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pouillée de tout vain ornement, animée d'exemples et de rapprochements empruntés à la vie courante et à la plus récente jurisprudence, développée en une conversation familière avec une diction nette, sur un ton simple, bon enfant, parfois trivial, toujours attachant; et surtout une clarté parfaite. Les matières juridiques les plus obscures devenaient lumineuses lorsqu'il les avait élaborées. Au risque de répéter plusieurs fois de suite la même idée, il ne laissait aucun étudiant quitter son cours sans avoir compris aussi bien que possible toutes les parties de son exposé, ce dont il s'assurait lui-même en questionnant séance tenante ses étudiants lorsqu'il leur avait fait une démonstration particulièrement difficile.

Son enseignement donné, et il le donnait avec zèle, multipliant les conférences et les cours supplémentaires, des tâches moins régulières mais plus absorbantes encore réclamaient M. Testoud. L'administration proprement dite de l'école l'occupait peu, il s'en déchargeait presque entièrement sur son intime ami, M. Omar bey Loutfy, le sous-directeur indigène, laissant pour le surplus à ses collègues l'indépendance la plus absolue, l'initiative la plus complète, encourageant les étudiants à exposer aux professeurs leurs idées, leurs vues et leurs désirs, et les autorisant même à fixer suivant leur convenance et collectivement la date des compositions et des épreuves. Il se réservait seulement les décisions importantes, les questions de principe qui se présentent très rarement. Il ne se désintéressait pourtant de rien, savait tout ce qui se passait autour de lui, connaissait personnellement chaque étudiant et pouvait évaluer, le cas échéant, son caractère et son intelligence. Mais il avait pour principe pratique de laisser les gens se débrouiller et les choses aller toutes seules. Par contre la plus grande partie de son temps était prise par administrations ou individus auxquels il servait de con

ceux

seiller.

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Au Ministère de la Justice égyptien siègent deux comités dont l'importance est nécessairement grande en un pays qui n'a pas, à proprement parler, de Cour de cassation et où le gouvernement est le seul organe législatif. Le Comité de surveillance judiciaire a pour

Une section de la Cour d'appel indigène joue ce rôle dans les matières qui re lèvent de la compétence indigène.

attributions, aux termes du décret qui l'institue, « de surveiller la marche générale du service des tribunaux de première instance et des délégations et de faire à ce sujet des rapports au Ministère de la Justice en lui signalant les irrégularités qu'il aura relevées ». A cet effet, ce corps dispose d'un certain nombre d'inspecteurs chargés d'examiner les états dressés régulièrement par les tribunaux et d'appeler son attention sur ce qui leur a paru de nature à y être relevé. Ses observations relatives aux jugements et aux décisions sont souvent rédigées sous forme de note circulaire et publiées dans le Bulletin officiel des Tribunaux indigènes et dans le Journal officiel. Le Comité consultatif de législation « arrête la forme légale de tous les projets de décret, arrêt ou règlement d'une application générale. il en met le texte en harmonie avec la législation existante ».

M. Testoud appartenait de droit, virtute officii, à ce dernier corps; il fut appelé, peu après son arrivée en Égypte, à siéger dans le premier. On imagine sans peine la part qu'une intelligence alerte et exercée telle que la sienne, servie par une prodigieuse mémoire et par une érudition sans égale, prit aux travaux de ces comités. Il y dénouait comme en se jouant les questions les plus embrouillées, posant en quelques mots drôles les données du problème le plus complexe et en dégageant presque aussitôt une solution plausible. Il concourut ainsi très utilement au mouvement législatif égyptien qu'il a excellemment résumé, chaque année, dans les dix derniers annuaires de la Société de Législation comparée.

Le Tribunal consulaire français du Caire, composé, on le sait, du Consul et de deux assesseurs choisis parmi les notables de la Colonie, eut presque constamment recours à l'éminent juriste. Il siégeait régulièrement aux audiences civiles. Ceux de ses compatriotes qui ont délibéré avec lui savent avec quel tact il découvrait le joint de chaque affaire et comment son magistral bon sens accélérait les discussions.

