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C'est un préjugé facilement reçu dans le monde, que la médecine est une science vague, stationnaire, qui depuis Hippocrate a fait peu de progrès; cependant notre siècle a vu paraître dans les sciences médicales la plus belle découverte des temps modernes, la plus utile surtout, celle de l'anesthésie.

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L'anesthésie est l'art de rendre l'homme insensible à la douleur physique peu de personnes en connaissent l'histoire. Les noms de Davy, de Morton, de Jackson, auteurs d'un si grand bienfait, sont restés presque inconnus.

L'étude que nous entreprenons ici sera d'esquisser, à grands traits, la marche de l'esprit humain pour arriver à cet admirable résultat :

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Davy, Chemical and philosophical researches, chiefly concerning nitrous oxyde or dephlogisticated nitrous air and its respirations. London, 1800, in-8°. -Jackson. Défense des droits du docteur Ch.-T. Jackson, à la découverte de l'éthérisation, par les frères Lord, conseillers.- Morton. Mémoire sur la découverte du nouvel emploi de l'éther sulfurique, suivi de pièces justificatives. Paris, 1847.- Bouisson. Traité théorique et pratique de la méthode anesthésique. Paris, 1855.— Figuier. Histoire des principales découvertes modernes. Paris, 1855.

il est toujours intéressant de suivre la vie d'une idée à travers les siècles, depuis le jour où elle n'était qu'une simple abstraction de l'esprit. une pure théorie, une âme sans corps, jusqu'à celui où elle arrive à son état parfait, au milieu de transformations bien diverses.

Et que pourrait-on imaginer de plus admirable, de plus magique? D'un côté, de pauvres malades, brisés par la douleur, anéantis par lá souffrance, qui ne peuvent espérer de prolonger leurs jours qu'au prix de souffrances plus grandes encore; il faut qu'ils soient éprouvés par le fer ou par le feu pour garder les restes d'une languissante vie. Or voici qu'une main bienfaisante fait passer dans leur haleine une douce vapeur, comme un souffle embaumé; cet élément subtil et puissant pénètre dans les profondeurs de l'être, anéantit aux sources mêmes de la vie la sensibilité, porte partout le calme, l'oubli de la douleur transforme le supplice en plaisir et la souffrance en joie.

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La pierre de memphite. — La mandragore.— Le hatschisch. - Les solanées vireuses.— Le magnétisme.

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Nil sub sole novum, rien n'est nouveau sous le soleil; quelle que soit la profondeur des découvertes modernes, une critique sévère peut en retrouver l'origine dans des temps reculés; on en suit pour ainsi dire la généalogie, jusqu'au jour où elles éclosent dans toute leur splendeur, avec toute leur utilité pratique.,›,

L'idée de calmer la douleur fut le rêve de tous les siècles, et la médecine ancienne dut s'en préoccuper pour ainsi dire au chevet du pre mier malade. i

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La nature elle-même semblait mettre sur la trace de cette découverte; l'homme est, en effet, le seul être qui ne puisse supporter qu'une certaine somme de douleur. L'animal souffre jusqu'à la fin, jusqu'à la mort; mais, pour l'homme, Dieu permet qu'arrivé à un cèrain degré de souffrance il tombe dans un anéantissement qu'on ap+ pelle défaillance, et dans lequel la sensibilité s'éteint comme dans l'anesthésie..! pino I b Ho blog

Mais, entre l'idée et l'application, quelle distance, que d'essais in fructueux, que d'efforts inutiles! Combien de vies entières devront s'user à poursuivre un projet avant de le réaliser! Plus d'une fois la science épuisée s'arrêtera, comme s'il lui fallait reprendre haleine, avant de pouvoir aller plus loin.

