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60 Jamais rien de fi grand n'a paru fur tes bords.

Le Rhin tremble & frémit à ces triftes nouvelles;
Le feu fort à travers fes humides prunelles.
C'est donc trop peu, dit-il, que l'Escaut en deux mois
Ait appris à couler fous de nouvelles loix;
65 Et de mille remparts mon onde environnée

De ces Fleuves fans nom fuivra la deftinée?
Ah! périffent mes eaux, ou par d'illuftres coups
Montrons qui doit céder des Mortels ou de Nous.
A ces mots effuyant fa barbe limoneuse,

o Il prend d'un vieux Guerrier la figure poudreuse.

Mr. Despreaux me fit cette,,ftruire Jules Céfar, lors que les réponse le S. du même mois.,,Je,,bateaux étoient encore fur le chan ,,n'ai jamais voulu dire, que Jules,,tier? Il faudroit pour cela qu'il „Cefar n'ait mis que deux jours à „fe fùt débordé : encore auroit-il ,,ramaffer & à lier enfemble les ma-,,été pris pour dupe, fi Céfar avoit ,,tériaux dont il fit conftruire le ,,mis fes atteliers fur une hauteur. ,,pont fur lequel il paffa le Rhin.,,Vous voyez donc bien, Monfieur, ,,Il n'est question dans mes vers que,,qu'il faut laiffer, deux jours; parce ,,du temps qu'il mit a faire paffer,,que, fi je mettois dix jours, cela ,,fes troupes fur ce pont, & je ne feroit fort ridicule, & je donne. ,,fais même s'il y employa deux,,rois aux Lecteurs une idée fort ,,jours. Le Roi, quand il paffa le,abfurde de Céfar, en difant comme ,,Rhin, fit amener un très-grand,,une grande chofe, qu'il avoit em,,nombre de Bateaux de cuivre,,,ploye dix jours à faire passer une ,,qu'on avoit été plus de deux mois,,armée de trente mille hommes: ,,a conftruire, & fur un defquels,,donnant par-là aux Allemands tour ,,même Mr. le Prince & Mr. le Duc le temps qu'il leur falloit pour ,,pafferent. Mais qu'eft-ce que cela,,s'oppofer à fon paffage. Ajoutez, ,,fait à la rapidité avec laquelle ,,que ces façons de parler, en deux ,,toutes fes troupes traverferent le jours, en trois jours, ne veulent ,,Fleuve; puis qu'il eft certain, que,,dire que très-promptement, en moins toute fon armée paffa comme celle de rien. Voilà, je crois, Monfieur, ,,de Jules Céfar, avec tout fon ba-,,de quoi contenter votre critique. ,,gage, en moins de deux jours ? Vous me ferez plaifir de m'en Voilà ce que veut dire le vers: faire beaucoup de pareilles; parce ,,Sur un pont en deux jours trompa,,que cela donne occafion, comme tous tes efforts. En effet, quel fens ,,vous voyez, à écrire des Differ,,autrement pourroit-on donner à ,,tations affez curieufes. ,,ces mots: Trompa tous tes efforts? ,,Le Rhin pouvoit-il s'efforcer à ,,détruire le pont que faifoit con

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VERS 64. Ait appris à couler fous de nouvelles loix.) En l'année 1667. le Roi avoit conquis une partie de

Son front cicatricé rend fon air furieux,

Et l'ardeur du combat étincelle en fes yeux.
En ce moment il part, & couvert d'une nue,
Du fameux Fort de Skink prend la route connue.
75 Là contemplant fon cours, il voit de toutes parts
Ses pâles Défenfeurs par la frayeur épars.

Il voit cent bataillons, qui loin de se défendre,
Attendent fur des murs l'Ennemi pour fe rendre.
Confus, il les aborde, & renforçant la voix:
go Grands Arbitres, dit-il, des querelles des Rois,
Eft-ce ainfi que votre ame aux périls aguerrie,

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IMIT. Vers 69. Effuyant fa barbe limoneufe.) C'eft le Rheni luteum caput d'Horace, Livre I. Satire X. vers 37.

VERS 71. Son front cicatricé.) Quelques-uns ont prétendu, qu'il auroit fallu dire, cicatrifé. Mais ils n'ont pas pris garde que cicatrifé fe dit d'une plaie, qui commence à fe fermer: au lieu que cicatricé fignifie: couvert de cicatrices, recoufu en divers endroits.

VERS 74. Du fameux Fort de Skink.) Le Fort de Skink; ou de Schenk [Schenken-Schanze] eft confidérable, tant par fes Fortifications que par fa fituation avantageufe. Il eft fitué à la pointe de l'Isle de Bétaw, ou Bétuwe, qui eft l'endroit où le Rhin fe divife: Les États de Hollande firent bâtir ce Fort par le Colonel MARTIN SCHENK, l'an 1586. Voyez la note fur le vers 148. de cette Épitre.

CHANG. Vers So. Grands Arbitres, dit-il, des querelles des Rois.) Dans la premiere édition, il y avoit: du deftin de deux Rois.

