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aggraver cette lutte, pour créer de nouveaux éléments de désaffection entre les associés à l'œuvre commune, le moment où notre industrie subit une crise formidable, dont les prétentions, de plus en plus exagérées, des salariés sont une des causes principales.

Nous avons parlé, en commençant, de la création dans notre pays, d'une aristocratie nouvelle. Le mot n'est pas exagéré; en voici la preuve. En 1850, l'État a créé, en faveur de la classe ouvrière, une

caisse d'assurances en cas de vie à des conditions fort onéreuses pour lui; en 1868, il a fondé deux autres caisses d'assurances, l'une en cas de mort, l'autre en cas d'accident, à des conditions qui n'auraient pas été moins onéreuses s'il avait réussi à les populariser. L'exemple de l'Allemagne qui vient de créer l'assurance des ouvriers contre les maladies, en notable partie aux dépens des patrons, ne sera très probablement pas perdu pour nous. Il en sera de même du vote prochain, par le Parlement (allemand, de l'assurance en cas d'accidents, et enfin, de la troisième assurance que le chancelier de l'Empire considère comme le couronnement de son œuvre humanitaire (sic), l'assurance contre l'incapacité de travail résultant de l'âge ou des infirmités, assurance à laquelle les patrons, les communes et l'État devront prendre une part considérable.

Le jour où fonctionneront toutes ces assurances, il est évident que la classe ouvrière aura une situation privilégiée.

REVUE DE LA JURISPRUDENCE

(Cour d'appel de Paris [4° ch.]. — Audience du 7 mars 1883.)

.Présidence de M. Senart.

La dissolution d'une Société d'assurances mutuelles entraîne la nullité de toutes les polices.

Une police de réassurance contractée sur l'avis du Conseil général, autorisé par les statuts à régler le mode de la liquidation, ne saurait obliger cependant l'assuré mutualiste dont la police n'est point arrivée à terme.

L'Assemblée générale de la Compagnie d'assurances mutuelles la Prudence a voté, le 9 octobre 1879, à l'unanimité des membres présents, la dissolution de la Société.

On avait en même temps garanti les risques existant au moyen

d'un contrat de réassurances à une Compagnie à primes fixes.

Le liquidateur a demandé à M. Charron, souscripteur d'une police d'assurances à la Prudence, le paiement de sa cotisation pour 1880. Celuici a refusé le paiement en opposant l'annulation de la police par suite de la mise en liquidation de la Société.

Le Tribunal de la Seine a rendu le jugement suivant, le 20 août 1881:

« Le Tribunal,

«En ce qui touche la demande principale :

« Attendu que le chiffre de la réclamation de Lefrançois se trouve justifié par l'ensemble des documents produits.

<< En ce qui touche la demande reconventionnelle :

«< Attendu que si la mise en liquidation de la Société la Prudence a été prononcée par l'assemblée générale des actionnaires, les garanties auxquelles les assurés ont droit n'ont pas été diminuées en fait; « Qu'un contrat de réassurances a été, en effet, réalisé par ladite Compagnie, avant sa liquidation, dans les termes de ses statuts;

«

Que, dans ces conditions, l'assemblée générale a pu valablement décider que la Prudence continuerait jusqu'à leur extinction l'exécution des polices consenties;

« Que, par suite de cette décision et des garanties fournies pour le paiement des sinistres, Charron n'est pas fondé à demander la résiliation de son contrat d'assurances.

« Par ces motifs,

« Déclare Charron mal fondé en ses demandes, fins et conclusions; L'en déboute;

« Le condamne à payer à Lefrançois ès noms la somme de 558 fr. 95, avec les intérêts de droit du jour de la demande;

«Et le condamne aux dépens. >>

M. Charron a interjeté appel, et Me Closset, son avocat, en a développé les moyens.

Me Lecointe a plaidé pour M. Lefrançois, liquidateur de la Prudence. Sur les conclusions conformes de M. l'avocat général Pradines, la Cour a rendu l'arrêt suivant :

« La Cour,

<< Considérant que si, en règle générale, il est reconnu qu'une Société dissoute subsiste pour sa liquidation, et, qu'à ce sujet, elle peut encore valablement agir pour le recouvrement de son actif et le paiement de son passif, on ne saurait en conclure que la Société d'assurances mutuelles la Prudence ait pu, après avoir prononcé sa

dissolution à la date du 9 octobre 1879, prétendre continuer à l'égard de ses associés mutualistes l'exécution de leurs contrats jusqu'à l'entière expiration de chacun d'eux;

«Que ladite Société n'ayant pas eu d'autre objet que de créer entre les sociétaires des droits et des engagements éventuels et réciproques, pour le cas de sinistres qui leur surviendraient, il y a contradiction à déclarer que le lien social d'où dérivaient ces droits et engagements est rompu, et à vouloir, après cette rupture, maintenir les effets de ces mêmes droits et engagements.

