Page images
PDF
EPUB

Achille va combattre, et triomphe en courant. (RACIne.)
David, David triomphe; Achab seul est détruit! (IDEM.)

Les plus grands hommes de ces siècles chrétiens ont fait triompher la folie de la croix de toute la sagesse d'Athènes et de Rome. (MASSILLON.) (V. F.)

1350. Vaincu, Battu, Défait.

Ces termes s'appliquent en général à une armée qui a eu du dessous dans me action voici les nuances qui les distinguent.

Une armée est vaincue quand elle perd le champ de bataille; elle est battue quand elle le perd avec un échec considérable, c'est-à-dire en laissant beaucoup de morts et de prisonniers; elle est défaite, lorsque cet échec va au point que l'armée est dissipée, ou tellement affaiblie qu'elle ne puisse plus tenir la campagne.

Je sais bien, dit-il, que les Suédois nous battront longtemps; mais à la fin ils nous apprendront eux-mêmes à les vaincre. (VOLTAIRE.) Les Gaulois, souvent battus, n'osaient remuer. (BosSUET.) Mithridate, souvent battu sans jamais perdre courage. (IDEM.)

Les armées romaines, quoique défaites et rompues, combattaient et se ralliaient jusqu'à la dernière extrémité. (BossUET.)

On dit d'un général, d'un peuple, qu'il est vaincu ou battu: défait ne se dit que d'une armée. Un général victorieux n'a point fait de faute aux yeux du public, de même que le général battu a toujours tort, quelque sage conduite qu'il ait eue. (VOLTAIRE.)

On a dit de plusieurs généraux qu'ils avaient été vaincus sans avoir été dé-· faits, parce que le lendemain de la perte d'une bataille, ils étaient en état d'en donner une nouvelle.

On peut aussi observer que les mots vaincu et défait ne s'appliquent qu'à des armées ou à de grands corps; aussi on ne dit point d'un détachement qu'il a été défait ou vaincu : on dit qu'il a été battu. (Encycl., IV, 731.)

1351. Vainement, Inutilement, En vain.

On a travaillé vainement, lorsqu'on n'est pas récompensé de son travail ou qu'il n'est pas agréé : on a travaillé en vain, lorsqu'on n'est pas venu à bout de ce qu'on voulait faire.

J'aurai travaillé vainement si cet ouvrage ne me procure pas l'estime du public; je l'aurai fait inutilement, si l'on n'en profite pas pour rendre ses idées et ses expressions justes; c'est en vain que je me serai donné beaucoup de peine, si je n'ai pas rencontré la vraie différence et le propre caractère des synonymes de notre langue. (G.)

Je crois qu'on a travaillé vainement, quand on l'a fait sans succès; et en vain, quand on l'a fait sans fruit. L'ouvrage est manqué dans le premier cas, et l'objet est manqué dans le second. Si je ne puis pas venir à bout de ma besogne, je travaille vainement; c'est-à-dire d'une manière vaine, et je ne la fais pas si ma besogne faite n'a pas l'effet que j'en attendais, j'ai travaillé en vain, c'est-à-dire que je n'ai fait qu'une chose inutile. Si le Seigneur n'élève pas l'édifice, ceux qui l'élèvent auront travaillé en vain, in vanum, comme dit le texte, et non vainement. Ils n'auront pas travaillé vainement, car ils auront élevé l'édifice; ils auront travaillé en vain, car ils n'auront fait qu'un vain édifice qui ne subsistera pas.

Si vous me parlez sans que je vous entende, vous parlez vainement ; si vous me parlez sans me persuader, vous me parlez en vain.

Celui qui ne fait que des choses vides de sens, de raison, de vertu, consume vainement le temps; celui qui fait des choses utiles, mais inutilement ou sans qu'on en profite, l'emploie en vain. (R.)

Il veut, mais vátnement, poursuivre son discours. (Boileau.)
En vain, pour s'exempter de l'oubli du cercueil,
Achille mit vingt fois tout Ilion en deuil;

En vain, malgré les vents, aux bords de l'Hespérie,
Énée enfin porta ses dieux et så patrie. (IDEM.)

La nature ne fait rien en vain. (Bernardin de Saint-Pierre.)

Le ciel est juste et sage, et ne fait rien en vain. (Racine.)

