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5 Tu ne me réponds rien? Sors d'ici, Fourbe infigne, Mâle auffi dangereux que femelle maligne,

Qui crois rendre innocens les difcours impofteurs; Tourment des Écrivains, juste effroi des Lecteurs; Par qui de mots confus fans ceffe embarraffée 10 Ma plume, en écrivant, cherche en vain ma pensée. Laiffe-moi, va charmer de tes vains agrémens, Les yeux faux & gâtés de tes louches amans; Et ne viens point ici de ton ombre groffiere Envelopper mon ftyle ami de la lumiere.

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Tu fais bien que jamais chez toi, dans mes difcours, Je n'ai d'un faux brillant emprunté le fecours. Fuis donc. Mais non, demeure; un Démon qui m'inspire Veut qu'encore une utile & derniere Satire,

De ce pas en mon Livre, exprimant tes noirceurs, 20 Se vienne, en nombre pair, joindre à fes Onze Sœurs,

"Pelagien. Ainfi, fans condamner eft claire. Mr. Despreaux n'a fait »ni les uns ni les autres, je m'écrie »avec St. Paul: 6 Altitudo Sapientia! "Mais après avoir quelquefois en "moi-même traduit ces paroles "par: O que Dieu eft fage! j'ajoûte "auffi en même temps: O que les whommes font fous! Je m'imagine "que vous entendez bien pourquoi »cette derniere exclamation, & que »vous n'y comprenez pas un petit »nombre de volumes.

S. Quoi qu'en dife le Commentateur, on ne fauroit douter, que la principale vue de Mr. Despreaux n'ait été d'offenfer les Jéfuites par cet Ouvrage, c'est-à-dire, de fatirifer leur Morale, & d'attaquer leurs Cafuiftes en général. La preuve en

que répéter dans cette Satire les ac cufations que Mr. Pafcal a faites contre les Jéfuites en général dans fes Lettres Provinciales; comme on le fera voir dans les Remarques fur le vers 265. & fur les fuivans. Mais il faut remarquer que dans les Notes fur cette Satire & par-tout ailleurs où les Jéfuites font attaqués, le Commentateur employe tout l'arti fice dont il eft capable, pour faire accroire que Mr. Despreaux n'avoit point en vûe ces Peres. Ce procédé ne convient guere à un homme qui fe fait honneur d'avoir eu ce grand Poëte pour Ami particulier. Les Jéfuites ont été plus finceres: ils ont reconnu qu'ils étoient véri tablement l'objet de cette Satire.

Et je fens que ta vûe échauffe mon audace.
Viens, approche: Voyons, malgré l'âge & fa glace,
Si ma Mufe aujourd'hui fortant de fa langueur,

Pourra trouver encore un refte de vigueur.
25 Mais où tend, dira-t-on, ce projet fantastique?
Ne vaudroit-il pas mieux dans mes vers, moins cauftique,
Répandre de tes jeux le fel divertiffant?

Que d'aller contre toi fur ce ton menaçant Pouffer jufqu'à l'excès ma critique boutade? 30 Je ferois mieux, j'entends, d'imiter Benferade.

C'est par lui qu'autrefois, mife en ton plus beau jour, Tu fus, trompant les yeux du Peuple & de la Cour, Leur faire, à la faveur de tes bluettes folles,

Goûter comme bons mots tes quolibets frivoles.

35 Mais ce n'eft plus le temps. Le Public détrompé, D'un pareil enjoûment ne fe fent plus frappé.

Tout le monde fait, que Mr. Despreaux ayant commencé, de faire imprimer, en 1710, une édition de fes Œuvres, où cette Pièce fur l'Équivoqué devoit entrer, ils obtinrent un Ordre du Roi pour empêcher qu'elle n'y parût; & cela fit que Mr. Despreaux ne voulut point que l'on continuât cette nouvelle édition. Par la même raifon, on n'a pas permis que cette Pièce fut inférée dans l'édition pofthume de 1713. DU MONTEIL.

VERS 20. Se vienne, en nombre pair, joindre à fes Onze Sœurs.) Cette expreffion eft heureuse, pour marquer le nombre de douze. La plûpart des Amis de l'Auteur lui avoient demandé une douzieme

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Satire, pour figurer avec fes douze Epîtres. En récitant ce vers, il mettoit l'aspiration au mot, onzé, ne l'uniffant pas avec l's qui eft à la fin du mot précédent.

VERS 27. Répandre de res jeux le fel divertissant.) Il difoit tantôt le fel divertisant, & tantôt le fel réjouiffant : Il auroit même préféré ce dernier, s'il ne l'avoit pas employé dans l'Épitre X. à fes Vers.

VERS 30. Je ferois mieux... d'imiter Benferade.] Furetiere dans fon fecond Factum contre l'Académie Françoife dit, que,,BENSE "RADE s'étoit érigé en Galant dans la vieille Cour, par des Chanfon

Tes bons mots, autrefois délices des ruelles, Approuvés chez les Grands, applaudis chez les Belles, Hors de mode aujourd'hui chez nos plus grands badins, 40 Sont des collets-montés & des vertugadins.

