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Le Frere au même instant s'arma contre le Frere:

Le Fils trempa fes mains dans le fang de fon Pere:
La foif de commander enfanta les Tyrans,

Du Tanaïs au Nil porta les Conquérans : 185 L'Ambition paffa pour la Vertu fublime:

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Le Crime heureux fut jufte & ceffa d'être Crime,
On ne vit plus que haine & que divifion,
Qu'envie, effroi, tumulte, horreur, confusion.

Le véritable Honneur fur la voute céleste

190 Eft enfin averti de ce trouble funefte.

Il part fans différer, & defcendu des Cieux
Va par-tout fe montrer dans les terreftres lieux:
Mais il n'y fait plus voir qu'un vifage incommode.

In quorum fubiere locum fraudes-
que, dalique,

Infidiæque, & vis, & amor fceleratus
habendi, &c,
Fratrum quoque gratia rara
eft.....

Filius ante diem patrios inquirit in

annos,

VERS 184. Du Tanaïs au Nil p por ta les Conquérans.) Juftin rapporte, que les premiers Conquérans fortirent de la Scythie, arrofée par le Tanais, & chafferent Vexoris, ou Séfoftris, Roi d'Egypte, qui les vouloit foumettre a fa domination, Juftin, L. 2. C. 3. Cambyfe, fils de Cyrus, avoit déja conquis l'Egypte, Iď. L. 1. c. 9.

IMIT. Vers 204. Et peut-être eftce lui qui m'a dicté ces vers.] Regnier a fait une Satire contre l'Honneur:

Mais, mon Dieu, que ce Traître eft d'une étrange forte!

Tandis qu'à le blâmer, la Raison me transporte,

Que de lui je médis, il me flatte, & me dit,

Que je veux par ces vers acquérir fon crédit.

C'est tout ce que Mr. Despreaux a imité de cette Satire de Regnier.

Mr. Pafcal a dit auffi dans fes Penfées, ch. 24. Ceux qui écrivent contre la gloire, veulent avoir la gloire d'avoir bien écrit ; & ceux qui le lifent, veulent avoir la gloire de l'avoir lu: & moi qui écris ceci, j'ai peut-être cette envie, & peut-être que ceux qui le liront, l'auront aussi.

Ciceron s'eft moqué le premier

c'eft la Satire VI. où il dit à la fin: de ceux qui mettoient leurs noms a

On n'y peut plus fouffrir fes Vertus hors de mode, 195 Et lui-même traité de Fourbe & d'Impofteur

Eft contraint de ramper aux pieds du Séducteur.
Enfin las d'effuyer outrage fur outrage,

Il livre les Humains à leur trifte esclavage,
S'en va trouver fa Soeur, & dès ce même jour
200 Avec elle s'envole au célefte Séjour.

Depuis, toujours ici, riche de leur ruine,

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Sur les triftes Mortels le faux Honneur domine, Gouverne tout, fait tout dans ce bas Univers, Et peut-être eft-ce lui qui m'a dicté ces vers. 205 Mais en fut-il l'Auteur, je conclus de fa Fable, Que ce n'eft qu'en Dieu feul qu'eft l'Honneur véritable.

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DISCOURS

DE L'AUTEUR, Pour fervir d'Apologie à la XII. Satire.

Q

I

Velque heureux fuccès qu'ayent eu mes Ouvrages, j'avois réfolu depuis leur derniere Edition de ne plus rien donner au Public; & quoiqu'à mes heures perdues, 2 il y a environ cinq ans, j'eusse encore fait contre l'Équivoque une Satire, que tous ceux, à qui je l'ai communi quée, ne jugeoient pas inférieure à mes autres Écrits, bien loin de la publier, je la tenois foigneufement cachée, & je ne croyois pas que, moi vivant, elle dût jamais voir le jour. Ainfi donc auffi foigneux déformais de me faire oublier, que j'avois été autrefois curieux de faire parler de moi, je jouiffois, à mes infirmités près, d'une affez grande tranquillité, lorfque tout d'un coup j'ai appris qu'on débitoit dans le monde fous mon nom quantité de méchans Ecrits, 3 & entre autres une Pièce en vers contre les Jéfuites, également odieufe & infipide, où l'on me faifoit en mon propre nom dire à toute leur Société les injures les plus atroces & les plus groffieres. Pavoue

1.

