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CONSEILLER, ÈRE, s.

Afin de le guérir, le sort officieux

Présentoit toujours à ses yeux

Les conseillers muets dont se servent nos dames :
Miroirs dans les logis, miroirs chez les marchands,

Liv. I, fable 11.

Molière a jeté un ridicule ineffaçable sur l'épithète de conseiller des grâces donnée au miroir. Voy. Précieuses ridicules, sc. 7. Il n'en aurait certainement pas eu l'idée, si l'expression qu'il fronde, avec justice, avait toujours été présentée comme le fait ici La Fontaine. On retrouve des traces de cette métaphore dans plusieurs écrivains antérieurs à notre inimitable fabuliste.

Au crystal d'un miroir, conseiller de leurs grâces.

AMAD. JAMYN. Euv., p. 224, verso.

Parfois, en se mirant au transparant Surjon,

Se conseilloit que c'est qui lui sied bien ou non.

J.-A. BAÏF. Euv., fol. 113, recto.

Amarille, en se regardant

Pour se conseiller de sa grâce,

Met aujourd'hui des feux dans cette glace,
Et d'un cristal commun fait un miroir ardent.

TRISTAN. Amours, p. 81.

Le P. Ménétrier dit en parlant des miroirs : « Ces amis « fidèles, à qui les dames se conseillent tous les jours. » Art des emblèmes, p. 2. Il faut convenir que ces divers passages, surtout le froid jeu de mots de Tristan, n'étaient point de nature à désarmer la satirique gaieté de Molière.

CONTEMNER, v. a. Mépriser.

Se contemner est donc folie.

Stanc. en vieux lang. Euv. div., t. I, p. 14.

La Fontaine, comme il le dit lui-même, a cherché à rajeunir et à imiter, dans ces stances, le style de nos vieux

écrivains. Quoi qu'il en soit, le vieux verbe contemner, dont nous avons conservé le substantif contempteur, malgré l'opposition de Vaugelas, de Th. Corneille, et de plusieurs autres grammairiens, ne devait peut-être pas être banni de notre langue. Il offre une nuance marquée avec le mot mépriser, et présente, du moins à ce qu'il me semble, une idée un peu plus prononcée de mépris et de dédain. J'ajouterai qu'il n'est pas sans harmonie. Consultez, sur les mots contemner, contempteur, contemptible, VAUGELAS, Rem. sur la lang. franç., t. II, p. 834, 835.-MÉNAGE, Observ. sur Malherbe, liv. V, p. 301. BARBAZAN, Gloss. franç., manuscrit. — L'abbé FÉRAUD, Dict. crit. de la lang. franç. - CH. POUGENS, Archéol. franç., append., t. I, p. 109, etc.

CONTEMPLATIF, IVE, adj. et s. Qui contemple.

Annette la contemplative

Regarde de son mieux.

CONTES. Le Cas de conscience.

Contemplatif ne se dit plus maintenant que de celui ou de celle qui contemple de la pensée. Il est employé ici dans le sens propre, et, si j'ose m'exprimer ainsi, dans le sens matériel, pour dire qui contemple des yeux du corps.

CONVENANT, s. m. Convention, pacte.

Caliste eut liberté, selon le convenant;

CONTES. Coupe enchantée.

Ce mot, qui se trouve dans le Dictionnaire de J. Nicot sous l'acception de pacte, n'est plus employé que dans les ouvrages historiques, pour désigner la ligue ou convention que les Écossais firent en 1638, et qui fut signée, en 1643, par le parlement d'Angleterre.

CONVOYER, v. a. Accompagner, escorter.

Jusqu'au logis ainsi le convoya.

CONTES. Le Cocu battu et content.

Ce mot, employé fréquemment par nos anciens écrivains dans ce sens général, n'est plus en usage que comme terme de marine. Voy. Dict. de l'Acad. Dict. de Trévoux. L'abbé FÉRAUD, Dict. crit. de la lang. franç., etc.

CÔTÉ, s. m.

Il se jette à côté, se met sur le propos

De Castor et Pollux;

Liv. I, fab. 14.

On dirait maintenant il se jette de côté.

