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chera ses connaissances étendues, quand il aura plus complétement dégagé les parties vives de son style, il prendra, j'en suis sûr, une bonne place dans ce que j'appellerai hardiment l'aristocratie de l'érudition, c'est-à-dire parmi les savants qui ont du style et des idées. Je reconnais, du reste, que l'érudition se ressent des malheurs du temps; l'aristocratie n'y est pas nombreuse, les idées n'y sont pas en honneur et le style y est fort mal mené. Cependant cette érudition est un des côtés importants de l'activité intellectuelle de ce moment-ci, et je suis heureux de le dire à propos de M. Livet, espérons trouver en elle un aide à la vérité, de curieux matériaux pour l'histoire, et peut-être une inspiration féconde pour la littérature qui va venir. C. D. D'HÉRICAULT.

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CAUSERIES DU SAMEDI, par M. A. DE PONTMARTIN. Michel Lévy, 1857, 1 vol.

Sous le titre de Causeries du samedi, M. de Pontmartin vient de réunir les articles qu'il a publiés l'années passée dans l'Assemblée nationale à quelques-unes des études que le Correspondant a été heureux d'offrir à ses lecteurs. Ce nouveau volume a donc pour nous un charme tout particulier, celui du souvenir, et nous impose en même temps une certaine réserve, modestie bien voisine de l'amour-propre.

Depuis cinq ans M. de Pontmartin a conquis dans les colonnes de l'Assemblee nationale l'une des premières places parmi les critiques modernes. Ce qui nous plaît surtout en lui, ce n'est pas l'élégance de son style, la finesse de son esprit, la pureté de son goût bien d'autres comme lui seraient, à ce titre, en droit de prétendre à nos suffrages; mais ce qui le distingue entre tous, ce sont deux qualités, trop rares aujourd'hui, et qu'il possède à un éminent degré la conviction et l'indépendance. Oui, personne plus que lui ne porte aux lettres un amour sincère et respectueux; il les aime parce qu'il les croit capables d'inspirer toutes les grandes choses et de consoler toutes les souffrances. Il sait que les hommes illustres, dont jadis il saluait les triomphes, dont aujourd'hui comme nous il honore la défaite, leur doivent les applaudissements qui les ont accueillis et les hommages qui les entourent encore. Il sait que de toutes les gloires, de toutes les ambitions, de toutes les chimères peut-être d'un temps qui n'est plus et qui fut celui de sa jeunesse, elles seules demeurent pour lui rappeler ce qu'il a cru, ce qu'il a aimé, ce qu'il a admiré, ce qu'il a perdu. Prêtre d'une religion qui fait sa force et sa joie, il reste debout, il demeure, il persiste alors même qu'il se croit abandonné dans un temple désert. Mais pourquoi cette pensée? Qui lui dit qu'il est seul en ce temple et qu'une foule attentive et recueillie n'entoure plus comme autrefois l'autel, comme autrefois ne vient plus pour écouter la parole des sages et pour entendre les chants des poëtes? Si les poëtes ne chantent plus et si les sages se taisent, ce n'est pas la faute de cette foule; elle ne demande pas mieux que d'applaudir et de se passionner encore; mais où sont les auteurs qui lui demandent des couronnes? Ceux qu'elle aimait autrefois ne lui donnent plus que des œuvres imparfaites ou des œuvres vieil