Depuis leur derniere Edit.) une Épître d'environ foixante vers.

En 1701.

2. Il y a environ cinq ans.) Ce Difcours fut compofé en 1710.

3. Et entre autres une Pièce en vers.) L'Ouvrage dont il s'agit ici, étoit

Mr. Despreaux fut très - mortifié d'apprendre, qu'on l'en croyoit l'Auteur. Voici dans quels ter mes il en marqua fa penfée à un Jéfuite du College de Louis le Grand. Je déclare, qu'il ne s'eft jamais rien fait de plus mauvais, ni

DISC. DE L'AUTEUR SUR LA XII. SATIRE. 203

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que

que cela m'a donné un très-grand chagrin. Car bien tous les gens fenfes ayent connu fans peine, que la Pièce n'étoit point de moi, & qu'il n'y ait eu que de très-petits efprits qui ayent préfumé que j'en pouvois être l'Auteur, la vérité eft pourtant que je n'ai pas regardé comme un médiocre affront, de me voir foupçonné, même par des Ridicules, d'avoir fait un Ouvrage fi ridicule,

J'ai donc cherché les moyens les plus propres pour me laver de cette infamie: & tout bien confidéré, je n'ai point trouvé de meilleur expédient, que de faire imprimer ma Satire contre l'ÉQUIVO QUE; parce qu'en la lifant, les moins éclairés même de ces petits efprits ouvriroient peut être les yeux, & verroient manifeftement le peu de rapport qu'il y a de mon ftyle, même en l'âge où je fuis, au ftyle bas & rampant de l'Auteur de ce pitoyable Ecrit. Ajoutez à cela, que je pouvois mettre à la tête de ma Satire, en la donnant au Public, un Avertiffement en maniere de Préface, où je me juftifierois pleinement, & tirerois tout le monde d'erreur. C'est ce que je fais aujourd'hui, & j'espére, que le peu que je viens de dire, produira l'effet que je me fuis propofé. Il ne me refte donc plus maintenant qu'à parler de la Satire pour laquelle eft fait ce Difcours.

de plus fottement injurieux que cette groffiere boutade de quelque Cuiftre de College de l'Univerfité; & que fi je l'avois faite, je me mettrois moi-même bien au deffous des Coras, des Pelle tiers, & des Cotins. Il ajoûtoit dans une autre Lettre au même: Je ne perdrai jamais la mémoire du fervice

confidérable que vous m'avez rendu en contribuant fi bien à détromper les hommes de l'horrible affront que l'on me vouloit faire, en m'attribuant le plus plat, & le plus monftrueux libelle qui ait jamais été fait. Ces Lettres font entre les mains de l'Auteur de ces Remarques.

Je l'ai compofée par le caprice du monde le plus bizarre, & par une espèce de dépit & de colere poëtique, s'il faut ainfi dire, qui me faifit à l'occafion de ce que je vais 'raconter. Je me promenois dans mon jardin à Auteuil, & rêvois en marchant à un Poëme que je voulois faire contre les mauvais Critiques de notre fiecle. J'en avois même déja compofé quelques vers, dont j'étois affez content. Mais voulant continuer, je m'apperçus, qu'il y avoit dans ces vers une équivoque de langue; & m'étant fur le champ mis en devoir de la corriger, je n'en pus jamais venir à bout. Cela m'irrita de telle maniere, qu'au lieu de m'appliquer davantage à réformer cette équivoque, & de poursuivre mon Poëme contre les faux Critiques, la folle pensée me vint de faire contre l'Équivoque même, une Satire, qui put me venger de tous les chagrins qu'elle m'a caufés depuis que je me mêle d'écrire. Je vis bien, que je ne rencontrerois pas de médiocres difficultés à mettre en vers un sujet fi fec. Et même il s'en préfenta d'abord une qui m'arrêta tout court. Ce fut de favoir duquel des deux genres, mafculin ou féminin, je ferois le mot d'Équivoque, beaucoup d'habiles Écrivains, ainfi que le remarque Vaugelas, le faifant mafculin. Je me déterminai pourtant affez víte au féminin, comme au plus ufité des deux. Et bien loin que cela empêchát l'exécution de mon projet, je crus, que ce ne feroit pas une méchante plaifanterie de commencer ma Satire par cette difficulté même. C'est ainsi que je m'engageai dans la compofition

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