295 Ou qu'il voit la Juftice, en groffe compagnie, Mener tuer un homme avec cérémonie? Que penfe-t-il de nous, lors que fur le Midi Lors qu'il entend de loin, d'une gueule infernale, 300 La Chicane en fureur mugir dans la Grand' Sale? Que dit-il quand il voit les Juges, les Huiffiers, Les Clercs, les Procureurs, les Sergens, les Greffiers? O! que fi l'Ane alors, à bon droit mifanthrope, Pouvoit trouver la voix qu'il eut au temps d'Efope! 305 De tous côtés, Docteur, voyant les Hommes fous, Qu'il diroit de bon cœur, fans en être jaloux, Content de fes chardons, & fecouant la tête: Ma foi, non plus que nous, l'Homme n'eft qu'une bête! 121 SATIRE IX. C'EST 'EST à vous, mon Efprit, à qui je veux parler; 5 Mais puifque vous pouffez ma patience à bout, L'Auteur adreffe cette Satire à fon Efprit. Après la publication des fept premieres Satires, il fut affail li par une foule d'Auteurs, dont il avoit parlé peut-être avec trop de franchife. Ce fut pour leur répondre, & pour faire en même temps fon Apologie, qu'il conçut l'idée de cette Pièce, Mais fon embarras fut de favoir comment il exécuteroit ce deffein: car il vouloit éviter l'écueil dans lequel fes Ennemis avoient donné; c'est-à-dire, la chaleur, l'emportement, & par conféquent les injures groffieres. Il jugea donc qu'il n'avoit pas d'autre ton à prendre que celui de la plaifanterie, pour tourner fes Ennemis en ridicule, fans leur donner aucune prise fur lui. C'est ce qu'il exécuta d'une maniere inimitable dans cette Satire, qui eft entierement dans le goût d'Horace. Là, fous prétexte de cenfurer fes propres défauts, ou ceux de fon Esprit, il fe juftifie de tous les crimes que fes Adverfaires lui imputoient, & les couvre eux-mêmes d'une nouvelle confufion. Il fe fait fon procès à foi-même, pour le faire à tous les autres. Cette Satire eft fans contredit la plus belle de toutes, & celle où il y a le plus d'art, d'invention, & de fineffe. En un mot, on peut hardiment l'oppofer, & peut-être même la préférer à tout ce que l'Antiquité nous a fourni de plus parfait en ce genre. M. Despreaux la compofa en 1667. mais il ne la fit imprimer que l'année fuivante, après avoir compofé & publié la Satire de l'Homme. Cette derniere Satire, qui eft la huitieme, eut un fuccès extraordinaire. Le Roi lui-même, à qui on en fit la lecture, en parla plufieurs fois avec de grands éloges. Le St. de SAINT-MAURIS, Chevau-leger de la Garde du Roi, qui en fut témoin, lui dit que Boileau avoit fait une autre Satire qui étoit encore plus belle que celle-là, & dans la quelle il parloit de Sa Majefté. Le Roi lui dit fierement, mais avec quelque furprife: Hy parle de moi, dites-vous? Oui, Sire, répondit St. Mauris; mais il en parle avec tout le refpect qui eft du à Votre Majesté. Alors le Roi témoigna de la curiofité pour la voir; & St. Mauris lui *Il avoit l'honneur d'approcher de la perfonne du Roi, parce qu'il lui mon troit à tirer en volant. On croiroit à vous voir, dans vos libres caprices, Difcourir en Caton des vertus & des vices, Décider du mérite & du prix des Auteurs, 10 Et faire impunément la leçon aux Docteurs, Qu'étant feul à couvert des traits de la Satire, Vous avez tout pouvoir de parler & d'écrire. Mais moi, qui dans le fond fais bien ce que j'en crois, Qui compte tous les jours vos défauts par mes doigts, 15 Je ris, quand je vous vois, fi foible & fi ftérile, Prendre fur vous le foin de réformer la Ville, Dans vos difcours chagrins plus aigre, & plus mordant, Qu'une Femme en furie, ou Gautier en plaidant. Mais répondez un peu. Quelle verve indifcrete, 20 Sans l'aveu des neuf Sœurs, vous a rendu Poëte? Sentiez-vous, dites-moi, ces violens tranfports, promit de la demander à l'Auteur, qui étoit de fes amis. Mr. Despreaux lui remit en effet une copie de la Satire à fon Esprit, en lui faifant promettre qu'il ne la montreroit qu'au