lies. C'est par respect alors qu'elle se tait et non par indifférence. Mais qu'un historien lui présente un volume de la Révolution d'Angleterre; un philosophe, le portrait charmant des femmes d'autrefois; un publiciste, un livre achevé sur l'avenir de la constitution britannique; que l'Académie lui ouvre ses portes et la convie a quelqu'une de ces nobles fêtes de l'intelligence, et la voilà qui se réveille, s'émeut, se presse, ardente à dévorer ces lignes qu'elle admire, ardente à recueillir ces paroles qui réchauffent en elle le sentiment du beau, le désir du bien, l'amour de la liberté. Nous avons eu l'indifférence en matière religieuse; nous sommes bien obligés d'avoir l'indifférence en matière politique; mais, Dieu merci! nous n'avons pas encore l'indifférence en matière littéraire, et nous savons comprendre, encourager et remercier ceux qui comme M. de Pontmartin aiment les lettres et nous les font aimer. La tristesse de cet aimable critique n'abat pas son courage; et c'est en quoi nous devons le louer principalement. Il ne subit aucune influence et n'appartient à aucune coterie, comme tant d'autres le font par calcul ou par entraînement. Car de nos jours la camaraderie a remplacé l'école; on ne veut plus entendre les leçons des maîtres, et dans la république des lettres on prend pour symbole le triangle égalitaire; mais on se groupe entre amis, on se resserre, on se soutient et l'on pense rencontrer dans cette affiliation la force que l'on ne trouve plus en soi-même, et de cet assemblage de médiocrités faire sortir une sorte de génie collectif. De là ces engouements inconcevables qui naissent et qui meurent du jour au lendemain, se détruisent, se remplacent et ne se comprennent pas: hier pour un peintre qui faisait des chevaux roses, des lions épileptiques, des hommes boiteux, bossus, difformes, grimaçants, hideux; aujourd'hui pour un romancier, dont la plume chargée de boue, salit tout ce qu'elle touche, afflige les gens de bien, encourage les méchants, entraîne les faibles et corrompt les forts; demain pour un chansonnier hors ligne, qui ne mérite pas cependant d'être proclamé l'honneur de la France et de faire les délices des jeunes personnes. Or M. de Pontmartin n'a jamais consenti à s'enrôler dans aucune de ces petites armées qui font et qui défont au gré de leur intérêt ces éphémères réputations. Comme ces preux d'autrefois dont Cervantes, en dépit de son génie railleur et satirique, n'a pu rabaisser le noble caractère, il s'en va tout seul, sur les grandes routes de la littérature, redressant les torts, réparant les injustices, châtiant les voleurs de renommée, protégeant les faibles et vengeant les vaincus, sans s'inquiéter du nombre de ses adversaires et de leurs perfidies.

Mais quelle n'est pas sa douleur, quand, au lieu de ces fétiches littéraires qu'il n'hésite pas à renverser, il se trouve en face de quelque grand nom, jadis acclamé, aujourd'hui presque oublié; quand il voit l'auteur de la Mare au Diable et des Frères mosaïstes écrire Evenor et Leucippe; le poëte des Feuilles d'automne descendre à la Bouche d'ombre; ou bien le chantre d'Elvire compromettre son caractère et son talent dans une spéculation et, comme on l'a dit, faire concurrence aux inondés de la Loire? Ah! sans doute un tel spectacle est un enseignement terrible par où Dieu nous fait voir ce néant de l'orgueil humain! Les plus rares génies, par trop de confiance en eux-mêmes, peuvent donc perdre leur force, leur éclat, leur beauté, et s'éteindre ainsi misérablement ternis et oubliés!

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M. de Pontmartin n'hésite pas à nous faire comprendre cette grande leçon én ne ménageant à ceux qui la subissent ni le blâme ni la raillerie. Il les poursuit sans pitié, leur faisant un crime d'une gloire qu'il n'ont pas su conserver pure, et demandant pour eux toutes les sévérités de l'opinion publique. Quant à nous, en présence de ces chutes, nous ne saurions nous défendre d'un sentiment de regret et de tristesse, et brûler, sans leur accorder quelques larmes, les idoles que nous avons adorées; leur gloire d'autrefois sollicite notre pardon, et nous voulons oublier ce qu'ils sont pour nous mieux rappeler ce qu'ils ont été. Dans les procès qu'il évoque. M. de Pontmartin joue moins le rôle du juge que celui du ministère public. Il a toute l'ardeur d'une conviction profonde, et, devant la faute, il ne songe qu'au châtiment; il le requiert sans émotion, sans hésitation, sans songer aux faiblesses du cœur humain, aux éblouissements du génie, aux services rendus, à la renommée justement conquise; pour l'obtenir il insiste, il presse, il implore; et, s'il ne l'obtient pas, il pense qu'il a perdu son procès. Juge, au contraire, il aurait peut-être plus de modération et de mansuétude; il ne confondrait pas les coquins vulgaires avec les grands coupables qui ne méritent pas d'autre châtiment que le spectacle de leur faute; il ferait enfin une plus large part aux circonstances atténuantes.

