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65 Ce Maître prétendu, qui leur donne des loix,

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Ce Roi des animaux, combien a-t-il de Rois? L'Ambition, l'Amour, l'Avarice, la Haine, Tiennent comme un forçat son esprit à la chaîne. Le fommeil fur fes yeux commence à s'épancher. 70 Debout, dit l'Avarice, il eft temps de marcher. Hé laiffez-moi. Debout. Un moment. Tu repliques? A peine le Soleil fait ouvrir les boutiques. N'importe, leve-toi. Pourquoi faire après tout? Pour courir l'Océan de l'un à l'autre bout, 75 Chercher jufqu'au Japon la porcelaine & l'ambre, Rapporter de Goa le poivre & le gingembre. Mais j'ai des biens en foule, & je puis m'en paffer. On n'en peut trop avoir; & pour en amaffer, Il ne faut épargner ni crime ni parjure:

80 Il faut fouffrir la faim, & coucher fur la dure: Eût-on plus de tréfors que n'en perdit Galet, N'avoir en fa maifon ni meubles ni valet:

du Royaume de Barca. Il y a beaucoup de Lions dans les déferts de Barca.

IMIT. Vers 69. Le fommeil fur Jes yeux commence &c.] Perfe, Šatire V. vers 132. & fuiv.

Gv

Caftoreum, ftuppas, ebenum, thus,
Lubrica Coa;

Tolle recens primus piper è fitiente
Camelo,

Verte aliquid, jura.

VERS 76. Rapporter de Goa.]

Mane piger fiertis: furge, inquit Capitale des États que les Portugais

Avaritia: eia,

Surge. Negas; inftat: Surge, in-
quit. Non queo. Surge.

En, quid agam? Rogitas? en Saper-
dam advehe Ponto,

poffédent dans les Indes Orientales. Cette ville eft célèbre par fon Port de mer, & par le grand commerce qui s'y fait.

VERS SI. Eût-on plus de tréfors que n'en perdit Galet.] Fameux

Parmi les tas de bled vivre de feigle & d'orge.

De peur de perdre un liard, fouffrir qu'on vous égorge. 85 Et pourquoi cette épargne enfin? L'ignores-tu ?

Afin qu'un Héritier bien nourri, bien vêtu,
Profitant d'un tréfor en tes mains inutile,

De fon train quelque jour embarrasse la Ville.
Que faire? il faut partir. Les Matelots font prêts.
90 Ou, fi pour l'entrainer l'argent manque d'attraits,
Bientôt l'Ambition, & toute fon escorte,

Dans le fein du repos, vient le prendre à main forte L'envoye en furieux au milieu des hazards,

Se faire eftropier fur les pas des Céfars,

95 Et cherchant fur la breche une mort indifcrette, De fa folle valeur embellir la Gazette.

Joueur, qui avoit gagné au jeu des fommes immenfes, qu'il reperdit dans la fuite. Il avoit fait bâtir à Paris l'Hôtel de Sulli, dans la rue St. Antoine; mais il le joua en un coup de dés. Après avoir perdu tout fon bien, il alloit encore jouer, diton, avec les Laquais dans les rues, & même fur les degrés de la maifon,qui lui avoit appartenu. Regnier a fait mention de ce Joueur dans fa quatorzieme Satire.

Comme fur un bon fond de rente & de receptes,

Deffus fept ou quatorze il affigne fes debtes.

Il n'y a pas long-temps, dit Ménage, qu'il y avoit à Chinon une famille du nom de Galet: GALET le Joueur étoit de cette famille, & ULRICH ou HURLI GALET, Maître des Requêtes de Grandgoufier, en étoit auffi *. Ménage l'avoit Gallet a fa raifon; & qui croira oui dire à Galet le Joueur. Dit. Etymol, au mot Galet.

fon dire,

Le hazard pour le moins lui pro-
met un Empire,

Toutefois au contraire étant léger

& net,

VERS S4. De peur de perdre un liard, fouffrir qu'on vous égorge.] Ce vers & les fix précédens font allufion

à l'avarice outrée du LieutenantCriminel Tardieu, & de fa femme, N'ayant que l'espérance & trois dés qui avoient été affaffinés dans leur

au cornet,

* Rabelais, I. 30.

maison, fur le Quai des Orfevres.

