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80 J'efpérois adoucir la force du poison.

Mais qui l'auroit pensé? pour comble de disgrace, Par le chaud qu'il faifoit nous n'avions point de glace. Point de glace, bon Dieu! dans le fort de l'Été ! Au mois de Juin! Pour moi, j'étois fi tranfporté, 85 Que donnant de fureur tout le feftin au Diable, Je me fuis vu vingt fois prêt à quitter la table; Et dût-on m'appeller & fantafque & bouru, J'allois fortir enfin, quand le Rôt a paru.

Sur un lievre flanqué de fix poulets étiques, 90 S'élevoient trois lapins, animaux domestiques, Qui dès leur tendre enfance élevés dans Paris, Sentoient encor le chou dont ils furent nourris.

pas de moins que de le perdre. marque bien fon caractère. En C'eft à cette aventure que l'Auteur France on n'a commencé à boire fait allufion. à la glace, que vers la fin du dixfeptième Siècle; mais cet usage étoit connu des anciens Romains, qui en faifoient leurs délices.

Ibid.

Pour vin de l'Hermitage.] 11 eroit fur un côteau fitué dans le Dauphiné, proche la ville de Thain, fur le rivage du Rhône, vis-à-vis de Tournon. Sur ce côteau il y a un Hermitage, qui a donné fon nom au territoire, & au vin qu'on y recueille.

CHANGEMENT. Vers 75. Et qui rouge & vermeil.) Il y avoit Et qui rouge en couleur, dans les mieres éditions.

pre

VERS 83. Point de glace, bon Dieu!] Dans le temps que cette Satire fut faite, l'ufage de la glace n'étoit pas fi commun en France, qu'il l'eft à préfent. Il n'y avoit que ceux qui fe piquoient de délicateffe & de rafinement, qui buffent à la glace. Ainfi la plainte, que fait ici le Perfonnage, qui parle,

VERS 88. Quand le Rót a paru.) Quand l'Auteur travailloit à cette Satire, il demanda a Mr. du Brouffin, s'il falloit dire le Rót, oti le Róti. Il répondit qu'on pouvoit dire l'un & l'autre, mais que Rôt étoit plus noble. Servir le Rôt.

:
VERS 92. Sentoient encor le chou.)
Une petite aventure domestique à,
fourni à l'Auteur l'idée de ce vers
& des deux précédens. Un foir,
il y avoit du monde à fouper chez
Mr. Boileau fon pere. En entrant
dans la Salle à manger, on fentit
une odeur femblable à celle de la
foupe aux choux, dont tout le mon-
de fut frappé. Mr. Boileau deman-
da à la Cuifiniere, fi elle étoit folle
de vouloir leur donner une foupé

Autour de cet amas de viandes entaffées, Regnoit un long cordon d'alouettes preffées, 95 Et fur les bords du plat, fix pigeons étalés Préfentoient pour renfort leurs fquélettes brûlés. A côté de ce plat paroiffoient deux falades, L'une de pourpier jaune, & l'autre d'herbes fades, Dont l'huile de fort loin faififfoit l'odorat, 400 Et nageoit dans des flots de vinaigre rofat.

aux choux, à fouper? La Cuifiniere répondit que ce n'étoit pas fon deffein; cependant on fentoit toùjours la même odeur: mais à peine eut-on fervi le Rôt, que l'on dé couvrit au fond du baffin un Lapin nourri aux choux, qui étoit caché fous le refte de la viande : car on la fervoit alors en Pyramide. Dès que l'on vit le Lapin, on ne chercha plus d'où venoit cette odeur. On le fit d'abord emporter; mais il avoit répandu par-tout une odeur de choù qui dura tout le refte du repas.

VERS 94. Regnoit un long cordon d'alouettes preffées.) Comme ce Repas fe donnoit en Été, au mois de Juin, les Critiques ont prétendu qu'en ce temps-là on ne mangeoit pas d'Alouettes. C'eft Bourfaut qui a fait cette objection dans une petite Pièce de Théatre, intitulée : la Satire des Satires, imprimée en 1669.

