SATIRE II. DE MOLIERE. A M. RARE ARE & fameux Efprit, dont la fertile veine 10 A peine as-tu parlé, qu'elle - même s'y place. Mais moi, qu'un vain capriće, une bizarre humeur, Le fujet de cette Satire eft, la dif ficulté de trouver la Rime, & de la faire accorder avec la Raifon. Mais PAuteur s'eft appliqué à les concilier toutes deux, en n'employant dans cette Pièce, que des Rimes ex trêmement exactes. Cette Satire n'a été compofée qu'après la feptieme: ainfi elle eft la quatrieme dans l'ordre du temps. Elle fut faite en 1664. La même année, l'Auteur étant chez Mr. Du Brouffin, avec Mr. le Duc de Vitri & Moliere; ce dernier y devoit lire une Traduction de Lucréce en vers François, qu'il avoit faite dans fa jeuneffe. En attendant le dîner, on pria M. Despreaux de réciter la Satire adreffée. a Moliere; mais après ce récit, Moliere ne voulut plus lire fa Tra duction, craignant qu'elle ne fût pas VERS 17. Si je veux d'un Galant Si je pense parler d'un Galant de Pour mes péchés, je crois, fit devenir Rimeur: Ma plume pour rimer trouve l'Abbé de Pure; Si je penfe exprimer un Auteur fans défaut, 20 La Raifon dit Virgile, & la Rime Quinaut. 25 Et maudiffant vingt fois le Démon qui m'infpire, Je fais mille fermens de ne jamais écrire. là des Vers contre notre Auteur. des Marchands, en 1634. & fon C'étoit une Parodie de la Scène de Ayeul, Echevin en 1596. Il avoit Corneille, dans laquelle Augufte publié en 1663. une fort mauvaise confond Cinna après la découverte Traduction de Quintilien. Dans la de fa conjuration; & dans cette fuite il traduifit encore l'Hiftoire des Parodie, Mr. Colbert convainquoit Indes, écrite en Latin par le P. MafMr. Despreaux d'être l'Auteur de fée; & l'Hiftoire d'Afrique, écrite en quelques Libelles qui paroifoient Italien par J. B. Birago. Il a auffi alors. Mr. Despreaux n'étoit pas traduit la Vie de Leon X. du Latin affuré que de Pure eût fait cette de Paul-Jove; & de plus il a fait un Parodie maligne; mais il favoit Roman, qui a pour titre, les Prébien que cet Abbé la diftribuoit. cieufes; la Vie du Maréchal de Gaf Pour toute vengeance d'une fi noi- fion, &c. re calomnie, notre Auteur fe contenta de mettre le nom de l'Abbé de Pure dans cette Satire, où il le traite ironiquement de Galant, parce que cet Abbé affe&toit un air de propreté & de galanterie, quoi qu'il ne fùt ni propre ni galant. MICHEL DE PURE étoit de Lyon, où fon Pere avoit été Prévôt & la Rime Quinaut.] PHILIPPE VERS 20. La Raifon dit Virgile, Tragedies, imprimées en deux voQUINAUT, Auteur de plufieurs tombées dans l'oubli. Il a depuis lumes, mais qui font abfolument compofé des Opéra. Il fut reçû à l'Académie Françoife, en l'année 1670. & mourut en 1688. Mais quand j'ai bien maudit & Mufes & Phébus, Je trouverois bien-tôt, A nulle autre feconde ; 4o Je mettrois à l'inftant, Plus beau que le Soleil. De Chef-d'œuvres des Cieux, de Beautez fans pareilles; J Avec VERS 35. Je ferois comme un autre.] Mr. Ménage, fur fon Églogue intituGILLES MÉNAGE, dont les lée: Chriftine, p. 16. Poëfies font remplies d'expreffions femblables à celles que notre Auteur reprend dans les vers fuivans: ce qui marque un génie froid &ftérile, tel qu'étoit celui de l'Abbé Ménage, qui n'avoit point de Naturel à la Poefic, & qui ne faifoit des vers qu'en dépit des Mufes; comme il l'a dit lui-même dans la Préface de fes Obfervations fur Malherbe. Gilles Boileau, frere de notre Auteur, avoit déja repris l'Abbé Ménage de fon affectation à employer ces fortes de Phrases Poëtiques: En charmes féconde, A nulle autre pareille, A nulle autre feconde: Ce Chef-d'œuvre des Cieux, Ce miracle d'amour, &c. on peut voir l'Avis à VERS 46. Dans mes Vers recoufus mettre en pièces Malherbe.] Il étoit difficile de faire un vers qui rimât avec celui-ci. Cela parut même impoflible à La Fontaine, a Moliere, & à tous les amis que notre Poete confulta. Cependant il trouva le vers qu'il cherchoit. i (Et tranfpofant cent fois & le nom & le verbe.) Quand il le dit à La Fontaine, Ah! le voilà, s'écria celui-ci, en l'interrompant: Vous êtes bien - heureux. Je donnerois le plus beau de mes Contes pour avoir trouvé cela. Mr. Avec tous ces beaux mots fouvent mis au hazard, Je pourrois aisément, fans génie & fans art, 45 Et tranfpofant cent fois & le nom & le verbe, Maudit foit le premier, dont la verve infenfée Sans ce métier, fatal au repos de ma vie, Mr. Despreaux faifoit ordinaire- ment. VERS 53. Maudit foit le premier, C'eft de lui que nous vient cet Art 33 De peindre la parole & de parler aux yeux; Et par les traits divers de figure's tracées Donner de la couleur & du corps aux penfées. Mr. d'Andilly fe fit réciter cette CHANG. Vers 57. Sans ce métier fatal au repos de ma vie, &c.] Premiere maniere: Sans ce métier, hélas! fi contraire à ma joie, Mes jours auroient été filés d'or & de foie. C Je n'aurois qu'à chanter, rire, boire d'autant; 60 Et comme un gras Chanoine, à mon aife, & content, Paffer tranquillement, fans fouci, sans affaire, La nuit à bien dormir, & le jour à rien faire. Mais depuis le moment que cette frénéfie 70 De fes noires vapeurs troubla ma fantaisie, Et qu'un Démon, jaloux de mon contentement, |