Tout-beau, dira quelqu'un, raillez plus à propos;
Ce vice fut toûjours la vertu des Héros.

f

Quoi donc? à votre avis, fut-ce un fou qu'Alexandre? 100 Qui? cet écervelé; qui mit l'Afie en cendre?

Ce fougueux l'Angéli, qui de fang altéré,

Maître du Monde entier, s'y trouvoit trop ferré?
L'enragé qu'il étoit, né Roi d'une Province,
Qu'il pouvoit gouverner en bon & fage Prince,
105 S'en alla follement, & penfant être Dieu,

Courir comme un Bandit qui n'a ni feu ni lieu;
Et traînant avec foi les horreurs de la guerre,
De fa vafte folie emplir toute la terre.

Heureux! fi de fon temps, pour cent bonnes raisons, 110 La Macédoine eût eu des Petites - Maifons,

Leur aventure eft décrite dans la Satire X. Voyez les Remarques au même endroit.

CHANG. Vers 91. Bientôt l'Ambition & toute fon efcorte.] Dans les premieres éditions il y avoit: Avec meilleure escorte.

VERS 101. Ce fougueux l'Angéli.] Le Pere BoUHOURS, dans fon quatrieme Dialogue de la Maniere de bien penfer, dit en parlant de certains faits hiftoriques qui deviennent obfcurs par le temps: Ï'en

dis autant du nom que porte Alexan,,dre dans la Satire contre l'Homme. "Ce fougueux l'Angéli, &c. Cela eft ,,clair maintenant, parce que nous ,,favons que l'Angéli étoit un Fou ,,de la Cour, que le Prince de Con,,dé avoit amené de Flandres. Et ,,fi cela devient obfcur avec le ,,temps, il ne faut pas s'en prendre à ,,l'Auteur. Voyez le vers 112. de

la Satire I. & la Remarque fur ce même vers, où il est parlé de l'Angéli.

IMIT. Vers 102. Maître du Monde entier, s'y trouvoit trop ferré?) Juvénal, Sat. X. vers 168.

Unus Pellao Juveni non fufficit
Orbis :

Eftuat infelix angufto limite mundi.
On peut voir Sénèque, de Benef.
L. 1. c. 13,

VERS 110. La Macédoine eût eu des Petites-Maifons.] Les Petites-Maifons font un Hôpital de Paris, où l'on enferme les Fous. Voyez la Remarque fur le vers 4. de la Satire IV.

S. DES MARÊTS a cenfuré Mr. Despreaux d'avoir fait ici la Satire d'Alexandre le Grand d'une maniere qui retombe fur Louis XIV.,,Voilà,

Et qu'un fage Tuteur l'eût, en cette demeure,
Par avis de Parens, enfermé de bonne heure.

Mais fans nous égarer dans ces digreffions;
Traiter, comme Senaut, toutes les paffions,
115 Et les diftribuant par claffes & par titres,
Dogmatifer en vers, & rimer par chapitres :
Laiffons- en difcourir la Chambre, ou Coëffeteau;
Et voyons l'Homme enfin par l'endroit le plus beau.
Lui feul vivant, dit-on, dans l'enceinte des Villes,
120 Fait voir d'honnêtes mœurs, des coûtumes civiles,

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„dit-il, un Poëte bien judicieux, de
condamner_aux Petites - Maifons
"un fi grand Roi, qui fortit de fon
"État, ayant entrepris de venger la
"Grece des ravages que Xerxes y
"avoit faits, & de dompter l'Afie;
"& de ne confidérer pas qu'il offen-
"fe le Roi, qui eft forti de fon Etat
"pour paffer en Flandres, & dans la
Hollande." Pradon dans fes Nou-
velles Remarques fur tous les Ouvrages
du Sieur D*** (Despreaux), impri-
mées en 1685., lui fait le même re-
proche:,,Il ne fe fouvient pas, dit-
,,il, que ce même Alexandre qu'il
,,traite de fou & d'écervellé eft dans
,,d'autres endroits l'image de notre
,,Grand Monarque, & le Héros au
,,quel il le compare dans fon Art
»Poëtique,

"Qu'il foit tel que Céfar, Alexandre,
ou Louis.