Notre Auteur répondoit,qu'il avoit eu raifon de faire fervir des Alouet tes dans ce repas, parce que c'eft un repas donné par un homme d'un goût bizarre & extravagant, qui cherche des mêts extraordinaires. Qu'ainfi, l'on peut préfumer qu'il a donné des Alouettes,quoique mauvaifes, dans une faifon où il n'eft pas impoffible d'en avoir, puis qu'il

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Une couronne d'Alouettes, de Grives, &c.

Texta Rofis fortaffe tibi, vel divite Nardo,

At mihi de Turdis facta Corona placet.

Martial. XIII. Epig. LI.

IMITATION. Vers 96. Leurs Squelettes brûlés.] Horace, dans fon récit d'un Feftin ridicule, applique aux Merles, ce que notre Auteur dit ici des Pigeons :

Tum pecore adufto Vidimus&Merulas poni. L. II. Sat. VIII, 90.

Tous mes Sots à l'inftant changeant de contenance, Ont loué du feftin la fuperbe ordonnance: Tandis que mon Faquin, qui fe voyoit prifer, Avec un ris moqueur les prioit d'excufer. 105 Sur-tout certain Hableur, à la gueule affamée, Qui vint à ce feftin conduit par la fumée, Et qui s'eft dit Profès dans l'Ordre des Côteaux, A fait, en bien mangeant, l'éloge des morceaux.

moda au Théâtre, & l'inféra dans la Comédie des Plaideurs. Il n'a presque fait que la rimer. La premie re fois que l'on joua cette Comédie, on donna à l'Actrice qui répréfentoit là Comteffe de Pimbèche un habit de couleur de Rofe feche,& un mafque fur l'oreille; ce qui étoit l'ajustement ordinaire de la Comteffe de Criffé.

VERS 105. Sur - tout certain se trouva par hazârd Mr. de L. ... Hableur.] Celui dont le caractère eft dont il s'agit. Cet Homme qui voufi vivement exprimé dans ces dix loit fe rendre néceffaire par-tout, vers, s'appelloit B. D. L. Coufin iffu s'avifa de donner des confeils à de Germain de notre Auteur, I cette Plaideufe. Elle les écouta étoit neveu de M. de L..... Grand d'abord avec avidité; mais par ún Audiencier de France, qui lui avoit mal-entendu qui furvint entre eux, acheté une charge de Préfident à la elle crut qu'il vouloit l'infulter, & Cour des Monnoies; mais il diffipa l'accabla d'injures. Mr. Despreaux, tout fon bien; & fon Oncle l'ayant qui étoit préfent à cette Scène, en fit abandonné, il fut réduit à vivre le récit à Mr. Racine, qui l'accomchez fes amis. Il alloit fouvent chez Mr. Boileau le Greffier, frere aîné de Mr. Despreaux. Ce fut là que fe paffa entre ce même Mr. D. L.....& la Comteffe de CRISSÉ, cette Scène plaifante & vive qui a été décrite par Mr. Racine dans fes Plaideurs, fous les noms de Chicaneau & de la Comteffe de Pimbéche. La Comteffe de Criffé étoit une Plaideufe de profeffion, qui a paffé toute fa vie dans les procès, & qui a diffipé de grands biens dans cette occupation ruineufe. Le Parlement fatigue de fon obftination à plaider, lui défendit d'intenter aucun procès, fans l'avis par écrit de deux Avocats que la Cour lui nomma. Cette interdiction de plaider la mit dans une fureur inconcevable. Après avoir fatigué de fon défefpoir les Juges, les Avocats, & fon Procureur; elle alla encore porter fes plaintes à Mr. Boileau le Greffier, chez qui

VERS 107. Dans l'Ordre des C6teaux.] Les Côteaux: ce nom fut donné à trois grands Seigneurs tenant table, qui étoient partagés fur l'eftime qu'on devoit faire des vins des Côteaux qui font aux environs de Rheims. Ils avoient chacun leurs partifans. Je ne puis m'oter de l'efprit (dit le P. Bouhours) qu'on n'entendra pas un jour l'Auteur des Satires, dans la défcription de fon Feftin :

Surtout certain Hableur, &c.