Le Lecteur ne fait plus admirer dans Voiture
-De ton froid jeu de mots l'infipide figure.
C'eft à regret qu'on voit cet Auteur fi charmant.
Et pour mille beaux traits vanté fi juftement,
45 Chez toi toûjours cherchant quelque fineffe aiguë,
Préfenter au Lecteur fa penfée ambiguë,

Et fouvent du faux fens d'un proverbe affecté,
Faire de fon difcours la piquante beauté.

Mais laiffons-là le tort qu'à fes brillans Ouvrages
so Fit le plat agrément de tes vains badinages.
Parlons des maux fans fin que ton fens de travers,
Source de toute erreur, fema dans l'Univers:

Et pour les contempler jufques dans leur naissance, Dès le temps nouveau-né, quand la Toute - Puiffance 55 D'un mot forma le Ciel, l'Air, la Terre & les Flots,. N'est-ce pas toi, voyant le Monde à peine éclos, Qui, par l'éclat trompeur d'une funeste pomme, Et tes mots ambigus, fis croire au premier homme, Qu'il alloit, en goûtant de ce morceau fatal,

"nettes, & des vers de Ballet, qui lui avoient acquis quelque réputa"tion pendant le regne du mauvais "Goût, des Equivoques & des Pointes qui fubfifte encore chez lui." Furetiere répete encore la même raillerie dans fon troifieme Factum.

VERS 40. Sont des Collets-montés, & des Vertugadins.] Les Colletsmontés & les Vertus adins étoient anciennement des pièces de l'habillement des femmes.

CHANG. Vers 49. Mais laiffonslà le tort, &c.) Premiere maniere:

60 Comblé de tout favoir, à Dieu fe rendre égal?
Il en fit fur le champ la folle expérience.
Mais tout ce qu'il acquit de nouvelle fcience,
Fut que trifte & honteux de voir fa nudité,
Il fût qu'il n'étoit plus, grace à sa vanité,
65 Qu'un chétif animal paitri d'un peu de terre,
A qui la faim, la foif, par-tout faifoient la guerre,
Et qui courant toûjours de malheur en malheur,
A la mort arrivoit enfin par la douleur.

Qui, de tes noirs complots & de ta triste rage
70 Le Genre humain perdu fut le premier ouvrage.
Et bien que l'Homme alors parut fi rabaiffé,
Par toi contre le Ciel un Orgueil infenfé,
Armant de fes neveux la gigantefque engeance,
Dieu réfolut enfin, terrible en fa vengeance,
75 D'abîmer fous les eaux tous ces audacieux.
Mais avant qu'il lâchât les éclufes des Cieux,
Par un fils de Noé fatalement fauvée,
Tu fus, comme ferpent, dans l'Arche confervée,
Et d'abord pourfuivant tes projets fufpendus
so Chez les Mortels reftans, encor tout éperdus,
De nouveau tu femas tes captieux menfonges,
Et remplis leurs efprits de fables & de fonges.
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Tes voiles offufquant leurs yeux de toutes parts,
Dieu difparut lui-même à leurs troubles regards.

Alors tout ne fut plus que ftupide ignorance,
Qu'impiété fans bornes en fon extravagance.

Puis de cent dogmes faux la Superftition,

Répandant l'idolâtre & folle illufion,

Sur la terre, en tout lieu difpofée à les fuivre, 90 L'Art fe tailla des Dieux d'or, d'argent & de cuivre, Et l'Artifan lui-même humblement profterné

Aux pieds du vain métal par fa main façonné,
Lui demanda les biens, la fanté, la sagefse:
Le Monde fut rempli de Dieux de toute efpece.
95 On vit le Peuple fou, qui du Nil boit les eaux,

Adorer les Serpens, les Poiffons, les Oiseaux,

Aux Chiens, aux Chats, aux Boucs, offrir des facrifices,
Conjurer l'Ail, l'Oignon, d'être à fes vœux propices;
Et croire follement maîtres de fes deftins

Ico Ces dieux nés du fumier porté dans fes jardins.
Bientôt te fignalant par mille faux miracles,

Ce fut toi qui par-tout fis parler les Oracles.
C'est par ton double fens, dans leurs difcours jetté,

reftans, qui fait la Céfure, l'Auteur,
en récitant ce vers, faifoit un long
repos, pour bien faire fentir que
reftans ne doit pas fe joindre avec
ce qui fuit: encor tout éperdus.

VERS 85. Alors tout ne fut plus.)
C'eft ainfi qu'il faut lire, & non pas,
Ce ne fut plus, comme on l'a mis dans
toutes les copies tant imprimées
que manufcrites,

VERS 89. Sur la terre, en tout lieu.) Il faut ainfi, & non pas, en tous lieux.

VERS 97. Aux Chiens, aux Chats, aux Boucs.) Dans la plûpart des Copies on lit: qux Chiens, aux Chats, aux Rats. C'est une faute groffiere, qui doit être fi peu fur le compte de l'Auteur, que toutes les fois qu'il

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