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le culte et la vie de l'Église. Et ici encore, la lumière qui attire les âmes fidèles est justement celle qui irrite les autres. Nous avons traité ce grand sujet comme le premier, et en suivant la même méthode, c'est-à-dire en constatant les faits et en montrant qu'il est en nous tous quelque chose qui cherche la sainteté ou qui y résiste, mais qui la discerne sans effort et dans la doctrine et dans les œuvres, dès qu'elle parle et qu'elle se montre. C'est ce qui nous a fait dire: « Ici se vérifie de nou<< veau le mot qui résume tout ce que nous développons: « Ecoute et « regarde. » Il suffit à la bonne foi d'entendre les doctrines qui parlent au nom de Dieu, pour discerner aussitôt où parle le Dieu de sainteté, et il suffit d'ouvrir les yeux sur les sociétés qui se prétendent animées de son esprit pour voir aussitôt où se manifeste sa présence. Nous croyons cette démonstration non moins décisive que la première, et nous pensons qu'on a trop négligé jusqu'ici de faire ressortir tout ce que les faits vivants et actuels qui sont à la base contiennent de lumière et de divine chaleur pour faire reconnaître directement Dieu dans son œuvre.

Enfin, nous avons repris une troisième fois la même démonstration par les faits, en constatant dans le sixième entretien, que le grand fait de l'Eglise en contient une foule d'autres dont le caractère surnaturel prouve directement aussi, sans exégèse et sans critique historique, le principe divin d'où ils émanent. « Ce n'est pas, en effet, l'ensemble << seul de ce grand ouvrage, mais chacun de ses détails qui révèle clai<«<rement son auteur; ce n'est pas seulement le caractère général de « l'édifice, mais chacune de ses pierres qui porte l'empreinte de la << main de Dieu. >>

C'est ainsi que la démonstration catholique de la révélation chrétienne a été donnée trois fois dans les entretiens, et chaque fois par des faits actuels et tout vivants. Nous avons été, nous le savons, bien au dessous de notre tâche; mais le sujet était si grand, si simple, si plein de lumière, qu'il n'a pu manquer d'en répandre un peu sur notre travail. Aussi avons-nous été heureux de voir que des publicistes appartenant à des écoles de philosophie et de théologie divisées sur d'autres questions librement discutées entre catholiques se sont accordés pour trouver notre démonstration irréfutable. C'est ainsi que l'ont jugée la Revue catholique de l'Université de Louvain, les Précis historiques des pères jésuites de Bruxelles, le Journal historique et littéraire de Liége, l'Univers et la Bibliographie catholique de Paris.

Nous ne le dissimulerons pas, cette unanimité de sentiments chez des écrivains d'opinions différentes d'ailleurs nous a vivement réjoui. Lorsque nous donnions nous-même un cours de théologie, en 1857, dans la solitude d'une maison d'études ecclésiastiques, l'enseignement et la réflexion nous avaient suggéré combien il était im

portant de ne pas négliger la méthode de démonstration que nous trouvions çà et là indiquée ou supposée, mais nulle part formulée, quoique ses bases fussent incontestables aux yeux de la raison et de la foi. Nous sommes donc heureux, après l'avoir écrite, de rencontrer tant d'échos qui nous la renvoient. Vous-même, monsieur, vous n'avez voulu opposer que des restrictions et des doutes à une conception où vous trouvez de la grandeur et une vérité touchante. J'incline à penser qu'en confondant la démonstration de la vérité avec une des manières de la défendre, vous avez soulevé une difficulté qui n'est qu'un malentendu. J'espère que les explications que je viens de vous soumettre serviront à détruire l'objection à laquelle donnait tant de poids l'autorité de votre talent et de votre nom. Il ne me reste plus, prince, qu'à vous remercier de nouveau d'avoir bien voulu, d'une manière trop flatteuse assurément, devenir le patron de mes entretiens auprès des lecteurs du Correspondant, et d'avoir accordé à mes modestes efforts un encouragement dont j'apprécie tout le prix.

V. DECHAMPS,

De la Congrégation du Saint-Rédempteur.

