jusqu'à Corneille et Racine pour la poésie, que l'idiome français se forme, que le style et la construction des périodes s'assujettissent aux lois d'une logique saine et lumineuse. Le rhythme poétique est fixé par Malherbe, les règles de la versification française sont reconnues par Boileau, la langue devenant le timbre du génie produit des chefs-d'œuvre littéraires qui immortalisent le siècle de Louis XIV, et portent au loin la gloire du nom français. Extrait des poésies de MALHERBE. STANCES. Paraphrase d'une partie du psaume cxlv, sur la grandeur périssable des rois. N'espérons plus, mon âme, aux promesses du monde, En vain, pour satisfaire à nos lâches envies, A souffrir le mépris et ployer les genoux: Ce qu'ils peuvent n'est rien; ils sont, comme nous sommes, Véritablement hommes, Et meurent comme nous. Ont-ils rendu l'esprit, ce n'est plus que poussière Que cette majesté si pompeuse, si fière, Dont l'éclat orgueilleux étonnoit l'univers; Et, dans ces grands tombeaux où leurs âmes hautaines Ils sont mangés des vers. Là, se perdent ces noms de maîtres de la terre, D'arbitres de la paix, de foudres de la guerre; Comme ils n'ont plus de sceptre, ils n'ont plus de flatteurs, Et tombent avec eux, d'une chute commune, Tous ceux que leur fortune Faisoit leurs serviteurs. Voyez la page 414. Extrait des poésies de RACAN, ami et disciple de Malherbe. STANCES. Tircis, il faut penser à faire la retraite ; La course de nos jours est plus qu'à demi faite; Le bien de la fortune est un bien périssable; Les grands pins sont en butte aux coups de la tempête, Des maisons de nos rois, que les toits des bergers. Ô bienheureux celui qui peut de sa mémoire Effacer pour jamais ce vain espoir de gloire, Il laboure le champ que labouroit son père ; Roi de ses passions, il a ce qu'il désire; Remarque sur l'ordre chronologique des extraits suivants. L'Art poétique de Boileau est placé au commencement des Leçons et modèles pour servir d'introduction à l'étude de la poésie française. En observant l'ordre chronologique des auteurs du dix-septième siècle (c'est-à-dire, des auteurs dont les chefs-d'œuvre commencent à la page 1 qui suit, et finissent à la page 296), on aura soin de se rappeler que Boileau vient après Corneille, appartenant à l'époque littéraire de Racine, de Molière et de La Fontaine. Les autres extraits de Boileau suivent immédiatement ceux des auteurs que nous venons de citer, et, à la place qui leur est propre d'après le plan de cette compilation, terminent les fragments poétiques du dixseptième siècle.-Voyez la page 289. NOTA.-Les belles éditions modernes des auteurs français, entr'autres celles que Firmin Didot et Cie., imprimeurs de l'Institut de France, ont fait paraître tout récemment, ayant fourni les extraits contenus dans ce recueil, on s'apercevra que l'orthographe de ces éditions, telle qu'elle est autorisée par l'Académie française, a été adoptée avec la plus rigoureuse exactitude. Il faut excepter les morceaux de l'Introduction qui précède, où nous avons suivi le texte des auteurs qui y sont cités, ayant voulu, comme nous l'avons dit à la page xiv, développer les progrès de la langue française et indiquer les changements qu'elle a subis siècle par siècle, jusqu'à l'époque où elle s'est formée, c'est-à-dire, depuis le neuvième jusqu'au dix-septième siècle: siècle de Corneille, de Boileau, de Racine, de Molière, de La Fontaine, etc. a Voyez la notice biographique, page 423. b L'Académie française, dans la nouvelle édition de son dictionnaire, publiée en 1835, a sanctionné l'orthographe dite de Voltaire, c'est-à-dire, qu'elle remplace l'o par l'a dans les mots Faible, monnaie, connaître, paraître, Français, Anglais, etc.; ainsi que dans la terminaison des imparfaits et des conditionnels: Je voulais, je voudrais, etc. Elle a également décidé que les mots terminés en ant ou en ent, tels que Puissant, élément, etc., retiendraient le tau pluriel: Puissants, éléments, etc. DE POÉSIE FRANÇAISE. BOILEAU. L'ART POÉTIQUE. CHANT PREMIER. Dans le premier chant de ce poëme, l'auteur donne le caractère du poëte, des règles générales de poésie, et un aperçu de l'histoire de la poésie française. C'EST en vain qu'au Parnassea un téméraire auteur a Parnasse, célèbre montagne de la Grèce. Elle était consacrée aux Muses, à Apollon et à Bacchus. b Phébus (du grec poißos, phoibos, lumineux), ou Apollon, ainsi nommé parce qu'il conduisait le char du soleil. с Pégase, cheval ailé. Dès qu'il vit la lumière, il s'envola vers le ciel. Selon Ovide, il s'arrêta sur le mont Hélicon, où d'un coup de pied il fit jaillir la fontaine du cheval (l'Hippocrène), dont l'onde, inspiratrice des poëtes, enivre comme le vin. Tantôt sur cette cime sacrée, tantôt sur celle du Parnasse, Pégase, les ailes abaissées, aimait à paître l'herbe émaillée au milieu des chœurs dansants des Muses et des Grâces.-Mythologie. d Bel esprit. Ce mot est ici pour talent, génie; il a perdu cette signification. B N'allez pas sur des vers sans fruit vous consumer, Craignez d'un vain plaisir les trompeuses amorces, Voulez-vous du public mériter les amours? Sans cesse en écrivant variez vos discours. En vain brille à nos yeux; il faut qu'il nous endorme. Heureux qui, dans ses vers, sait d'une voix légère Sublime sans orgueil, agréable sans fard. N'offrez rien au lecteur que ce qui peut lui plaire. Ayez pour la cadence une oreille sévère: Que toujours dans vos vers le sens coupant les mots Suspende l'hémistiche, en marque le repos. a Fameux libraire. |