêlées à la neige dont on se servait pour faire des boules, il en résulta que plusieurs pensionnaires, soit assiégeants, soit assiégés, furent assez grièvement blessés.

66

Géographe-apprenti, quelquefois il s'amuse

À situer

Les vieux empires peints sur des cartons, qu'il use
À remuer.

Un jour que, s'essayant sur la route inconnue
Qu'il mesura,

Montgolfier, triomphant, s'envolait dans la nue,
L'enfant pleura.

Oh! que ne planait-il ainsi loin de la terre,
Fier, et pareil

À l'oiseau souverain qui s'en va solitaire

Droit au soleil !

D'où vient donc cette flamme à cette jeune tête,
Et ce frisson,

Quand il sent, indigné, qu'une chaîne l'arrête
Dans sa prison?

D'où lui vient ce mépris des études vulgaires?
Et dans son cœur

Ce tourment, où se mêle avec des bruits de guerres
Un cri vainqueurb?

a Montgolfier est là pour aérostat, ballon, ou montgolfière. Montgolfier a bien inventé le premier ballon qui seul a pu voyager dans l'air; mais il n'a jamais entrepris un semblable voyage.

"En 1782, la femme du concierge de l'École de Brienne, qui était bien connue, puisqu'elle vendait journellement aux élèves du lait, des fruits et des gâteaux, se présenta un jour de Saint-Louis, pour assister à la représentation de la Mort de César, corrigée. Comme cette femme n'avait pas de carte d'entrée, et qu'elle insistait en faisant du bruit, dans l'espérance de passer outre, le sergent du poste en fit son rapport à l'officier Napoléon de Bonaparte (les grades d'officiers et de sous-officiers ne se conféraient qu'aux meilleurs sujets de l'École), qui, d'une voix impérieuse, s'écria: 'Qu'on éloigne cette femme, qui apporte ici la licence des camps!""

« PreviousContinue »