Penfez-vous qu'ébloui de vos vaines paroles, J'ignore qu'en effet tous ces difcours frivoles 695 Ne font qu'un badinage, un fimple jeu d'efprit D'un Cenfeur, dans le fond, qui folâtre & qui rit, Plein du même projet qui vous vint dans la tête, Quand vous plaçâtes l'Homme au deffous de la Bête? Mais enfin, vous & moi, c'eft affez badiner. zoo Il est temps de conclure; & pour tout terminer, D'Ange, ce font vos inots, fe transformoit en Diable: Lui dire: Hé bien, Madame, il faut nous féparer. Nous ne fommes pas faits, je le vois, l'un pour l'autre. 710 Mon bien fe monte à tant: Tenez, voilà le vôtre. M v taire, Tout dépend, en un mot, du "bon choix qu'on fait faire. Il ne faut pas prendre les Poëtes à la lettre: Aujourd'hui c'eft chez eux la fête du Célibat; Demain c'est la fête du Mariage: Aujourd'hui "l'Homme eft le plus for de tous les »Animaux: Demain c'eft le feul »Animal capable de juftice, & en cela femblable à Dieu. VERS 708, Il faut nous féparer, &c.) Ce vers & les fuivans contiennent la formule du Libelle de Divorce, qui étoit en ufage anciennement. Res tuas tibi habeto: Tuàs res tibi agito. &c. Loi 2. §. 1. au Digefte Tit, de divortiis & repudiis. Partez: Délivrons-nous d'un mutuel fouci. Alcippe, tu crois donc qu'on fe fépare ainfi? Pour fortir de chez toi, fur' cette offre offenfante, As-tu donc oublié qu'il faut qu'elle y confente? 715 Et crois-tu qu'aifément elle puiffe quitter Le favoureux plaifir de t'y perfécuter? Bientôt fon Procureur, pour elle ufant fa plume, De fes prétentions va t'offrir une volume. Car, grace au Droit reçu chez les Parifiens, 720 Gens de douce nature, & Maris bons Chrétiens, Dans fes prétentions une Femme eft fans borne. Alcippe, à ce difcours je te trouve un peu morne. Des Arbitres, dis-tu, pourront nous accorder. Des Arbitres..... Tu crois l'empêcher de plaider? VERS 719. Il eft riche, & de plus il demeure pourtant elles n'apportent prefque rien que le bonheur de leur fexe, & la faveur de nos Coûtumes. »Enfin à bien parler, elles font "les principales héritieres de leurs "Maris. VERS 726. C'est le Procès qu' u'elle aime.) Ce portrait de la Femme plaideufe, a été formé fur la Où des Dames, dit-on, eft le vrai Comtelle de CRISSE, dont on a Paradis: Et, ce qui vaut bien mieux que tou tes ces richesses, Les Maris y font bons, & les Femmes parlé ci-devant fur le vers 105, de la Satire troifieme. L'Antiquité a auffi produit des Monftres de cette espèce-là; témoin la fameufe Afrania, Femme d'un Sénateur Romain, Elle fut la plus grande Chicaneufe que l'on vit jamais on n'entendoit qu'elle dans tous les Tribunaux, & par fon impudence elle mérita que toutes les Femmes plaideufes fuffent appellées de fon nom. Valer. Max, l. 8. c, 3. n. 2. VERS 721. Dans fes prétentions une Femme eft fans borne.) La Coù tume de Paris eft extrêmement favorable aux Femmes.,,Parmi nous, dit PATRU, Plaid. 9. les Femmes "ont des Douaires & des Preciputs; VERS dernier. Et belles partagent la communauté, où de maux réduit à la reprendre.) pour comble 725 Sur ton chagrin déja contente d'elle-même, Ce n'eft point tous fes droits, c'est le procès qu'elle aime; Pour elle un bout d'arpent, qu'il faudra difputer, Vaut mieux qu'un Fief entier acquis fans contefter. Avec elle il n'eft point de droit qui s'éclairciffe, 730 Point de procès fi vieux qui ne se rajeuniffe; Et fur l'art de former un nouvel embarras, Devant