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15 Et fouvent de dépit contre moi s'exerçant, Punir de mes défauts le papier innocent.

Mais toi qui ne crains point, qu'un Rimeur te noirciffe, Que fais-tu cependant feul en ton Bénéfice?

Attends-tu, qu'un Fermier payant, quoiqu'un peu tard, 20 De ton bien pour le moins daigne te faire part? Vas-tu, grand défenfeur des droits de ton Eglife, De tes Moines mutins réprimer l'entreprise? Crois-moi, dût Auzanet t'affûrer du fuccès,

Abbé, n'entreprends point même un jufte procès. 25 N'imite point ces Fous, dont la fotte avarice Va de fes revenus engraiffer la Juftice; Qui toûjours affignans, & toûjours affignés, Souvent demeurent gueux de vingt procès gagnés. Soûtenons bien nos droits: Sot eft celui qui donne. 30 C'eft ainfi devers Caën que tout Normand raisonnė. Ce font là les leçons, dont un pere Manceau Inftruit fon fils novice au fortir du berceau.

Épître VII. vers 89. & l'Art Poëti que, Chant II. vers 194.

AUZANET, célèbre Avocat au Parlement de Paris. Il étoit extrêmement verfé dans la connoiffance du Droit François; & les principa les affaires fe regloient ordinairement par fes confeils, ou par fon Crifpinus minimo me provocat: ac- arbitrage. Il mourut le 17. d'Avril,

IMIT. Ibid. J'entends déja d'ici Liniere furieux &c.) Horace, L. I. Sat. IV. v. 14.

cipe, fi vis,

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Accipe jam tabulas, detur nobis
locus, hora,

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1693. âgé de 82. ans, ayant été honoré par le Roi d'un brevet de Con→ feiller d'État, quelques années avant

fa mort.

VERS 30. C'eft ainfi devers Caën Cuftodes: videamus uter plus feri que tout Normand raifonne.) L'Au

bere poffit.

VERS 23. Dût Auzanet t'as furer du fuccès.] BARTHELEMI

teur auroit pû dire: vers Caen. C'est ainfi que vers Caen tout bas Normand raifonne; mais il a préferé: Devers Caën, qui eft une espèce de Norma

Mais pour toi, qui nourri bien en deça de l'Oife, As fucé la vertu Picarde & Champenoise, 35 Non, non, tu n'iras point, ardent Bénéficier, Faire enrouer pour toi Corbin ni le Mazier. Toutefois, fi jamais quelque ardeur bilieufe Allumoit dans ton cœur l'humeur litigieufe, Confulte-moi d'abord, & pour la réprimer, 40 Retiens bien la leçon que je te vais rimer.

Un jour, dit un Auteur, n'importe en quel chapitre, Deux Voyageurs à jeun rencontrerent une huître.

nifme. D'ailleurs, un Normand qui fera de Caën même, dira toûjours: Je fuis devers Caen, & ne dira pas : Je fuis de Caën.

VERS 33. Bien en deça de 'Oife.] Riviere, qui a fa fource dans la Picardie, vers les limites du Hainaut & de la Champagne.

VERS 34. As fucé la vertu Picarde & Champenoife.] Cette Vertu eft la franchife.

Tous

Vierge au Visage benin, Faites grace au petit Corbin. Voyez la Remarque fur le vers 36. du quatrieme Chant de l'Art poëtique. Le MAZIER: voyez le vers 123. de la Satire I.

VERS 41. Un jour, dit un Auteur, &c.] Mr. Despreaux avoit appris cette Fable de fon pere, auquel il l'avoit oui conter dans fa jeuneffe. Elle eft tirée d'une ancienne Comédie Italienne. Cette même Fable a été mife en vers par LA FONTAI NE; mais au lieu de la Justice, il a mis un Juge, fous le nom de Perrin Dandin, qui avale l'huître: en quoi notre Auteur difoit que La Fontaine a manqué de jufteffe: car ce ne font pas les Juges feuls qui caufent Vidimus attonito puerum garrire des frais aux Plaideurs : ce font tous les Officiers de la Juftice.

VERS:36. Faire enrouer pour toi Corbin ni le Mazier.] Deux Avocats criards, qui fe chargeoient fouvent de mauvaises causes. JACQUES CORBIN plaida fa premiere cause à quatorze ans, & ne plaida pas mal pour fon âge: MARTINET célèbre Avocat, fit alors cette Epigramme:

Senatu,

·Bis pueri; puerum qui ftupuere
Senes.

Son Peré étoit auffi Avocat, & fe
mêloit de Poëfie. Il offrit un tableau
votif à Notre-Dame, pour obtenir
à fon fils un heureux fuccès dans fa
plaidoierie; & mit ces deux vers
au bas du tableau:

CHANG. Vers 45. Devant elle à grand bruit.] Dans les premieres éditions il y avoit: Devant elle auffi-tôt.

IMIT. Vers 51. Des fottifes d'au trui nous vivons au Palais.) Jean Owen, L. I. Epigram. 15.

Stultitia noftra, Juftiniane, fapis.

Tous deux la contestoient, lorsque dans leur chemin, La Juftice paffa, la balance à la main.

45 Devant elle à grand bruit ils expliquent la chose. Tous deux avec dépens veulent gagner leur caufè. La Juftice, pefant ce droit litigieux,

Demande l'huître, l'ouvre, & l'avale à leurs yeux; Et par ce bel Arrêt terminant la bataille:

50 Tenez, voilà, dit-elle, à chacun une écaille.

Des fottifes d'autrui nous vivons au Palais:

Meffieurs, l'huître étoit bonne. Adieu. Vivez en paix.