On a travaillé inutilement quand on a fait un ouvrage utile qui ne sert point, dont les autres ne profitent pas. Il pria le Sauveur que son sang répandu pour lui ne le fût pas inutilement. (BOSSUET.) L'administrateur voyant qu'il combattait inutilement mon dessein. (LE SAGE.) On emploierait vainement si l'on voulait faire ressortir seulement l'insuccès des efforts de l'administrateur : l'auteur s'est servi d'inutilement parce que les conseils désintéressés ne sont pas suivis par celui qui devrait en profiter. (V. F.)

1352. Valet, Laquais.

Le mot de valet a un sens général qu'on applique à tous ceux qui servent. Celui de laquais a un sens particulier, qui ne convient qu'à une sorte de domestique. Le premier désigne proprement un homme de service, et le second un homme de suite. L'un emporte une idée d'utilité, l'autre une idée d'ostentation voilà pourquoi il est plus honorable d'avoir un laquais que d'avoir un valet; et qu'on dit que le laquais ne déroge point à sa noblesse, au lieu que le valet de chambre y déroge, quoique la qualité et l'office de celui-ci soient au-dessus de l'autre.

Les gens rustiques s'entretiennent de leurs affaires avec leurs domestiques, jusqu'à rendre compte à leurs moindres valets de ce qui aura été dit dans une assemblée publique. (LA BRUYÈRE.)

Lorsqu'un carrosse fait de superbe manière,

Et comblé de laquais et devant et derrière,

S'est avec un grand bruit devant nous arrêté. (MOLIÈRE.)

Voilà un laquais qui demande si vous êtes au logis. (MOLIÈRE.)

Les princes et les gens de basse condition n'ont point de laquais: mais les premiers ont des valets de pied qui en font la fonction et qui en portaient même autrefois le nom, et les seconds ont des valets de labeur. (G.)

Ces deux mots s'emploient moins qu'autrefois: excepté dans les expressions composées de valet de chambre, valet de pied, valet de charrue, etc.; on n'emploie plus guère le mot de valet, et quand on a besoin d'appeler un domestique, on ne crie plus comme la comtesse d'Escarbagnas: laquais, petit laquais! Mais ces deux mots se disent fort bien, sinon au figuré, au moins pour désigner le caractère et les vices d'une certaine classe.

Domestique d'un rang inférieur, comme l'a défini jadis l'Académie, le valet est regardé comme grossier. Les valets et les goujats. (J.-J. ROUSSEAU.) Si c'eût été, du moins, un gentilhomme! mais un valet, un gueux! (VOLTAIRE.) Le valet de comédie est effronté, hardi, voleur, mais habile, souvent dévoué; il vit auprès du maître; Molière et Regnard ont pu, sans trop d'invraisemblance, en faire une espèce de confident. Mais le défaut capital du valet, c'est la bassesse. On dit, en parlant d'un vil flatteur, d'un flagorneur, d'un courtisan effronté, un valet, un plat valet. Il fallait être bien esclave, bien valet à tout faire. (SAINT-SIMON.) Les deux premiers états de la société que j'eus occa sion d'observer furent les courtisans et les valets, moins différents en effet qu'en apparence, et si peu dignes d'être étudiés, si faciles à connaître que je m'ennuyai d'eux au premier regard. (J.-J. ROUSSEAU.)

Le laquais est un rustre. Il n'a ni intelligence, ni goût. Il vaudrait beau

coup mieux être le laquais d'un bel esprit que le bel esprit dès laquais. (VolTAIRE.)

Amuser les loisirs des laquais et des pages. (BOILEAU.)

Je l'ai connu laquais avant qu'il fût commis. (IDEM.) (V. F.)

1353. Valétudinaire, Maladif, Infirme, Cacochyme,

Le valetudinaire du latin valetudo, santé et maladie, bonne ou mauvaise santé. Le valétudinaire flotte, en quelque sorte, entre la bonne ou la mauvaise santé, de l'une à l'autre.

Maladif, qui a un principe particulier et actif de maladie et qui en éprouve souvent les effets.

Infirme, non ferme, faible, qui ne se porte pas d'une manière assurée, qui se soutient mal: faible est un mot plus vague et plus étendu qu'infirme, par la loi de l'usage: infirme ne s'applique proprement qu'aux corps qui sont mal constitués, qui n'ont pas la vigueur convenable, et particulièrement la jouissance ou la liberté de quelque fonction.

Cacochyme, mot grec formé de xxxòs, mäiväis, et de yuuds, suc, humeur. La réplétion et la dépravation des humeurs font le cacochyme.