LA CONQUÊTE DE L'ALGÉRIE “

Histoire de la conquête d'Alger, écrite sur des documents inédits et authentiques, suivie du Tableau de la conquête de l'Algérie, par M. ALFRED NETTEMENT.

L'étude du livre de M. Nettement nous a conduit, dans un précédent article, à l'époque du second commandement que le maréchal Glausel exerça en Afrique. Les succès militaires remportés sur Abd-elKader et ses partisans dans la brillante campagne qui avait réparé l'échec de la Macta ne contentaient pas l'habile gouverneur. Résolu à pacifier l'Algérie, afin de l'ouvrir à la colonisation, il avait reconnu dès le premier jour, que l'organisation du gouvernement des indi gènes était la base de l'ordre nouveau qu'il voulait établir. Le maréchal Clausel persistait à croire en 1835 comme en 1850 que les Français n'avaient pas encore acquis l'aptitude de régir directement les Arabes. Après le désaveu que son traité avec le dey de Tunis avait eucouru, il ne pouvait plus songer de nouveau à déléguer provisoirement le pouvoir de la France à un souverain musulman. Il imagina donc de chercher en Algérie même, dans les débris de la race que nous avions renversée, parmi les Turcs et les Koulouglis, certains personnages plus ou moins dignes de recommandation pour leur conférer la dignité de bey et la mission d'administrer au nom de la France la population indigène.

Ce second système avait moins de chance de succès que le premier. La restauration des Turcs par les Français leurs vainqueurs, toute subordonnée qu'elle était à notre suzeraineté, contrariait la logique fataliste des Arabes. Les Turcs n'avaient jamais prétendu à l'estime des indigènes. Il leur suffisait d'être redoutés; ils ne l'étaient plus depuis que nous les avions chassés d'Alger. Les Arabes avaient reconnu ledoigt de Dieu dans ce châtiment mérité. Le dey de Tunis gouvernant l'Algérie au nom de la France, selon le premier projet du maréchal Clausel, aurait pu compenser par le prestige intact de sa souveraineté

Voir le Correspondant du 25 mars 1857.

personnelle l'humiliation que l'avénement des chrétiens en Afrique avait infligée à sa race; mais, en relevant nous-mêmes les ruines de la domination que nous avions abattue, nous avions l'air de douter de notre droit et de notre force. Le maréchal Clausel installa ses beys turcs à Mostaganem, à Tlemcen, à Médéa. Mais ces essais d'investiture avortèrent bientôt. « Les beys turcs ne nous apportaient que leur faiblesse 1. >>

Les succès militaires du maréchal Clausel avaient ébranlé la puissance d'Abd-el-Kader. Plusieurs tribus de la vallée du Chélif vinrent offrir leur soumission au général Perregaux, qui avait acquis de l'autorité parmi les indigènes par son esprit de justice et son intelligence précoce des aflaires arabes. Mais une partie des troupes de la division d'Oran fut malencontreusement rappelée en France. Les tribus qui avaient penché vers nous restèrent en proie aux vengeances de l'émir. Il imposa aux Medjehers une contribution de trois cents chevaux équipés et armés, ayant chacun un fusil pendu à l'arçon de la selle, et publia partout que les Français ne savaient pas protéger leurs alliés, mais que lui il aurait toujours le bras assez long pour punir les traîtres. Le fâcheux souvenir des avanies essuyées par les indigènes qui nous avaient témoigné quelque bon vouloir ne s'effaça pas de sitôt. Loin d'être en état de porter secours à autrui, les troupes de la division d'Oran n'avaient pas même la liberté de leurs propres mouvements. Le général d'Arlanges, s'étant mis en tête d'achever l'occupation de l'île de Rachgoun, fut battu par les Kabyles et bloqué dans ses retranchements à l'embouchure de la Tafna Pendant plusieurs jours les soldats eurent pour toute nourriture quelques poignées de riz et la chair des chevaux tués par les balles de l'ennemi. Le général Bugeaud accourut de France avec des renforts et des vivres. Il reprit l'offensive, ravitailla la citadelle de Tlemeen et gagna sur Abd-el Kader le brillant combat de la Sikak (6 juillet 1836). L'art militaire vante les combinaisons stratégiques du général. L'humanité le remercie des efforts qu'il fit, dès ses premiers pas en Afrique, pour civiliser la guerre et dégoûter nos auxiliaires arabes de leurs coutumes cruelles.