:

A côté est plus ordinairement suivi de la préposition de, et d'un nom ou d'un pronom. Toutefois l'abbé Féraud le tolère sans régime. Les auteurs du Dictionnaire de Trévoux semblent également l'approuver. « Donner à côté, disent-ils, « au propre et au figuré, c'est s'éloigner du but. »

COUP, s. m. Tenir coup, faire face, se mettre en posture de résister, de soutenir un choc.

Prêtes chacune à tenir coup aux gens.

CONTES. Mazet de Lamporechio.

Locution empruntée des anciens chevaliers qui se mettaient en posture de riposter aux coups de leurs adversaires.

COURAGE, s. m.

! Au moins, que les travaux, Les dangers, les soins du voyage, Changent un peu votre courage.

Liv. IX, fab. 2

Si le long de vos bords Louis porte ses pa,

Tâchez de l'adoucir, fléchissez son courage:

Élégie sur la disgrace de Fouquet. Œuv. div., t. I, p. 49.

Si le repentir de l'offense

Sert au coupable de défense

Près d'un courage généreux,

Ode au Roi. Ibid.

Courage est pris ici dans le sens de cœur, inclination, volonté. Le mot courage se rencontre souvent sous cette acception dans nos anciens écrivains français. Elle n'était pas encore entièrement tombée en désuétude au siècle de Louis XIV on en trouve de fréquents exemples dans P. Corneille.

Que tu pénètres mal le fond de mon courage!

Rodogune. Act. IV, sc. 5.

Ne pourra-t-il jamais gagner votre courage?

Don Sanche. Act. V, sc. 2.

Il m'en fait chaque jour sans changer mon courage;

Cinna. Act. I, sc. 2, etc., etc.

Boileau a dit aussi :

« Une lâche tiédeur s'empara des courages;

Lutrin. Ch. vi.

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Dict. de

Consultez VOLTAIRE, Comm. sur Corneille. Trévoux.-L'abbé FÉRAUD, Dict. crit. de la lang. franç., etc.

COURS, s. m. Course, marche.

Aux monts Idaliens elle adresse son cours.

Adonis. Poëme.

Il paraît que nos anciens poëtes, jusques et y compris Malherbe, employaient indifféremment les mots course et cours. Ils disaient, par exemple, la course d'une rivière pour le cours d'une rivière, etc. Voy. MÉNAGE, Observ. sur Malherbe, liv. V, p. 308.- L'abbé FÉRAUD, Dict. crit. de la lang. franç., etc.

COURT, E, adj. Faire court, abréger, dire une chose en peu de mots.

On lui dit, pour faire court,
Qu'il mette ordre à ses affaires.

CONTES. Le Glouton.

Pour faire court, elle l'obtient.

Liv. II, fab. 7.

Cette locution est encore employée, quelquefois, dans le style familier. Elle me paraît ici très-bien placée.

CRÉANCIER, ÈRE, s. ƒ.

Sans compter l'hydre créancière

Lett. au duc de Vendôme. Cuv. div., t. II, p. 154.

L'hydre créancière, pour dire les créanciers qui se succèdent continuellement pour harceler le débiteur, et renaissent, pour ainsi dire, comme les têtes de l'hydre, est une expression plaisante, et, selon moi, très-heureuse.

CRIER, v. a. Gronder, réprimander en élevant la voix.

Petite fille, reprit sa sœur, si l'on vous entend, vous serez criée.
Psyché. Liv. II.

Sous cette acception, crier s'emploie ordinairement à la forme neutre crier après quelqu'un. J'ai néanmoins entendu dire dans le peuple : « Cette femme crie continuellement son « mari, ses enfants, etc. » Molière l'a employé sous la même forme.

Pourquoi me criez-vous?

École des Femmes. Act. V, sc. 4.

CRITIQUEUR, s. m.

Les critiqueurs sont un peuple sévère :

CONTES. Le Remède.

L'abbé Féraud traite de barbarisme le mot critiqueur, qui, dit-il, ne se trouve que dans Richelet. Les auteurs du Dict. de Trévoux mettent le mot critiqueur sans aucune observation. Ne pourrait-on pas établir une légère distinction entre ce mot et le mot critique, s. m., qui l'a remplacé? Critique ne se dirait que des écrits: critiqueur, qui, au demeurant, ne peut jamais appartenir qu'au style familier, s'étendrait aux opinions, aux mœurs, à la conduite. J'avoue, au reste, que cette distinction me paraît, à moi-même, un peu subtile. Si

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