Cette ardeur pleine de courage, toujours honorable, toujours utile alors même qu'elle dépasse le but, cette conviction sincère, qui assure à ses jugements l'autorité qu'ils comportent, lui ont valu l'honneur d'avoir pour ennemis tous ceux qui ont subi les coups de sa férule ou qui doivent les redouter. Ceux-là, par rancune ou par crainte, commencent à vouloir renverser son tribunal; les uns, plus grossiers, ne lui ménagent pas les injures, sans songer que, s'adressant à un homme comme lui, les injures ne flétrissent que les insulteurs; les autres, beaucoup plus adroits, lui contestent le droit de cité dans la république des lettres, et, ne voulant pas comparaître devant lui, le déclarent incompétent. Ils le représentent comme un grand seigneur, s'amusant par passe-temps à noircir du papier sans noircir ses manchettes, et trouvant, dans l'élégance aristocratique de son style, un merveilleux argument pour établir leur opinion. Ils le rangent, en un mot, dans la classe des amateurs, capables, sans doute, de fonder des prix pour les gens de lettres, mais assurément fort incapables de les mériter pour euxmêmes. Que M. de Pontmartin se console de ces mécomptes, et par les encouragements que lui adressent les maîtres de la littérature et aussi par les hommages de ceux qui, n'ayant pas le droit de lui décerner des éloges, comprennent du moins la sincérité de son zèle et se réjouissent du succès de ses efforts.

FERNAND DESPORTES.

Plusieurs de nos amis se sont affligés de la sévérité de notre critique à l'égard de M. Hippolyte Violeau, et nous signalent les éloges qu'ont reçus, même dans la presse la moins chrétienne, les Paraboles et Légendes, dont nous avons rendu compte dans notre dernier numéro. Nous ne répéterons

pas à cette occasion ce que nous avons dit plusieurs fois déjà, qu'en maintenant l'unité de croyances et de doctrines, le Correspondant laisse à ses rédacteurs la liberté de leurs opinions particulières. Il ne se peut donc agir ici pour nous de réformer l'opinion de M. F. Desportes sur le livre de M. H. Violean; seulement, puisque l'occasion s'en offre, nous nous faisons un plaisir de constater l'accueil sympathique qui a été fait, dans la presse et ailleurs, au dernier ouvrage de notre ancien collaborateur. Parmi les témoignages qui lui ont été prodigués, il en est un, d'un caractère tout privé, et par là d'autant plus précieux, qu'on lira avec intérêt, c'est celui de Béranger. Nous l'extrayons d'une lettre que le célèbre chansonnier écrivait M. H. Violeau, qui lui avait envoyé ses Paraboles et Légendes.

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P. DOUHAIRE.

« J'ai un moment pour vous remercier de tout le plaisir que m'a fait ce « recueil, lu avec une très-grande attention. Malgré les préoccupations qui <«< sont venues accabler votre cœur, vous n'avez rien perdu de votre talent ; « je pense même qu'il s'est perfectionné. Un point de vue plus net, mieux « déterminé, a pu contribuer à cela. L'évêque de Quimper y a peut-être con« tribué aussi plus qu'il ne pense. Et je l'en félicite ainsi que vous, ce dont « Monseigneur ne se doutera pas. Il y a dans ce nouveau volume des « narrations parfaitement faites, presque toujours fort claires, en vers simples, d'une poésie facile et naturelle qui vaut mieux que l'enflure de beaucoup d'œuvres trop vantées. Je vous félicite donc de tout mon cœur de cette nouvelle publication : le temps n'est guère à la poésie à Paris; s'il en est autrement en Bretagne, votre volume fera un chemin brillant. » BÉRANGER.

On nous annonce la mise en vente des conférences prêchées à Saint-Sernin, de Toulouse, par le R. P. Lacordaire. Ce volume, comme tout ce qui sort de la plume de l'illustre Dominicain, n'a point besoin d'être recommandé; aussi nous dirons seulement que ces conférences font suite à l'enseignement catholique qui pendant dix-sept ans a captivé l'auditoire de Notre-Dame, et qu'elles en forment la seconde partie.

Quelques opuscules qui n'avaient pas encore été livrés au public complètent ce volume et les œuvres du grand orateur.

L'un des gérants, CHARLES DOUNIOL.

DU TOME CINQUIÈME DE LA NOUVELLE SÉRIE

(QUARANTE ET UNIÈME DE LA COLLECTION)

Avertissement du ministre de l'intérieur.

Conférences de Toulouse (sixième et dernière conférence), par le P. LACOR-

DAIRE.

De l'agriculture en France (première partie), par M. RAUDOT, ancien repré-

sentant.

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MÉLANGES. La Kabylie et les Kabyles, par M. le baron Aucapitaine.
Le budget de 1858, par M. F. de Bourgoing.
Le catholicisme en Prusse. M. Reichensperger.

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