Il faut remonter jusqu'à Pline pour trouver les premières notions sur les différents moyens d'arrêter la douleur. Ce célèbre naturaliste nous cite dans ses écrits le grand marbre du Caire, appelé memphitis;

sa poudre, dit-il, mêlée à du vinaigre, endort tellement les parties où on l'applique, qu'on peut couper ou cautériser, sans que le malade sente le mal (obstupescit ita corpus nec sentit cruciatum) i sig on Dioscoride rappelle le même fait, et dit que cette pierre de memphis est de la grosseur d'un talent, grasse et de diverses couleurs. Mais cette pierre, sivantée, fut bientôt oubliée, et mul n'en a parlé depuis.mury-ma

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Le fait, tout merveilleux qu'il paraît, peut cependant s'expliquer scientifiquement, La science moderne a démontré, en effet, que l'acide carbonique agit localement comme anesthésique; or le marbre, formé de carbonate de chaux, se décompose sous l'influence d'un acide plus puissant, le vinaigre (acide acétique), et laisse dégager une certaine quantité d'acide carbonique, lequel, à l'état naissant, agit plus efficacement encore qu'en douches gazeuses. C'est donc à tort souvent que l'on dédaigne l'antiquité. Par les seules lumières de l'expérience directe, elle a parfois trouvé des résultats importants; et, si elle les cache sous une forme obscure, il arrive tôt ou tard'un moment où la science vient dégager l'inconnu et démontre ce que les anciens n'avaient fait qu'affirmer.

Vint ensuite le tour de la mandragore et des plantes stupéfiantes. Dioscoride et Matthiole en parlent dans les termes suivants :

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Il en est qui font cuire la racine de mandragore avec du vin, jus• qu'à réduction de 4; après avoir laissé refroidir la décoction, ils la «conservent et en administrent un verre pour faire dormir ou amortir «< une douleur véhémente, ou bien avant de cautériser ou de couper « un membré, afin d'éviter qu'on en sente la douleur. Il existe une «autre espèce de mandragore, appelée morion; on dit qu'en man<< geant un drachme de cette racine, mélangée avec des aliments ou «de toutes autre manière, l'homme perd la sensation et demeure én« dormi pendant trois ou quatre heures les médecins s'en servent «quand il s'agit de couper ou de cautériser un membre ?. » un sout op -Dodonée aftirme aussi que le vin de mandragore s'administre utilement à ceux auxquels on veut couper, scier ou brûler quelque partie du corps, afin qu'ils ne sentent pas la souffrance. So my blog Quand il s'agit d'antiquité, on ne doit point oublier la Chine! Cette nation qui nous a devancés dans l'invention de la poudre à canon, des cloches, des porcelaines, de l'imprimerie, etc., avait, dès le troisième siècle, des moyens puissants d'endormir la douleur chez les malades. Notre savant professeur de chinois, M.Stanislas Julien, a retrouvé, en

Lib. V, cap.' deviit!

Article: Mandragore:

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3 Hist, des pluntes, traduct. de Charles de l'Écluse, p. 297./

effet, un ouvrage intitulé Kou kin i tong ou Recueil de médecine ancienne et moderne.

Dans ce livre, il est question du 'célèbre médecin Moa tho : « Il « donnaît, dit-on, aux malades une préparation de chanvre (ma-yo), et « au bout de quelques instants ils devenaient aussi insensibles que s'ils « eussent été dans l'ivresse ou privés de vie; alors, suivant le cas, il pratiquait des ouvertures, 'des incisions, des amputations, et enle«vait la cause du mal. Après un certain nombre de jours, les malades plase trouvaient rétablis, sans avoir éprouvé, pendant l'opération, la plus légère douleur. »

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-olToate cette science, oubliée ou méconnue, parut renaître au moven Tage. La préparation de chanvre, usitée chez les Chinois, c'est le hatschisch de la médecine moderne, préparation toute orientale, que le Vieux de la montagne faisait prendre à ses seides pour les mettre dans un état d'exaltation d'esprit et d'insensibilité corporelle, avant de les envoyer commettre quelque crime important, d'où le nom d'assassin, hatschaschin (qui a pris le batschisch) piisat, & in 97 boog j

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Les Italiens inventèrent la fameuse aqua toffana; puis toutes les solanées vireuses, toutes les plantes stupéfiantes, fureut tour à tour distillées pour en recueillir de subtils poisons ou des filtres qui rendissent insensibles au mal. L'opium, la morelle, la mandragore, la ciguë. ⚫la laitue (si préconisée de nos jours sous le nom de thridace et de lactucariam), tout fut employé tour à tour. Les chirurgiens y cherchaient l'art de calmer et d'endormir feurs malades, les prisonniers, un moyen d'échapper aux souffrances de la torture, et plus d'une fois le bourreau se plaignit que, 'malgré ses efforts, le patient'avait paru impassible, par suite de l'effet de quelque filtre magique. qui