DU MONTEIL. VERS 114. Traiter, comme Senaut, toutes les paffions.] Le P. JEAN FRANÇOIS SENAUT, Général de la Congrégation de l'Oratoire, a fait un Traité de l'ufage des Paffions.

VERS 117. Laiffons- en difcourir ta Chambre, ou Coëffeteau.] MARIN

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VERS 119. Lui feul vivant, diton, dans l'enceinte des Villes, &c.) Ce vers, & les trois fuivans, font d'une facilité, & d'une douceur admirables: Cependant l'Auteur difoit, que, de tous les vers, qu'il avoit faits, c'étoient ceux-ci qu'il avoit le plus travaillés, & qui lui avoient couté le plus de temps & de peine.

IMIT. Vers 125. Voit-on les Loups brigands,&c.) Horace, Epode VII. v. II. 12.

Neque hic lupis mos, nec fuit leo

nibus

Unquam, nifi in difparibus feris.

Se fait des Gouverneurs, des Magiftrats, des Rois,
Observe une police, obéit à des loix.

Il est vrai. Mais pourtant, fans loix & fans police, Sans craindre Archers, Prévôt, ni Suppot de Juftice, 125 Voit-on les Loups brigands, comme nous inhumains, Pour détrouffer les Loups, courir les grands chemins? Jamais pour s'agrandir, vit-on, dans fa manie Un Tigre en factions partager l'Hyrcanie?

L'Ours a-t-il dans les bois la guerre avec les Ours? 130 Le Vautour dans les airs fond-il fur les Vautours?

Juvénal a étendu la même pensée,
dans fa XV. Satire, vers 159. & fuiv.

Sed jam ferpentum major concor-
dia: parcit

Cognatis maculis fimilis fera. Quan

do leoni

dimicat: ferpentium morfus non petir ferpentes: ne maris quidem bellua ac pifces, nifi in diverfa genera, fæviunt. At, Hercules! homini, plurima ex homine funt mala. Plin. L. VII. in princ. On peut voir les réflexions que Mr. BAYLE a faites fur cet endroit de notre Poëte, dans fon Dictionnaire hiftorique & critique, au mot, Barbe,

Fortior eripuit vitam leo? quo ne- Remarque C.

more umquam

Exfpiravit aper majoris dentibus
apri?

Indica tigris agit rabida cum tigri-
de pacem
Perpetuam: fævis inter fe convenit
urfis.

Aft homini, &c.

Notre Auteur a parfaitement bien
traduit le Latin de ces deux Poëtes,
& y a joint d'autres exemples. Il
a aufli vifé à ce paffage de Pline le
Naturalifte: Denique, cætera ani-
mantia in fuo genere probe degunt:
congregari videmus & ftare contra dif-
fimilia. Leonum feritas inter fe non

VERS 128.

-Partager l'Hyrcanie?] Province de la Perfe, au Midi de la Mer Cafpienne.

CHANG. Vers 129. L'Ours a-t-il dans les bois la guerre avec les Ours?] Ce vers étoit ainfi dans les premieres éditions:

L'Ours fait-il dans les bois la guerre avec les Ours?

Tous les Amis de l'Auteur, particulierement Mr. de Brienne *, La Fontaine, & Racine, remarquerent que l'on ne difoit pas: Faire la guerre avec quelqu'un mais à quelqu'un ; & qu'ainfi il falloit dire: L'Ours fait-il la guerre aux Ours? Chacun s'efforça de corriger ce vers, mais

* Secretaire d'État qui entra dans la Congrégation de l'Oratoire l'an 1664,

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