«Les ennemis sont cernés de toute part, raconte le général dans le bulletin de la bataille, et les Douairs peuvent assouvir leur horrible passion de couper les têtes. Cependant à force de cris et de coups de plat de sabre, je parvins à sauver cent cinquante hommes de l'infanterie régulière. Je vais les envoyer en France. Je crois que c'est entrer dans une bonne voie. L'humanité et la politique en seront également satisfaites; ces Arabes prendront en France des mœurs et des idées qui pourront fructifier en Afrique. »

1 De la Régence d'Alger, par le chef de bataillon Eugène Cavaignac.

La domination algérienne se survivait à elle-même en la personne de l'un de ses représentants, le Turc Achmet, bey de Constantine. Non-seulement il avait refusé de se soumettre à la France, mais il nous avait assailli à plusieurs reprises dans les murs de Bone. Le maréchal Clausel le déclara déchu de son pouvoir, et se mit en campagne avec sept mille hommes pour aller installer le successeur qu'il lui avait désigné. Cette expédition, mal informée, entreprise dans une saison trop avancée avec un matériel insuffisant, contrariée par le temps, combattue par les indigènes dont on nous avait promis la neutralité et même le concours, faillit avoir l'issue la plus funeste.

L'armée, partie de Bone le 10 novembre 1836, « souffrit dans une marche de onze jours, ainsi que le rapporte M. Nettement, tout ce qu'il est possible de souffrir de l'absence de routes, de la pluie qui ne cessa de tomber, des torrents débordés, des cours d'eau qu'il fallut traverser à gué; puis, après avoir franchi la Seybouse et dépassé les ruines romaines d'Assouna, d'un froid glacial qui augmenta à mesure qu'elle gravissait ces plateaux élevés où elle ne trouva aucun moyen de faire cuire ses aliments, à cause du manque absolu de bois. Les cadavres de nos soldats morts de froid pendant la nuit marquèrent la place de nos derniers bivacs. >>

Constantine apparut enfin à l'armée harassée, et le maréchal Clausel se crut au terme de ses épreuves et de ses mécomptes. Il s'était flatté d'avoir parmi les habitants un parti prêt à se soulever en sa faveur dès qu'il aurait fait flotter son drapeau sous leurs yeux. Grande fut sa surprise de recevoir, au lieu des clefs de la ville et des hommages qu'on lui avait fait espérer, des salves de boulets et de mitraille. Il était venu pour prendre possession d'une place qu'il croyait à demi gagnée; l'hypothèse d'un siège à faire n'était pas entrée dans ses prévisions. Tout lui manquait de ce qu'il faut pour renverser des murailles quelque peu fortifiées. Déjà des soldats, cherchant à tromper la faim par l'ivresse, avaient défoncé et pillé les tonneaux d'eau-de-vie. Une surprise tentée pendant la nuit contre les deux portes de la ville par le colonel Duvivier et le colonel Lemercier fut trahie par un clair de lune qui, dissipant tout à coup les nuages, livra aux boulets ennemis nos colonnes profondes. Le général Trezel fut grièvement blessé, plusieurs officiers de grande espérance périrent dans cet effort dont ils avaient compris l'importance suprême pour le salut de l'armée. Leur courage fut inutile. A quatre heures du matin le maréchal Clausel se vit forcé de donner l'ordre de la retraite.

Les Arabes, les Kabyles et les Koulouglis, qui avaient défendu Coustantine, ivres de leurs succès et poussant des cris affreux, se lancèrent à la poursuite de l'armée en désordre et assaillie sur les flancs par cavalerie aux ordres d'Achmet-Bey. Des caissons d'artillerie, le maté

la

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