On l'appelait, avec une justesse plaisante, un répertoire vivant, à même de donner à l'improviste un avis motivé sur n'importe quel point de droit. Le répertoire vivant se feuilletait aisément. Quiconque

étudiant, avocat, voire rentier en quête d'une consultation gratuite entrait dans son cabinet, était sûr d'en sortir avec un conseil ou tout au moins des vues précieuses. Dieu sait si l'on se faisait faute d'en profiter!

Cette bienveillance infatigable et les rares talents qu'elle mettait en lumière expliquent la popularité dont jouissait M. Testoud dans une grande partie de l'Égypte et les regrets que sa fin inattendue y inspira. Peu d'Européens pouvaient se flatter d'y être aussi favorablement connus et appréciés. La partie cultivée du monde indigène avait profondément conscience du bien qu'il faisait à la jeunesse égyptienne et d'une façon générale au pays, elle lui en était et lui en sera, selon les apparences, longtemps encore reconnaissante.

Ceux qui l'ont approché d'un peu près, notamment ses collègues de l'Institut égyptien qui l'élurent membre de leur compagnie dès son arrivée en Égypte, savent quelle bonté foncière, embarrassée et honteuse d'elle-même, dissimulait assez gauchement une surface narquoise et ironique. Aussi ne furent-ils nullement surpris des traits de générosité et de charité que sa mort soudaine révéla bien malgré lui, car il en aurait rougi comme d'autant de méfaits inavouables. Aujourd'hui que son masque épanoui de bon vivant insouciant et goguenard s'est détaché pour toujours, il apparaît,

Tel qu'en lui-mème enfin l'éternité le change,

sous sa vraie forme, celle d'un homme non seulement érudit et sage, mais aussi sensible et bon, quelque peu mélancolique et désabusé, car son existence solitaire et monotone de célibataire timide, mal portant, sevré de tout plaisir et pour qui le monde était sans attraits, fut apparemment peu fertile en jouissances et peut-être attristée par d'intimes désillusions, cependant que la carrière qu'il s'était choisie plutôt contrariée qu'aplanie par les circonstances aurait pu certainement être plus vaste et plus brillante. Bien que prématurément interrompues, l'une et l'autre furent tout au moins utiles et bien remplies.

LA PESANTEUR

LE LONG DU PARALLÈLE MOYEN

Par M. J. COLLET,

Doyen de la Faculté des Sciences.

Depuis près de dix ans, avec le concours de Mme Collet, j'ai entrepris une étude méthodique de la pesanteur le long du parallèle moyen. Diverses notes sur ce sujet ont déjà été insérées dans les Comptes rendus de l'Académie et dans les Annales de l'Université de Grenoble. Je me propose actuellement de résumer, dans leur ensemble, les résultats obtenus. Cette publication, qui aurait pu être faite plus tôt, a été retardée d'abord par des recherches que j'ai dû faire sur l'attraction topographique, sensible en plusieurs stations; puis par des expériences de contrôle sur l'invariabilité du pendule; enfin par une revision générale de toutes les expériences et de tous les calculs. Comme conséquence de ces opérations multiples, j'ai dû

1 Comptes rendus, t. CXIX, p. 634; t. CXXII, p. 1265; t. CXXIV, t. CXXX, p. 642; t. CXXXI, p. 654 et p. 742.

p. 1088;

Annales de l'Université de Grenoble, t. III, 1891, n° 2, p. 191; t. VII, 1895, no 1, p. 1; t. VIII, 1896, no 3, p. 535; t. XIII, 1901, no 1, p. 1.

Voir aussi Bericht über die Relativen Messungen der Schwerkraft mit Pendelapparaten, par F. R. Helmert, directeur du Bureau central des mesures internationales de la Terre.

2 Nous reproduisons ici, en les complétant, deux communications récemment faites à l'Académie des Sciences. Voir Comptes rendus, t. CXXXV, p. 774 et p. 956.

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