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mais, à un tome de M., Zola joindre les attraits d'une paire de bottes ? Cela ne serait peut-être pas inutile.

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Les animaux mendiants.

C'est au Jardin

des Plantes. Dès que le flâneur s'approche longeant les grillages, la bête s'empresse. Elle tend le mufle, agite ses babines, allonge sa lippe, pour suggérer à l'homme l'idée du morceau de pain. J'ai vu un cerf qui simulait la quête, parmi les cailloux, des croûtes qu'on oubliait de lui offrir; puis, ses bois rejetés lentement en arrière, le cou allongé, il semblait sourire, espérant être compris. J'ai même cru m'apercevoir que la biche léchait ses faons avec beaucoup d'àpropos, quand la galerie était suffisante. Elle donnait en spectacle son amour maternel, tout comme les Négresses du Champ-de-Mars. Cette biche ainsi déjà un peu façonnée à l'image de l'homme, cette bête mendiante et prostituée, n'est pas très loin de notre belle humanité; je l'appellerais tout au moins unsur-animal ».

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Octobre.

Le Délire russe. Il a dû être agréable de vivre en des temps où l'on avait le droit d'être tout bonnement français et même un peu poitevin, picard, ou provençal à cette heure il faut être franco-russe, ou être lapidé. L'aventure arrivée à M. de *** sur un bateau de plaisance, devers Caudebec, en témoigne; pour avoir négligé l'hypocrisie (cette vertu des démocraties), ce monsieur fut appréhendé par les passagers ivres de patriotisme et inséré d'abord entre les bras des gendarmes, ensuite en prison. Il avait osé dire à haute voix que la Marseillaise est peut-être inférieure en beauté à Parsifal et aux Symphonies; pour avoir exprimé cette opinion avec une franchise bénévole, et un peu hirsute, il faut le reconnaître, ce gentilhomme normand ira dans les geôles. Soyons de notre temps, que diable! comme disait Villiers, et sachons que la Marseillaise, depuis qu'elle fut écoutée debout et nu-tête par Sa Majesté est un hymne deux fois sacré : la première consécra

tion lui fut imposée il y a cent ans, environ, par la hurlante troupe de Jourdan Coupe-Tètes.

<< Charmant Tzar, tu la verras chez toi, la Révolution, stupide comme le peuple et féroce comme la bourgeoisie; tu la verras, dépassant en animalité et en rapacité sanglante tout ce qu'on t'a permis de lire dans les tomes expurgés qui firent ton éducation. Tu verras le délire russe se déchaîner lui-même, sans ta permission, et hurler, sous tes fenêtres, cette Marseillaise que tu susurres en famille, autour du samovar. Lis la « Prophétie de Cazotte » ; elle est toujours d'actualité, et si elle ne s'était déjà réalisée une fois, on la croirait écrite d'hier, au dos de ton portrait. Songe à la Sibérie et songe à Tolstoï. La Sibérie est une Bastille, un peu plus vaste, un peu plus peuplée que la benoite prison qui exaspéra, il y a un siècle, les Parisiens; c'est un exil plus sûr, une oubliette plus profonde, mais il en sort quelquefois des cris et quelquefois des hommes des cris et des hommes, cela fait une révolution en moins de temps qu'il ne faut pour organiser, à Cronstadt, la féerie de l'enthousiasme populaire. Songe à Tolstoï: on vit autour de lui dans l'attente de l'ordre de route pour les mines, mais tu ne donneras pas l'ordre qu'on attend; tu ne peux pas violer la civilisa

tion il y a des trous aux murs de ton palais, on te regarde, on sait ce que tu lis et ce que tu signes, et le nombre des convois et le nom des condamnés; tu garderas Tolstoï et tu feras semblant de l'aimer. La révolution te rongera le cœur, et tu souriras sur l'air de la Marseillaise. »

Voilà ce que les conjurés pourraient déclamer dans le prochain drame franco-russe, si la liberté du théâtre existait encore en France, mais le Vieux Russe pourrait répondre:

« République, te voilà la corde au cou et en chemise plus courte et plus humble que les pauvres Bourgeois de Calais. Dans notre union tu es la femelle. Nous t'anoblissons, selon le rit de ton ancien droit coutumier, plébéienne élevée par caprice jusqu'à notre lit: mais à condition que tu sois bien sage et que tu files la laine. Tu ne prendras pas notre Bastille; nous reconstruirons la tienne. L'ancienne n'était qu'un symbole ; la nouvelle sera visible, bâtie, non en pierres, mais en lois et en décrets. Tu te plieras à nos mœurs, ma belle, et tu reculeras ton évolution jusqu'au degré appelé obéissance. -Sinon je te rends à ton état de Servante des Nations. >>

J'ai entendu des gens comparer le temps où l'ambassade moscovite était regardée à Paris

comme une curiosité, avec le temps (c'est le nôtre), où le Tzar est vénéré comme une providence. Est-ce la France qui a diminué? Est-ce la Russie qui a grandi? La Russie a grandi, mais pour que la France manifeste une telle joie à une telle alliance, il faut vraiment que sa décadence politique soit irrécusable: si encore cela nous assurait une certaine paix, une évidente sécurité, mais qui sait si le traité ne va pas nous engager en de folles guerres, en de désastreuses expéditions? C'est la politique de l'abdication ou la politique de la revanche l'une, digne d'une femme, l'autre, digne d'un enfant.

Nous avons un maître.

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Les Armes de France. - A propos du Voyage et du protocole, on a reparlé des a reparlé des «< armes de France », c'est-à-dire du symbole figuratif par quoi on peut sur un écusson représenter l'idée de France, comme l'idée d'Angleterre est représentée par des léopards, l'idée de Suisse par une croix, l'idée de Belgique par un lion. On a essayé de plusieurs emblèmes, de je ne sais quels grotesques faisceaux de licteurs, surmon

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