Je riois de le voir, avec fa mine étique,

110 Son rabat jadis blanc, & fa perruque antique, En lapins de garenne ériger nos clapiers,

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"

„Je

ce fujet.

de

me fuis même mis en tête Fragment d'une Lettre de Mr. DES ,,(continue le P. Bouhours) que MAIZEAUX à *** fur ,,les Commentateurs fe tourmen»teront fort pour expliquer ce Profès dans l'Ordre des Côteaux, & ,, Lorfque je priai Mr. de St. qu'on pourra bien le corriger en ",EVREMOND de m'apprendre lifant: Profès dans l'Ordre de l'origine du nom de COTEAUX, "Ciftcaux, par la raifon que l'Ordre je lui fis voir ce que Ménage a des Coteaux ne fe trouvera point écrit là-deffus dans fon Didion»dans l'Histoire Eccléfiaftique, &,,naire étymologique, où il dit, que »que les gens de ce temps-là ne fau-,, Mr.de Lavardin,Evêque du Mans, ront pas que cet Ordre n'étoit fe plaignant de quelques grands "qu'une Société de fins Debauchés,,,Seigneurs, qui difoient que fon Vin qui vouloient que le vin qu'ils n'étoit pas bon, dit, que c'étoient des "bûvoient, fût d'un certain côteau; délicats qui ne vouloient du vin que »& qu'on les appelloit pour cela : les d'un certain Côteau &c. Mr. de Côteaux. ,,St. Evremond m'affûra que cet ,,Auteur fe trompoit: car I. ceux Les plus fameux Côteaux qui,,à qui on donna le nom produifent le vin de Champagne,,,Côteaux n'étoient pas de grands font Rheims, Pérignon, Silleri,,,Seigneurs. 2. Ils ne difoient point Haut-Villier, Ai, Taiffy, Verzenai,,,que le Vin de l'Evêque du Mans St. Thierri. Notre Auteur difoit,,,n'étoit pas bon. 3. Ce Prélat ne se que ces trois Seigneurs qu'on nom- plaignoit point d'eux. 4. Il ne moit les Côteaux, étoient le Com-,,parloit pas d'un certain Côteau. mandeur de SOUVRE, le Duc 5. L'Abbé de Villarceaux n'en étoit de MORTEMAR, & le Marquis,,pás, lui qui ne s'entendoit nullede SILLERI. ,,ment en délicateffe: ni du Brouffin, qui n'eft venu que dix ans Ménage donne une autre origi-,,après. Mr. de St. Evremond ajoune à ce nom-là. Ce fut, dit-il,,,ta qu'il étoit lui-même à la table feu Mr. de LAVARDIN, Evê-,,de l'Evêque du Mans, lorfque ce que du Mans, qui fe plaignant de "Prélat donna, pour ainfi dire, naifces Meffieurs, qui difoient que fon ,,fance au fameux nom de Cô»vin n'étoit pas bon, dit, que TEAUX. Il m'apprit enfuite la vé»c'étoient des délicats, qui ne vou-,,ritable origine de ce nom-là, que »loient du vin que d'un certain,,j'ai rapportée dans la VI E de Mr. Côteau, & là-deffus on les appella,,de St. Evremond." les Côteaux. Ces Meffieurs étoient