VERS dernier.

Adieu, vi- SCAPTIUS, âgé de quatrevez en paix.) Le Peuple Romain vingt-trois ans, remontra, que rendit un femblable jugement fur les terres dont il s'agiffoit, étoient une contestation, entre les Ariciens de la dépendance de Corioles, & les Ardéates. Ces deux Peuples Ville qui appartenoit au Peuple étant en guerre pour la poffeflion Romain. de certain Pays, en remirent la décifion au Peuple Romain. La Caufe fe plaida folemnellement devant le Peuple; & quand on fut fur le point de recueillir les fuffra ges, un certain homme, nommé

Sans examiner autrement la vérité de cette propofition, le Peuple s'adjugea ces terres par droit de bienfeance, & renvoya les Ardéates & les Ariciens. Tite - Live, Livre 3. à la fin, l'an 307. de Rome.

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ÉPITRE III.

A M. ARNAULD,

DOCTEUR DE SORBONE.

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UI, fans peine, au travers des fophifmes de Claude, ARNAULD, des Novateurs tu découvres la fraude, Et romps de leurs erreurs les filets captieux. Mais que fert que ta main leur deffille les yeux, Si toûjours dans leur ame une pudeur rebelle, Prêts d'embraffer l'Eglife, au Prêche les rappelle? Non, ne crois pas que Claude, habile à fe tromper, Soit infenfible aux traits dont tu le fais frapper: Mais un Démon l'arrête, & quand ta voix l'attire,

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to Lui dit: Si tu te rends, fais-tu ce qu'on va dire? Dans fon heureux retour lui montre un faux malheur,

Cette

tte Épître eft adreffée à Mr. ARNAULD, Docteur de Sorbone, célèbre par fa Doctrine, & par fes Ecrits. Les troubles de l'Eglife Gallicane ayant été pacifiés en 1668.par le Pape Clement IX. & par le Roi; Mr. Arnauld eut non feulement la liberté de paroître, mais il fut reçu par le Nonce du Pape, & par le Roi même avec toutes les marques poffibles d'eflime. Mr. le Premier Préfident de Lamoignon fut un de ceux qui lui témoignerent le plus d'empreffement. Ce Magiftrat avoit un appartement dans la maifon que les Chanoines Réguliers de Sainte Géneviève ont à Auteuil, où il alloit quelquefois fe délaffer des fatigues de la Magiftrature, & donner à la

retraite les momens qu'il pouvoit dérober à fes pénibles fonctions. Un jour il affembla dans cette maison, Mr. ARNAULD, Mr. NICOLE, Mr. DESPREAUX, & quelques autres perfonnes choifies à qui il donna `à diner. Il arriva entre Mr. Arnauld & Mr. Despreaux, ce qui arrive ordinairement entre deux hommes d'un mérite diftingué, & d'une réputation éclatante, lors qu'ils fe voient pour la premiere fois: Ils furent d'abord liés d'une étroite amitié ; cette amitié, dont ils firent gloire pendant leur vie, a duré jufqu'à feur mort, nonobftant une féparation de plufieurs années.

Le fujet de cette Epitre eft la man vaife Honte. PLUTÁRQUz a fajt

Lui peint de Charenton l'hérétique douleur;
Et balançant Dieu même en fon ame flottante,
Fait mourir dans fon cœur la vérité naiffante.
15 Des fuperbes Mortels le plus affreux lien,
N'en doutons point, ARNAULD, c'est la honte du bien.
Des plus nobles vertus cette adroite ennemie
Peint l'honneur à nos yeux des traits de l'infamie,
Affervit nos efprits fous un joug rigoureux,

20 Et nous rend l'un de l'autre efclaves malheureux.
Par elle la vertu devient lâche & timide.
Vois-tu ce Libertin en public intrépide,

Qui prêche contre un Dieu que dans fon ame il croit?
Il iroit embraffer la vérité qu'il voit;

25 Mais de fes faux amis il craint la raillerie, Et ne brave ainfi Dieu que par poltronnerie.

C'eft là de tous nos maux le fatal fondement. Des jugemens d'autrui nous tremblons follement;

Rij

VERS 16.
bien.) Ce demi-vers
jet de cette Epître.

IMIT. Ibid.

du bien.) Horace,

un Traité fur le même fujet; mais
notre Auteur ne l'a point imité.
Elle fut compofée en 1673. après
l'Épître IV. au Roi. Ainfi elle eft
la cinquieme felon l'ordre du temps.
Au travers des V. 24.
fophifmes de Claude, &c.) Mr. AR-
NAUL Détoit alors occupé à écrire
contre Mr. CLAUDE, Miniftre de
Charenton: fur la foi de l'Eglife
touchant l'Euchariftie.

VERS I.

VERS 12. Lui peint de Charen ton.) Village à deux lieues au deffus de Paris, où les Réformés avoient un Temple pour l'exercice de leur Religion, avant la révocation de l'Edit de Nantes. Mr. Claude étoit Miniftre de cette Eglife.

T

C'est la honte du exprime le fu

C'est la honte L. I. Ep. XVI.

Stultorum incurata pudor malus ulcera celat.

VERS 27. C'eft là de tous nos maux le fatal fondement.) Homere, Iliade Liv. XXIV. v. 44. & 45. dit, que la honte eft un des plus grands maux & un des plus grands biens. En effet, elle est un grand mal aux hommes lors qu'elle les empêche d'ofer faire le bien; & elle eft un grand bien lors qu'elle les empêche de faire le mal.

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