Ibid. Grands Arbitres, dit-il, des querelles des Rois,] Ce vers contient une ironie très-amère. Les Hollandois s'étoient vantés d'avoir obligé le Roi de France à faire la Paix avec l'Efpagne, par le Traité d'Aix la Chapelle. Ils avoient même fait frapper une Médaille en 1668, dans laquelle ils prenoient les titres faftueux d'Arbitres des Rois, de Réformateurs de la Religion, de ProCette Médaille repréfente d'un côté tecteurs des Loix, & plufieurs autres. la Liberté Batavique avec fes Symboles, & au revers on lit cette Infcription, qui contient tous ces titres ambitieux: ASSERTIS LEGI BUS. EMENDATIS SACRIS, ADJUTIS, DEFENSIS, CON CILIATIS REGIBUS. VINDICATA MARIUM LIBERTATE. PACE EGREGIA VIRTUTE ARMORUM PARTA, STABILITA ORBIS EURO NUMISMA Hoc. S. F. B. C. F. C15. 150. PAIQUIETE. LXVIII. Le Roi fut fort indigné de la fierté de ces Républicains, qui par ces éloges faftueux vouloient fe donner la gloire des évênemens de ce temps-là.

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Soûtient fur ces remparts l'honneur & la patrie?
Votre Ennemi fuperbe, en cet inftant fameux,

Du Rhin, près de Tholus, fend les flots écumeux. 85 Du moins en vous montrant fur la rive oppofée, N'oferiez-vous faifir une victoire aifée?

Allez, vils Combattans, inutiles Soldats,

Laiffez-là ces moufquets trop pefans pour vos bras;
Et la faux à la main parmi vos marécages,

go Allez couper vos joncs, & preffer vos laitages;
Ou gardant les feuls bords qui vous peuvent couvrir,
Avec moi, de ce pas, venez vaincre ou mourir.

Ce difcours d'un Guerrier que la colere enflamme, Reffufcite l'Honneur déja mort en leur ame;

Et

VERS 89. Et la faux à la main, &c.) Ces deux vers difent bien noblement une chofe bien petite, & bien baffe. Voilà le fort de la Poëfie. Cependant la phrafe n'eft pas tout-à-fait réguliere, car la faux à la main fert bien à couper les joncs, mais non pas à presser les laitages. L'Auteur y avoit bien pris garde, & avoit effaye plufieurs fois d'y remédier. Il difoit à ce propos: Non feulement je n'ai pu venir à bout de le dire mieux, mais je n'ai pu le dire autrement.

§. Le Commentateur prétend, que dans cette Médaille, les Hollandois ,prenoient les titres faftueux d'Ar,,bitres des Rois, de Réformateurs de ,,la Religion, de Protecteurs des Loix" mais les expreffions dont ils fe font fervis veulent feulement dire, que les États des Provinces Unies avoient affuré leurs Loix; reformé les Abus de leur Religion; affifté, défendu & reconcilié des Rois, &c. Voici comment Mr. Bizot a traduit cette Infcription, dans fon Hiftoire Métallique de la République de Hollande, p. 271. de l'édition de Paris: Après VERS 99. Par fon ordre Gramavoir affuré les Loix, reformé les mont, &c.) Mr. le Comte de G U IAbus de la Religion, assisté, défendu CHE, fils ainé du Maréchal de & reconcilié les Rois, rendu la Li- GRAMMON T, fut le premier qui berté aux Mers, fait faire par la tenta le paffage. Il étoit Lieutenant force des Armes une Paix glorieufe, & Général de l'Armée de Mr. le rétabli le repos de l'Europe; les Prince; & le Roi lui commanda États des Provinces Unies ont fait de voir, s'il trouveroit un gué dans frapper cette Médaille en 1668. Ďu le Rhin, pour aller aux Ennemis, MONTEIL. qui paroiffoient de l'autre côté. Il vint rapporter au Roi qu'il avoit trouvé un gué facile vers Tolhuis, & promit de paffer à la tête de la

VERS 82.

L'honneur & la patrie.) Il y avoit fur les Drapeaux des Hollandois: Pro honore & patria.

Ci

95 Et leurs cœurs s'allumant d'un refte de chaleur, La Honte fait en eux l'effet de la Valeur.

Ils marchent droit au Fleuve, où LOUIS en perfonne Déja prêt à paffer, inftruit, difpofe, ordonne.

Par fon ordre Grammont le premier dans les flots 100 S'avance foûtenu des regards du Héros.

Son courfier écumant fous fon Maître intrépide,
Nage tout orgueilleux de la main qui le guide.
Revel le fuit de près: fous ce Chef redouté
Marche des Cuiraffiers l'efcadron indomté.

105 Mais déja devant eux une chaleur guerriere
Emporte loin du bord le bouillant Lesdiguiere,
Vivonne, Nantouillet, & Coiflin, & Salart:

Cavalerie. La vérité étoit pourtant qu'il n'y avoit point de gué: de forte que l'armée fut obligee de traverfer une bonne partie du Rhin à la nage: mais le Comte de Guiche, qui avoit fervi en Pologne, s'y étoit accoutumé à paffer ainfi les plus profondes Rivieres, à l'exemple des Polonois.

