Page images
PDF
EPUB

Mais bien-tôt la Raifon arrivant au fecours, Vient d'un fi beau projet interrompre le cours, Et me fait concevoir, quelque ardeur qui m'emporte, Que je n'ai ni le ton, ni la voix affez forte. 135 Auffi-tôt je m'effraye, & mon efprit troublé Laiffe là le fardeau dont il eft accablé;

Et fans paffer plus loin, finiffant mon ouvrage, Comme un Pilote en mer, qu'épouvante l'orage, Dès que le bord paroît, fans fonger où je fuis, 140 Je me fauve à la nage, & j'aborde où je puis.

des Indes Orientales, à laquelle Sa Majefté accorda de grands privilèges, fournit des fommes confiderables, & prêta des vaiffeaux pour le premier embarquement.

Où le Soleil le forme &c.) Dans l'édition de 1674 on avoit mis: Où le Soleil fe forme en fe levant. Cette faute d'impreffion eft remarquable.

Le Commentateur auroit dû nous apprendre ce qu'il trouve de remar

quable dans cette faute d'impression. DU MONTEIL.

IMITATION. Vers 138. Comme un Pilote en mer, &c.] Le Bembe a dit dans une Lettre à Hercule Strozzi: Equidem in his concludendis Elegis, feci idem quod Nauta folent, qui tempeftate coacti, non cum portum capiunt quem petunt, fed ad illum qui proximus eft, deferuntur. P. Bembus, Epift. L. 3.

SATIRES.

D

[ocr errors][merged small]

AMON ce grand Auteur, dont la Mufe fertile

Amufa fi long-temps & la Cour & la Ville:

Cette Satire a été commencée ticuliers; lorfqu'un jour l'Abbé

vers l'année 1660., & c'eft le premier ouvrage confiderable que notre Auteur ait compofe. If y décrit la retraite & les plaintes d'un Poëte, qui ne pouvant plus vivre à Paris, va chercher ailleurs une deftinée plus heureufe.

C'eft une imitation de la troifieme Satire de JUVENAL, dans la quelle eft auffi décrite la retraite d'un Philofophe qui abandonne le féjour de Rome, à caufe des vices affreux qui y regnoient. Juvénal y décrit encore les embarras de la même ville; &, à fon exemple, Mr. Despreaux, dans cette premiere Satire, avoit fait la déscription des embarras de Paris; mais il s'apperçut, que cette défcription étoit comme hors d'oeuvre, & qu'el le faifoit un double fujet. C'eft ce qui l'obligea à l'en détacher, & il en fit une Satire particuliere, qui eft la fixieme.

Il ne faifoit pas grand cas de cette Piece. A peine avoit-il pû fe réfoudre à la lire à quelques amis par

GILLES BOILEAU.

FURETIERE, qui avoit été reçu depuis peu à l'Académie Françoife, rendit une vifite au Frere de Mr. Despreaux, qui étoit fon Ami, & fon Confrère. Comme Mr. Boileau l'Académicien étoit forti, Furetiere s'arrêta avec Mr. Despreaux, & lût cette Satire. Il en fut fort content; & quoi qu'elle fût affez éloignée de la perfection à laquelle l'Auteur l'a portée depuis, il convint de bonne foi qu'elle valoit beaucoup mieux que toutes celles qu'il avoit faites lui-même t. Il encouragea ce jeune Poëte à continuer; & lui demanda même une copie de la nouvelle Satire, qui devint bientôt publique par les autres copies qu'on en fit. Certe Satire étoit alors dans un état bien différent de celui auquel l'Au¬ teur la mit avant que de la faire imprimer: car, de 212. vers qu'elle contenoit, il n'en a confervé qu'environ foixante. Tout le reste a été ou fupprimé ou changé.

VERS 1. Damon, ce grand Auteur, &c.) Damon: FRANÇOIS

Il y a 5. Satires de FURETIERE imprimées.

Mais qui n'étant vétu que de fimple bureau,

Paffe l'été fans linge, & l'hiver fans manteau : s Et de qui le corps fec, & la mine affamée, N'en font pas mieux refaits pour tant de renominée : Las de perdre en rimant & fa peine & fon bien, D'emprunter en tous lieux, & de ne gagner rien, Sans habits, fans argent, ne fachant plus que faire, 10 Vient de s'enfuir chargé de fa feule mifere;

Et bien loin des Sergens, des Clercs, & du Palais, Va chercher un repos qu'il ne trouva jamais :

CASSANDRE, Auteur célèbre de ce temps-là. Il étoit favant en Grec & en Latin, & faifoit affez bien des vers François; mais fon humeur bourrue & farouche, qui le rendoit incapable de toute fociété, lui fit perdre tous les avantages que la fortune pût lui préfenter: de forte qu'il vêcut d'une maniere très-obfcure & très-miférable. »Il mourut "tel qu'il avoit vécu; c'est-à-dire, "très mifantrope, & non feule»ment haiffant les hommes, mais "ayant même affez de peine à fe reconcilier avec Dieu, à qui, di»foit-il en mourant, il n'avoit "aucune obligation *. Le Confeffeur qui l'affiftoit à la mort, vou lant l'exciter à l'amour de Dieu, par le fouvenir des graces que Dieu lui avoit faites: Ah! oui, dit Caffandre, d'un ton chagrin & ironique, je lui ai de grandes obligations; il m'a fait jouer ici bas un joli perfonnage! Et comme fon Confeffeur infiftoit a lui faire reconnoitre les graces du Seigneur: Vous favez, dit-il, en redoublant l'amertume de fes reproches, & montrant le grabat fur lequel il étoit couché : Vous favez

[blocks in formation]

*Lettre de Mr. Despreaux à Mr. de Maucroix. On trouvera cette Lettre dans le IV. Tome. DU MONTEIL.

« PreviousContinue »