Roi. Le Roi l'ayant lue la fit voir à quelques perfonnes de fa Cour. Madame la Maréchale de la Mothe, Gouvernante de Monfeigneur, en fit faire une copie qui en produifit bientot quantité d'autres. Ainfi, c'eft en quelque façon, de la main du Roi même que cette Pièce a paffé dans les mains du Public. L'Auteur craignant qu'on ne l'imprimât fur quelque copie défectueufe, fe détermina à la faire imprimer lui-même; & l'accompagna d'un petit Difcours en profe, où il juftifie, par l'autorité des Poëtes anciens & modernes, la li berté qu'il s'eft donnée dans fes Satires, de nommer les Auteurs. VERS 7. On croiroit à vous voir, &c.) Ce vers & les trois fuivans, qui défignent les Satires précédentes, particulierement la huitieme, furent ajoûtés par l'Auteur, quand il voulut la faire imprimer; car celle-ci avoit été faite avant la huitieme. Il y avoit auparavant : Vous croyez, qu'à couvert des traits de la Satire, &c, VERS 14. Qui compte tous les jours vos défauts par mes doigts.] Cette expreffion proverbiale, compter par les doigts, étoit déja en ufage parmi les Latins: Supputare articulis. VERS 18. Ou Gautier en plaidant.] CLAUDEGAUTIER, Qui d'un efprit divin font mouvoir les refforts? Qui ne vole au fommet tombe-au plus bas degré: Que fi tous mes efforts ne peuvent réprimer Là, mettant à profit vos caprices divers, Avocat célèbre, & très - mordant: c'eft pourquoi on le furnomma : Gautier la Gueule. Quand un Plaideur vouloit intimider fa partie, il la menaçoit de lui lâcher Gautier. Son éloquence n'étoit point reglée; c'étoient des faillies & des impétuofités fort inégales. Son feu s'éteignoit même dans le repos, & il avoit befoin d'être animé par l'action de-là vient que fes Plaidoyers imprimés, fur lefquels il avoir réflechi, ne font que de foibles copies de leurs originaux. Il logeoit dans la Cour du Palais, & mourut le 16. de Septembre 1666. âgé de 76. ans, VERS 21. Sentiez-vous.) Dans les dernieres éditions de l'an 1701. faites in quarto, & in douze, l'Imprimeur a mis: Sentez-vous; mais c'eft une faute. IMIT. Vers 26. Qui ne vole au fommet tombe au plus bas degré.) Horace, Art Poëtique, vers 378. Si paulum à fummo difceffit, vergit ad imum. VERS 28. On rampe dans la la Remarque fur le vers 17. de la fange avec l'Abbé de Pure.) Voyez Satire II. IMIT. Vers 30. Cet afcendant malin, &c.) Horace, Liv. IÏ. Sat■ I. vers 10. & fuiv. Aut fi tantus amor fcribendi te ras pit, aude Cafaris invidi res dicere; mulsa laborum Mais en vain, direz-vous, je penfe vous tenter Par l'éclat d'un fardeau trop pefant à porter. Tout Chantre ne peut pas, fur le ton d'un Orphée, 40 Entonner en grands vers la Difcorde étouffée, Peindre Bellone en feu tonnant de toutes parts, Et le Belge effrayé fuyant fur fes remparts. Sur un ton fi hardi, fans être téméraire, Racan pourroit chanter au défaut d'un Homere; 45 Mais pour Cotin & moi, qui rimons au hazard, Que l'amour de blâmer fit Poëtes par art; Quoi qu'un tas de Grimauds vante notre éloquence, 50 Déshonore à la fois le Héros & l'Auteur. VERS 44. Racan pourroit chanter, &c.) HONORAT DE BEUIL, Marquis de RA CAN, Poëte eftimé. Deficiunt: neque enim quivis hor- Il étoit de l'Académie Françoife, & rentia pilis mourut en 1670. Agmina, nec fracta pereuntes cufpide Gallos, Pramia laturus. Cupidum, Pater Aut labentis equo defcribat vulne- VERS 45. Mais pour Cosin & moi, &c.) Allufion aux Satires que l'Abbé Cotin avoit faites contre notre Auteur, & dont on a parlé fur le vers 60. de la Satire III. IMIT. Ibid. Mais pour Cotin & moi, &c.) Juvénal, Sat. I. v. 79. VERS 42. Et le Belge effrayé &c.) Cette Satire a été faite dans le temps que le Roi prit Lille, au mois d'Août, 1667. Dans la même Cam pagne il fe rendit maitre de plu. Qualemcumque poteft, quales ego, fieurs autres villes de Flandres, vel Cluvienus. Si natura negat, facit indignatio verfum, |