Ainsi le valétudinaire est d'une santé chancelante. On lui dit que le roi jouit d'une santé parfaite; et il se souvient que Thetmosis, un roi d'Égypte, était valétudinaire. (LA BRUYÈRE.) Le maladif est sujet à être malade : l'infirme est affligé de quelque dérangement d'organes; le cacochyme est plein de mauvaises humeurs.

Les femmes, par la constitution propre de leur sexe, sont naturellement plus valetudinaires que les hommes. Les gens malsains sont nécessairement maladifs. Les vieillards sont infirmes par le dépérissement naturel de leurs organes. Il y a beaucoup d'enfants cacochymes par le vice de leur origine ou de leur nourriture. (R.)

Il faut ajouter que cacochyme est un mot employé surtout par les poëtes comiques en parlant des vieillards qu'ils mettent en scène.

Votre corps cacochyme

N'est point fait, croyez-moi, pour ce genre d'escrime.

Il pare de la mort le trait fatal en vain ;

Il n'évitera pas celui du médecin.

Il garde le dernier; et ce corps cacochyme

Est à son art fatal dévoué pour victime. (IDEM.)

(REGNARD.

De plus, cacochymè indique une disposition d'esprit triste et mélancolique, une humeur difficile et chagrine.

L'infirme est faible, non-seulement d'une faiblesse de tempérament qui l'expose à être souvent malade, mais c'est la durée de la maladie qui l'a réduit en cet état. Une vieillesse trop infirme m'a seule empêché d'être témoin de ces magnifiques fêtes. (VOLTAIRE.) Il faut songer qu'on devient vieux et infirme. (IDEM.) Ma raison est que, me voyant infirme et malade comme je suis, je veux me faire un gendre et des alliés médecins. (MOLIÈRE.) Les vieillards sont sujets à des infirmités naturelles qui ne viennent que du dépérissement et de l'affaiblissement de toutes les parties de leur corps. (BUFFON.) (V. F.)

1354. Valeur, Courage.

Le valeureux peut manquer de courage, le courageux est toujours maître d'avoir de la valeur.

La valeur sert au guerrier qui va combattre; le courage à tous les êtres qui, jouissant de l'existence, sont sujets à toutes les calamités qui l'accompagnent.

Que vous servirait a valeur, amant que l'on à trahi, père éploré que le sort prive d'un fils, père plus à plaindre dont le fils n'est pas vertueux! O fils dé

solé, qui allez être sans père et sans mère, ami dont l'ami craint la vérité ; ô vieillards qui allez mourir ; infortunés, c'est de courage que vous avez besoin. Contre les passions que peut la valeur sans courage? Elle est leur esclave, et le courage est leur maître.

La valeur outragée se venge avec éclat, tandis que le courage pardonne en silence.

Près d'une maîtresse perfide le courage combat l'amour, tandis que la valeur combat le rival.

La valeur brave les horreurs de la mort; le courage, plus grand, brave la mort et la vie. (Encyclopédie, XVI, 820.)

1355. Valeur, Prix.

Le mérite des choses en elles-mêmes en fait la valeur, et l'estimation en fait le prix.

Estimer plus ou moins une chose, c'est juger qu'elle est plus ou moins propre aux usages auxquels nous voulons l'employer, et cette estime est ce que nous appelons valeur. La valeur des choses est fondée sur leur utilité, ou, ce qui revient au même, sur l'usage que nous en pouvons faire. La valeur des choses est fondée sur le besoin. (CONDILLAC.)

La valeur est la règle du prix, mais une règle assez incertaine et qu'on ne suit pas toujours.

De deux choses, celle qui est d'une plus grande valeur vaut mieux ; et celle qui est d'un plus grand prix vaut plus.

Il semble que le mot de prix suppose quelque rapport à l'achat ou à la vente, ce qui ne se trouve pas dans le mot de valeur. Ainsi l'on dit que ce n'est pas être connaisseur que de ne juger de la valeur des choses que par le prix qu'elles coûtent.

L'or et l'argent ont été établis, par une convention générale, pour être le prix de toutes les marchandises et un gage de leur valeur. (MONTESQuieu.)

Dès que nous avons besoin d'une chose, elle a de la valeur; elle en a par cela seul, et avant qu'il soit question de faire des échanges. Au contraire, ce n'est que dans les échanges qu'elle a un prix, et ce prix est l'estime que nous faisons de sa valeur, lorsque, dans un échange, nous la comparons avec la valeur d'une autre. (CONDILLAC.) (G.)

1356. Vallée, Vallon.

Vallée semble signifier un espace plus étendu, vallon semble en marquer un plus resserré.