VERS 103. Revel le fuit de près.) Le Marquis de REVEL, Colonel des Cuiraffiers frere de Mr. le Comte de Broglio. Il fut bleffé de trois coups d'épée, dans l'action qui fuivit le paffage du Rhin.

VERS 106.
Le bouillant
Lesdiguiere.) Mr. le Comte de Saux.
FRANÇOIS EMANUEL DE
BLANCHEFORT DE BONNE
DE CREQUI, Duc de LESDI-
GUIERES, Pair de France, Comte
de SAUX, Gouverneur de Dau-
phiné, mort en 1681. Pendant le
paffage du Rhin, il fut bleffé, mais
il ne laiffa pas d'avancer toujours
Tome I.

& ne perdit point fon rang; de maniere qu'il fortit de l'eau le premier, & donna le premier coup. Sa valeur fe fit beaucoup remarquer dans cette action: Il montoit un cheval blanc, qui fut tué sous lui.

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VERS 107. Vivonne, Nantouillet, & Coiflin & Salart.) Vivonne : Louis VICTOR DE ROCHECHOUART, Duc de MORTEMAR & de VIVONN E, &c. alors Général des Galeres de France, depuis l'an 1669. & enfuite Maréchal de France, en 1675. Il mourut'au mois deSeptembre 1688. Nantouillet: le Chevalier de NANTOUILLET, ami particulier de notre Auteur, auffi bien que Mr. de Vivonne. Coislih: ARMAND DUCAMBOUT, Duc de Coifl:n. Il reçut plufieurs coups après avoir paffé le Rhin., Il eft mort le 16. de Septembre, 1702. âgé de 67. ans. Il étoit Pair de France, & Chevalier de l'Ordre du St. Efprit.

S

Chacun d'eux au péril veut la premiere part.

Vendôme, que foûtient l'orgueil de fa naissance, 110 Au même inftant dans l'onde impatient s'élance. La Salle, Beringhen, Nogent, d'Ambre, Cavois, Fendent les flots tremblans fous un fi noble poids. LOUIS les animant du feu de fon courage,

Se plaint de fa Grandeur, qui l'attache au rivage. 115 Par fes foins cependant trente légers vaiffeaux

D'un tranchant aviron déja coupent les eaux.
Cent Guerriers s'y jettant fignalent leur audace.
Le Rhin les voit d'un œil qui porte la menace.

VERS 109. Vendôme, que foû- Capitaine des Gardes de la Porte, tient l'orgueil de fa naiffance.] Mr. le Chevalier de VENDÔME. Quoi qu'il n'eût pas encore dix-fept ans, il ne laiffa pas de traverfer le Rhin à cheval: il gagna même un Drapeau & un Etendart, qu'il apporta

au Roi.

VERS III. La Salle, Beringhen, Nogent, d'Ambre, Cavois.) La Salle: Le Marquis de LASALLE fut des premiers à paffer le Rhin. Mais les Cuiraffiers ayant eu ordre de fe jetter à l'eau, & de paffer, ils le firent fi brufquement qu'ayant rencontré Mr. de la Salle devant eux, ils le blefferent de cinq coups, croyant, qu'il étoit Hollandois, quoi qu'il fût habillé à la Françoife, & qu'il eut l'écharpe blanche. Beringhen: Le Marquis de BERINGHEN, Premier Ecuyer du Roi, & Colonel du Régiment Dauphin. Son cheval ne voulant point paffer, il fe jetta dans le Bateau de Mr. le Prince. Après le paffage il fe battit vigoureufement, & reçut un coup de moufquet dans la mamelle droite, & plufieurs coups dans fes habits. Nogent: ARNAULD DE BAUTRU, Comte de NOGENT,

Lieutenant Général au Gouvernement d'Auvergne, Maître de la Garde-robe, & Maréchal de Camp des Armées du Roi. Il fut tué au paffage du Rhin, d'un coup de moufquet à la tête, & fon corps fut inhumé dans l'Eglife de Zevenart, village de Gueldre. Cavois: LOUIS D'OGER, Marquis de CAvois, depuis Grand Maréchal des Logis de la Maifon du Roi, étoit d'une famille illuftre de Picardie. Il commença à fe faire connoître fous le nom du Chevalier de Cavois, par une action de grand éclat. Dans le Combat Naval que la Flotte Angloife gagna contre les Hollandois, au mois d'Août, 1666. il étoit fur le Bord de l'Amiral RUYTER, avec Mrs. le Chevalier de Lorraine, le Chevalier de Coiflin, duquel on vient de parler, & de Bufca. Ruyter accablé par le nombre, faifoit une retraite glorieufe; mais un Brûlot Anglois, qui venoit à lui, l'au roit fait périr indubitablement, fi le Chevalier de Cavois ne l'avoit empêché, en allant avec les trois autres Seigneurs François, couper les cables de la chaloupe du Brûlot.

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