elle. Rolet mettroit pavillon bas. Crois-moi, pour la fléchir trouve enfin quelque voie: Ou je ne réponds pas dans peu qu'on ne te voie 735 Sous le faix des procès abattu, consterné, Trifte, à pied, fans Laquais, maigre, fec, ruiné, L'Auteur s'applaudiffoit beaucoup Il y a une remarque importante LA BRUYERE, Ouvrage, qu'il eftimoit d'ailleurs infiniment; que cet Écrivain s'étoit libéré des tranfitions, qui étoient ce qu'il y avoit de plus difficile dans les Ouvrages d'efprit. Au refte, on trouvera l'Apologie de cette Satire, & de fon Auteur dans une Lettre écrite par Mr. ARNAULD, Docteur de Sorbone, imprimée dans le IV. Volume de cette Edition des Ouvrages de notre Poëte. A SATIRE XI. M. DE VALINCOUR, CONSEILLER DU ROI EN SES CONSEILS, Secretaire Général de la Marine, & des Commandemens de Mon feigneur le Comte de Toulouse. Oui, l'Honneur, VALINCOUR, eft chéri dans le Monde: Chacun pour l'exalter en paroles abonde; A s'en voir revêtu chacun met fon bonheur; ; Et tout crie ici bas, l'Honneur! vive l'Honneur ! s Entendons difcourir fur les bancs des Galeres, Ce Forçat abhorré même de fes Confreres; Il plaint, par un Arrêt injuftement donné, L'Honneur en fa perfonne à ramer condamné. En un mot, parcourons & la Mer & la Terre: to Interrogeons Marchands, Financiers, Gens de guerre, Le fujet de cette Satire eft le vrai lefquels ils prouverent leur Noblef& le faux Honneur. Elle fut fe depuis JEAN BOILEAU, Secompofée à l'occafion d'un Procès cretaire du Roi, ennobli avec JEAN que le Commis à la recherche des fon fils, en l'année 1371. & ils Ufurpateurs du titre de Nobleffe, furent maintenus en la qualité de avoit intenté à Mr. GILLES BOI- Nobles & d'Ecuyers par Arrêt du LEAU, Payeur des rentes de l'Hôtel 10. d'Avril, 1699. de Ville de Paris, en exécution de la Déclaration du Roi, du 4 Septembre 1696. Mr. l'Abbé BOILEAU, Docteur de Sorbone, Chanoine de la Sainte-Chapelle, & Mr. Boileau Despreaux fon Frere, intervinrent dans ce Procès, auquel ils avoient le même intérêt que Mr. Gilles Boileau, leur Coufin. Ils produifirent des titres incontestables, par Ce Procès excita la mauvaise humeur de Mr. Despreaux, qui ne pouvoit fouffrir l'injuftice ni les vexations des Partifans. Il en vouloit fur- tout à Bourvalais, fameux Traitant, qui étoit un des principaux Intéreffés à la recherche des faux Nobles: & ce fut presque uniquement pour se venger de lui que Mr. Despreaux entreprit cette Courtifans, Magiftrats; chez Eux, fi je les croi, Cependant, lors qu'aux yeux leur portant la lanterne, J'examine au grand jour l'efprit qui les gouverne, 15 Je n'apperçois par-tout que folle Ambition, Foibleffe, Iniquité, Fourbe, Corruption; Que ridicule Orgueil de foi-même idolâtre. Le Monde, à mon avis, eft comme un grand Théâtre, Où chacun en public l'un par l'autre abusé, 20 Souvent à ce qu'il eft, joue une rôle oppofé. Tous les jours on y voit, orné d'un faux visage, Impudemment le Fou représenter le Sage, L'Ignorant s'ériger en Savant fastueux, Et le plus vil Faquin trancher du Vertueux. 25 Mais, quelque fol efpoir dont leur orgueil les berce, Bientôt on les connoît, & la Vérité perce. On a beau fe farder aux yeux de l'Univers; A la fin fur quelqu'un de nos vices couverts Satire. Il commença à la composer à une action mémorable du Duc de Naples. Ce Seigneur étant un VERS 5. Entendons difcourir fur * Dans l'Épitre V. v. 112. & dans la X. v. 96. |