Les vallées y sont si profondes qu'à peine le soleil y peut faire luire ses rayons. (FENELON.) La mer était sillonnée par cinq ou six vagues longues et élevées semblables à des chaînes de collines, espacées entre elles par de larges et profondes vallées. (BERNARDIN DE SAINT-PIERRE.) L'Élide est un petit pays dont les côtes sont baignées par la mer Jonienne, et qui se divise par trois vallées. (BARTHÉLEMY.) Nous considérions avec plaisir les creux vallons où des troupeaux de bœufs mugissaient dans les gras herbages. (FENELON). Les déblais ont formé les petites couches de terre qui recouvrent actuellement le fond et les coteaux de ces vallons. Le même effet a eu lieu dans les grandes vallées. (BUFFON.)

Les poëtes ont rendu le mot de vallon plus usité, parce qu'ils ont ajouté à la force de ce mot une idée de quelque chose d'agréable ou de champêtre, et que celui de vallée n'a retenu que l'idée d'un lieu bas et situé entre d'autres lieux plus élevés.

On dit la vallée de Josaphat, où le vulgaire pense que se doit faire le jugement universel; et l'on dit le sacré vallon où la fable établit une demeure des Muses. Viens me guider dans ces vallées de ténèbres et sur ces champs de boue

que toi seule vivifie. (BERNARDIN DE SAINT-PIERRE.) Ce qui fait et fera toujours de ce monde une vallée de larmes, c'est l'insatiable cupidité, l'indomptable orgueil des hommes. (VOLTAIRE.) Ce monde-ci est une vallée de misère. (IDEM.)

[blocks in formation]

On vante une personne pour lui procurer l'estime des autres ou pour lui donner de la réputation. On la loue pour témoigner l'estime qu'on fait d'elle ou pour lui applaudir.

Vanter, c'est dire beaucoup de bien des gens et leur attribuer de grandes qualités, soit qu'ils les aient ou qu'ils ne les aient pas. Louer, c'est approuver avec une sorte d'admiration ce qu'ils ont dit ou ce qu'ils ont fait, soit que cela le mérite cu ne le mérite pas.

On vante les forces d'une homme; on loue sa conduite.

Le mot vanter suppose que la personne dont on parle est différente de celle à qui la parole s'adresse, ce que le mot de louer ne suppose point.

Les charlatans ne manquent jamais de se vanter; ils promettent toujours plus qu'ils ne peuvent tenir, ou se font honneur d'une estime qui ne leur a pas été accordée. Les personnes pleines d'amour-propre se donnent souvent des louanges; elles sont ordinairement très-contentes d'elles-mêmes.

Il est plus ridicule, selon mon sens, de se louer soi-même que de se van. ter: car on se vante par un grand désir d'être estimé, c'est une vanité qu'on pardonne; mais on se loue par une grande estime de soi, c'est un orgueil dont on se moque. (G.)

Vanter, c'est faire sonner haut, louer publiquement, avec bruit et éclat. Il fallut que le roi donnât une déclaration publique par laquelle il renvoyait son ministre, en vantant ses services. (VOLTAIRE.) Le petit chantre avait eu raison de ne me pas vanter sa bourse : j'y trouvai peu d'argent. (LE SAGE.)

Qu'on vante en lui la foi, l'honneur, la probité! (BOILEAU.)

Louer est plus simple: c'est dire du bien, faire l'éloge de quelqu'un. Il est opposé à blâmer. Le sénat, dont l'approbation tenait lieu de récompense, savait louer et blâmer quand il le fallait. (BOSSUET.) Je critique avec sévérité, je loue avec transport. (VOLTAIRE.) On courrait risque de décourager les enfants, si on ne les louait jamais quand ils font bien. (FÉNELon.)

Et, pour louer un roi que tout l'univers loue,

Ma langue n'attend pas que l'argent la dénoue. (BOILEAU.)

On loue les gens pour leur faire plaisir, pour leur témoigner l'estime où on les tient.

On ne peut trop louer trois sortes de personnes:

Les dieux, sa maîtresse et son roi. (La Fontaine.)
L'art de louer commença l'art de plaire. (VOLTAIRE.)

On vante pour faire valoir, et souvent en exagérant les qualités, ou en supposant un mérite qui n'existe point.

Quelquefois il vous plaint, souvent même il vous vante. (Racine.)
Je plaignis Bajazet; je lui vantai ses charmes. (IDEM.)

Les essais historiques sur Paris n'ont-ils pas été aussi beaucoup trop vantés? (LA HARPE.)

« PreviousContinue »