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et se rapprocher tour à tour, tandis que l'eau pénétrait dans les fissures de la mosaïque disjointe, pour refluer en bouillonnant quand les fragments se rejoignaient. Il m'a dit encore avoir observé que les vibrations des objets mous étaient plus douces et plus fréquentes que celles des objets durs'.

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Conclusion morale.

(XXXII) Voilà pour les causes, mon cher Lucilius; voici pour le réconfort de nos àmes, qui ont plus besoin de courage que de renseignements. Mais l'un ne va pas sans l'autre ; l'unique source de la force morale, c'est l'instruction, c'est l'observation de la nature. Comment, en face de ce désastre, ne pas se trouver rassuré et armé contre les autres? Pourquoi, en effet, trembler devant la menace d'un homme ou d'un fauve. d'une flèche ou d'un fer de lance? nous avons pis à redouter. La foudre, la terre, de puissantes énergies naturelles nous assaillent il faut, d'un cœur magnanime, affronter la Mort, que l'attaque soit générale et colossale, ou commune et vulgaire. Qu'importe l'appareil effrayant et le nombre des traits dirigés contre nous? ce qu'elle revendique est minuscule; l'àge nous l'ôterait, un mal d'oreille, une hydropisie, un aliment de digestion malaisée, un simple faux pas. La vie humaine a peu de valeur : le mépris de la vie en a beaucoup. Gràce à lui, on contemple sans peur une mer démontée, quand bien même les vents conjurés la soulèveraient, quand un raz de marée formidable, bouleversant l'univers, lancerait sur la terre l'Océan tout entier. Sans peur on considère le spectacle furieux et épouvantable de l'éther fulgurant, dût le ciel éclater, déchaîner tous ses feux, anéantir le monde et s'anéantir avec lui. Sans peur on voit le sol s'entr'ouvrir sur les ruines de sa charpente : quand l'enfer apparaîtrait, on se dresserait encore impassible sur cet abîme, on s'y jetterait peut-être au lieu d'y tomber. Et qu'importe la grandeur des causes de ma mort? la mort en soi n'est pas plus grande.

Ainsi, pour être heureux, pour braver les dieux, les hommes et

1 Texte très controversé.

les choses, pour dédaigner les vaines promesses du sort et ses frivoles menaces, pour vivre en paix et disputer aux dieux mêmes leur félicité, soyons toujours prêts au départ. Que notre vie ait à craindre les complots, les maladies, le fer de l'ennemi, l'écroulement bruyant d'un groupe de maisons, la ruine même du globe, ou quelque immense conflagration dévorant à la fois des cités et des champs, la prenne qui voudra. Qu'ai-je à faire, qu'à exhorter celui qui part, à lui adresser l'adieu bienveillant : « Courage et bon voyage! » Pas d'hésitation; rendons tout. Ce n'est pas la chose, mais le moment. seul qui est incertain. Tu fais maintenant ce qu'il faut faire un jour ou l'autre garde-toi de prier, de trembler, de reculer comme en face d'un vrai mal. La nature t'avait conçu; elle te rappelle, en un séjour meilleur et plus sûr on n'y redoute ni tremblements de terre, ni vents heurtant les nuées à grand fracas, ni incendies dévastateurs de pays et de villes; nul danger de naufrages submergeant des flottes entières, nul combat, sous des drapeaux hostiles, de milliers d'hommes également acharnés à s'entre-tuer; ni peste, ni bùcher pour brûler en masse et pêle-mêle des populations. Si ce n'est rien, pourquoi s'effrayer? si c'est dur, mieux vaut en finir que de trembler

sans cesse.

:

Mais redouter la mort quand la terre meurt avant moi! quand ce qui me secoue subit une secousse et ne me perd qu'en se perdant ! Hélicé, Bura sombrèrent en entier et je craindrais pour mon pauvre corps! On navigue sur deux cités - deux cités à ma connaissance, et dont l'histoire a gardé le nom jusqu'à nos jours combien d'autres furent englouties en d'autres lieux! que de peuples abîmés dans la terre ou sous les mers! et je voudrais ne pas finir, quand je suis sûr de n'être pas infini! que dis-je? quand je sais que tout est fini, je redouterais, moi, le dernier soupir!