Enfin, le crime s'empara aussi de cette arme facile et qui frappe dans l'ombre; on vit paraître alors toute la série des empoisonnements célèbres, l'odoration des fleurs sommifères, les lettres empoisonnées. C'est ainsi que le pape Clément VII, au dire de Zacchias, aurait été empoisonné par l'exhalation d'un flambeau, dont la mèche était imprégnée de poison.pdf

-La marquise de Brinvilliers se rendit célébre dans cet art; elle en tenait les secrets d'un Italien nommé Exili, et de Gaudin de SainteCroix. Ce dernier, dit-on, mourut en préparant un poison subtil; le masque de verre dont il se servait pour se garantir vint à tomber et il · mourut sur-le-champ. ⠀⠀

Mesmer et le magnétisme animal, en 1776, firent revivre l'espérance de vaincre la douleur; mais tous leurs essais furent tellement

* Qua est pred leg., p. 60.

entourés de mystère et de jongleries, que les esprits sérieux renoncèrent à démêler ce qu'il pouvait y avoir de vrai. smubom 19.99)

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La question en était restée était restée à ce point lorsque, en 1829, M. le docteur Chapelain, qui soit beaucoup de magnétisme, eut à traiter une dame atteinte de cancer au sein ayant obtenu, sous l'influence, du magnétisme, le sommeil et l'insensibilité, il proposa à M. J. Cloquet, professeur à l'Ecole de médecine, aujourd decine, aujourd'hui membre de l'Institut, de l'opérer pendant ce sommeilig zorgk lom ob seges el lisy » L'opération était indispensable, on la fixa au 12 avril. La malade fut magnétisée, elle se déshabilla elle-même, s'assit sur le fauteuil, et soutint l'opération, qui dura douze minutes, sans donner signe de douleur, sans que le pouls füt module; ♫ fût modifié; réveillée plus tard, elle ne șe sou

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vint de rien. For 51 up 9lpunnijo sluot goijenegang „sursbom samabom så or Depuis lors, M. Topham, à Londres, M. Laysel, à Cherbourg, M. Kuhnholts, de Montpellier, ont publié des faits semblables; mais nulle part ce moyen n'a été poussé plus loin qu'à Calcutta, où le docteur Esdaile est parvenu à pratiquer les opérations les plus difficiles, leur Estate les plus graves, sur des sujets endormis par le magnétisme, et ces exeriences, faites à Calcutta, sous les yeux d'une commission nommée par le gouvernement des Indes, offrent trop le caractère de la vérité scientifique pour pouvoir être révoquées en doutes oldment te92 e Si le magnétisme animal était une science régulière, accessible à tout le monde, nul doute qu'il ne fournit à notre art la réalisation la plus complète de l'anesthésie opératoire. En effet, on peut, endormir un sujet et le laisser dans cet état plusieurs heures, plusieurs jours même sans qu'il en souffre, sans qu'il y ait aucun danger pour lui; toutes les fonctions importantes de la vie s'exécutent à l'état normal, il n'y a de a de déplacée que la sensibilité, il n'y a de modifié que le rapport de l'âme avec le corps Logotropieseq tiz no ; ondmo'l zucb Mais il n'en est point ainsi le magnétisme n'est point une science, il n'a pas d'axiomes, il n'a pas de lois et de corollaires qui permettent d'agir avec régularité; c'est, au contraire, un état en dehors des lois de la nature, un état extra-naturel et non point naturel, encore moins un état surnaturel, comme le croient certaines personnes. Si le magnélisme existe, c'est comme manifestation irrégulière de la vie; aussi les résultats sont-ils contingents et variables comme les individus.

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Peu de sujets peuvent être magnétisés au point de perdre la sensibilité, et jusqu'à présent tous ces essais n'ont pu constituer une science véritable. yg um 8771 ms leming smzilbagent si da romanit Il fallait donc chercher encore.it gusluob el grɔ-bar ab 99nes

Larrey. Rapport à la Société de chirurgie sur l'éléphantiasis, 1846. In-4°.

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