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le Marquis de Bois-DAUPHIN, Voici l'endroit de la Vie de St. du nom de Laval; Le Comte Evremond, où Mr. des Maizeaux d'OLONNE, du nom de la Tri- parle des Côteaux.,,Mr. de St. Evremouille; L'Abbé de VILLAR,,mond, dit-il, fe rendit fameux »CEAUX, du nom de Mornai; &,,par fon raffinement fur la bonne »le Comte du BROUSSIN, du,,chère. Mais dans la bonne chère, "nom de Brûlart. Diét, étymol. ,,on recherchoit moins la fomptuo

Et nos pigeons Cauchois en fuperbes ramiers:
Et pour flatter notre Hôte, obfervant fon vifage,
Compofer fur fes yeux fon gefte & fon langage.

"fité & la magnificence, que la dé- de St. Evremond fous l'année 1654. »licateffe & la propreté. Tels étoient p. 39. & 40. de l'Éd. d'Amsterdam les repas du Commandeur de 1726. » Souvre, du Comte d'Olonne, & »de quelques autres Seigneurs, qui »tenoient table. Il y avoit entre eux une espece d'émulation, a qui feroit paroître un gout "plus fin & plus délicat. Mr. de "Lavardin, Évêque du Mans & "Cordon - bleu, s'étoit auffi mis fur les rangs. Un jour que Mr. de St. Eyremond mangeoit chez lui, cet Évêque fe prit à le railler fur fa delicateffe, & fur celle du Comte d'Olonne, & du Marquis de Bois - Dauphin. Ces "Meffieurs, dit ce Prélat, outrent tout à force de vouloir raffiner fur

On croit que le Vin de Champagne doit fa premiere réputation à Meffieurs Colbert & le Tellier, Miniftres d'Etat, qui poffédoient de grands Vignobles dans la Province de Champagne. On fait néanmoins remonter beaucoup plus loin le temps de la répuration de ce vin; car on aflure, * que le Pape Leon X., Charles-Quint, François I. & Henri VIII., Roi d'Angleterre, voulurent toûjours ufer du Vin d'Aï, comme le plus excellent, & le plus épuré de toute fenteur de terroir. Ils avoient tous leur propre fauroient manger que du Maifon dans Ai, ou proche d'Aï, Veau de riviere: il faut que leurs Per- pour y faire plus curieufement leurs ndrix viennent d'Auvergne: que leurs provifions. Voila fans doute d'ilLapins foient de la Roche- Guyon luftres Confreres dans l'Ordre des nou de Verfine. Ils ne font pas moins Coteaux. difficiles fur le Fruit: & pour le Vin, wils n'en fauroient boire que des trois Côteaux, d'Ai, d'Haut-Villiers, & nd'Avenay, Mr. de St. Evremond ne manqua pas de faire "Amis de cette converfation; ils „répéterent fi fouvent ce qu'il avoit dit des Côteaux, & en plaifanteen tant d'occafions, qu'on les appella LES TROIS Cô

ntout. Ils ne

»rent

TEAUX.

1

part à fes

Mr. des Maizeaux remarque dans le même endroit, que le Pere Bouhours, Mr. Ménage & Mr. Despreaux fe font trompés fur l'origine du nom de Côteaux; & il

VERS III. En lapins de Garenne dinairement Clapiers, les Lapins doériger nos clapiers.] On appelle ormeftiques; & l'on n'en voit jamais

fur les tables bien fervies. Dans les Plaideurs de Mr. Racine, Chicaneau dit à fon valer:

Prens-moi dans ce Clapier trois Lapins de Garenne,

Et chez mon Procureur porte - les

ce matin.

VERS 112. Et nos pigeons Cauchois
Les Pigeons

renvoye à ce qu'on a dit là- def- en fuperbes ramiers.)

fus dans les Nouvelles de la Ré- Cauchois font de gros Pigeons: &

165. & fuiv. Voyez la Vie de Mr. mandie, à caufe que les Pigeons de

* St. Evremond, Lettre à Mr. le Comte d'Olonne, Tom. III,

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