Arme-toi donc, ô Lucilius, de tout ton courage contre la peur de la mort. C'est elle qui nous dégrade, elle qui pour épargner la vie la trouble et l'empoisonne, elle qui grossit tout, commotions et tonnerres, toutes choses que tu braveras, si tu considères qu'un temps, court ou long, c'est tout un. Ce sont des heures que nous perdons; fût-ce des jours, des mois, des ans, nous ne perdrons qu'un temps périssable. Qu'importe, dis-moi, que nons y atteignions? Le présent s'envole, se dérobe aux pires appétits; le futur ne m'appartient pas; le passé, pas davantage. Je ne tiens qu'à une minute fugitive: est-ce beaucoup, d'avoir

vécu si peu ! Écoute la jolie réponse du sage Lélius : « J'ai soixante ans, disait quelqu'un. Oui, dit-il, soixante que tu n'as plus! » On méconnaît la nature insaisissable de la vie, l'essence du temps qui fuit toujours, tout en comptant les seules années perdues.

Pénétrons-nous de cette vérité, répétons-nous constamment : « Il faut mourir. » Quand cela? Que t'importe? La mort est une loi de nature, la mort est une dette, une fonction d'êtres mortels, un remède à tous les maux. Il faut la souhaiter, quand on a peur. Oublie tout, Lucilius, pour travailler à ne plus frémir en nommant la mort; familiarise-toi avec elle en y songeant sans cesse, afin de pouvoir, au besoin, la prévenir à ton tour.

SUR LES PARAMÈTRES ÉLASTIQUES

DES FILS DE SOIE

Par M. F. BEAULARD,
Professeur-adjoint à la Faculté des Sciences.

Malgré l'emploi fréquent des fils de soie dans les suspensions bifilaires, les paramètres élastiques de cette substance n'ont jamais été déterminés, à ma connaissance du moins, et, comme la valeur numérique du module d'Young est nécessaire pour effectuer la correction de rigidité, j'ai été amené, en vue de cette correction, à effectuer la détermination des coefficients d'élasticité des fils de soie. Soient :

c le moment du couple de torsion; p. le coefficient de Coulomb, c'est-à-dire l'expression numérique d'un couple capable de tordre d'un radian un cylindre de rem de diamètre et de 1cm de hauteur; < l'allongement de l'unité de longueur d'un fil de section unité, sous l'unité de charge; E

=

α

le module d'élasticité de traction; le

9 mo

dule d'élasticité de torsion, ou coefficient de rigidité; la contraction latérale, c'est-à-dire la diminution de l'unité de longueur dans

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L'expérience permet de déterminer c par la méthode des oscillations, et par la mesure des allongements sous des charges données; et, par suite, de calculer p, q, et 3. J'ai opéré avec un fil formé de 20 brins tirés d'un même écheveau de soie écrue et trouvé C === 0,164 et 1,288.10; mais la détermination de E présente quelques particularités intéressantes, qui font l'objet de cette Note.

= ?

On constate, en effet, qu'il n'y a pas, à proprement parler, de coefficient d'élasticité de traction E, diminuant quand la charge augmente; on constate également que 3 diminue très rapidement, pour atteindre une valeur constante dès que la charge atteint quelques grammes; cela résulte du Tableau suivant, extrait d'un Tableau plus étendu :

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On vérifie en outre que, par le retour à une charge nulle, le fil ne reprend pas sa longueur primitive L; il y a un allongement résiduel

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L, qui peut atteindre le de la longueur initiale.

40

Si l'on répète une deuxième série de mesures, sur le même fil, on constate que les variations de E sont déjà moins marquées, et que l'allongement résiduel LL, est moindre que dans le premier cas; on trouve, par exemple :

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Ce résultat permet déjà de penser que le fil de soie est affecté d'hystérésis et susceptible par suite de déformations permanentes, conformément aux idées développées à ce sujet par M. P. Duhem',

1 P. Duhem, Société des Sc. phys, et nat. de Bordeaux, 18 mai 1899.

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