Qui de fa liberté forme tout fon plaifir, Et ne rend qu'à lui feul compte de fon loifir! 105 Il n'a point à fouffrir d'affronts ni d'injuftices; Et du peuple inconftant il brave les caprices. Mais nous autres faifeurs de Livres & d'Écrits, Sur les bords du Permeffe aux louanges nourris, Nous ne faurions brifer nos fers & nos entraves; 110 Du Lecteur dédaigneux honorables esclaves, Du rang où notre efprit une fois s'eft fait voir, Croit qu'on doit ajoûter merveilles fur merveilles. 115 Au comble parvenus il veut que nous croiffions. Il veut en vieilliffant que nous rajeuniffions. Cependant tout décroît, & moi-même à qui l'âge Déja moins plein de feu, pour animer ma voix, 120 J'ai besoin du filence & de l'ombre des bois. Ma Muse qui fe plaît dans leurs routes perdues, Felix ille animi, Divisque fimilli- Exigit innocua tranquilla filentia vita. Angel. Politianus, in Rustico v. 17. VERS 116. Il veut en vieillifant que nous rajeuniffions.] C'eft pour fe plaindre de cette injuftice, qu'il a Sed tacitos finit ire dies, & pau- composé l'Épître X. à ses Vers. pere cultu VERS 117. Et moi-même à Ce n'eft que dans ces bois propres à m'exciter, 125 Ne demande donc plus, par quelle humeur fauvage, Tout l'Été loin de toi demeurant au village, J'y paffe obftinément les ardeurs du Lion, Et montre pour Paris fi peu de paffion. C'est à toi, LAMOIGNON, que le rang, la naiffance, 130 Le mérite éclatant, & la haute éloquence Appellent dans Paris aux fublimes emplois, Qu'il fied bien d'y veiller pour le maintien des Loix. Tu dois là tous tes foins au bien de ta patrie. Tu ne t'en peux bannir, que l'Orphelin ne crie; 135 Que l'Oppreffeur ne montre un front audacieux; Et Thémis pour voir clair a befoin de tes yeux. Mais pour moi, de Paris Citoyen inhabile, Qui ne lui puis fournir qu'un rêveur inutile, Il me faut du repos, des prés & des forêts. 140 Laiffe-moi donc ici, fous leurs ombrages frais, Attendre que Septembre ait ramené l'Automne, Et que Cérès contente ait fait place à Pomone. Quand Bacchus coinblera de fes nouveaux bienfaits Tantôt fur l'herbe affis au pied de ces côteaux, Si l'honnête homme en foi doit fouffrir des défauts: C'est ainfi que chez toi tu fauras m'attacher. 160 Heureux! fi les Fâcheux, prompts à nous y chercher, N'y viennent point femer l'ennuyeufe trifteffe. Car dans ce grand concours d'Hommes de toute espèce, Au lieu de quatre Amis qu'on attendoit le foir, VERS 146. Pour s'enfuir demi-lieue de Bâville, ainfi nommée à Baville.) Seigneurie confidérable par Mr. le Premier Préfident de qui appartient à Mr. de Lamoignon. LAMOIGNO N. Ce nom defigne Elle eft à neuf lieues de Paris, du l'abondance de fes eaux. Cette côté d'Etampes & de Châtres. Fontaine a été chantée par nos plus grands Poëtes*, & elle eft devenue prefque auffi célèbre que l'Hippocrene. VERS 152. Où Polycrene épand fes liberales eaux.] Fontaine à une *Le P. Rapin, le P. Commire, Mr. Despreaus, &e. 165 Quelquefois de Fâcheux arrivent trois volées, Qui du parc à l'instant affiégent les allées. ÉPITRE VII. A MR. RACINE. Q ue tu fais bien, RACINE, à l'aide d'un Acteur, Émouvoir, étonner, ravir un Spectateur! Jamais Iphigénie, en Aulide immolée, N'a coûté tant de pleurs à la Grece affemblée, 5 Que dans l'heureux fpectacle à nos yeux étalé, En a fait fous fon nom verfer la Chanmeslé. Ne crois pas toutefois, par tes favans Ouvrages, En Cette Épître fut compofée à l'oc- ceffifs que les protecteurs de Pradon cafion de la Tragédie de Phèdre & donnerent a fa Pièce. D'ailleurs, *Pirame & Thisbé: Tamerlan, VERSI. Que tu fais bien, Racine, à l'aide d'un Acteur, &c.) Les Ennemis mêmes de Mr. Racine ont été obligés de convenir du grand fuccès de fes Tragédies; mais ils ont cru diminuer la réputation de cet illuftre Poëte, en difant, qu'une par |