« Que l'effet cessant avec la cause qui le produit, il est manifeste que le contrat de Société ayant été résolu le 9 octobre 1879, l'a été avec toutes ses conséquences;

« Qu'il s'en suit que c'est sans droit que Lefrançois, ès-nom, a entendu le faire valoir encore contre Charron, pour l'année 1880, et lui a réclamé, comme formant sa contribution sociale afférente à ladite année, le paiement d'une somme de 558 fr. 95;

<< Considérant d'ailleurs que le contrat dont Lefrançois poursuit l'exécution contre Charron n'est même plus celui auquel ce dernier s'était obligé, et par lequel il s'engageait comme les autres associés mutualistes à fournir à la Société une portion contributive annuelle établie dans les limites d'un maximum déterminé, et d'après les charges sociales de chaque exercice, mais un autre contrat qui a été substitué au premier et qui repose comme élément principal sur une réassurance effectuée à une autre Compagnie d'assurances à primes fixes, donnant lieu à une prime simplement proportionnelle aux valeurs assurées;

«Que cette substitution n'a point été consentie par Charron; « Qu'elle est, à son égard, arbitraire;

« Qu'elle ne peut l'obliger, et qu'il est fondé à la repousser;

« Qu'en vain on articule qu'elle résulte d'une décision du conseil général de la Société, autorisé par les statuts à régler le mode de liquidation;

«Que ce serait fausser la portée de cette disposition que d'en faire découler le droit pour le conseil général de dénaturer l'engagement social qu'avait pris Charron, et de lui imposer une obligation autre et d'un caractère tout différent.

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<< Statuant à nouveau :

« Déclare Lefrançois, ès nom, mal fondé dans ses demandes;

« L'en déboute;

<«< Ordonne la restitution de l'amende et condamne Lefrançois, èsnom, aux dépens de première instance et d'appel. »

BIBLIOGRAPHIE

L'Almanach des Assurances pour 1884. Armand ANGER, libraire-éditeur. 48, rue Laffitte.

Chaque édition nouvelle de l'Almanach des Assurances permet de constater les soins que l'éditeur ne cesse d'apporter à cette intéressante publication. L'Almanach de 1884 après avoir examiné en détail les diverses combinaisons d'assurances sur la vie et leurs différentes applications fait connaître les raisons de la sécurité absolue que présentent les Compagnies françaises et résume tous les renseignements utiles aux assurés.

Différentes petites monographies complètent l'ouvrage et font ressortir d'une façon très attachante tous les avantages des œuvres d'économie et de prévoyance. Nous avons remarqué notamment quelques pages pleines d'enseignements utiles et moraux telles que La Cigale et la Fourmi, Trop pauvre ou trop riche. C'est là de la bonne et saine doctrine. Mais l'auteur ne s'est pas borné à conseiller l'épargne, il a voulu combattre encore certains préjugés et l'article Treize à table, en prouvant par des chiffres, l'inanité de la légende qui attache au nombre treize des idées fatidiques contribuera certainement à calmer les inquiétudes des convives qui se trouveront réunis autour d'une table où le quatorzième fera défaut.

La partie scientifique des assurances n'a pas été oubliée. Les tables des placements à intérêts composés, les formules pour déterminer la vie moyenne intéresseront ceux qui cherchent à se rendre un compte exact de l'économie financière des assurances.

En un mot la publication de la Librairie des Assurances, a tout ce qu'il faut pour justifier le succès suivi auquel elle est habituée depuis longues années et l'almanach de 1884 ne sera pas moins apprécié que ceux qui l'ont précédé. Nous ne nous permettrons qu'une seule critique; pourquoi l'Almanach des Assurances ne parle-t-il que d'une seule branche de cette industrie? Une petite place, s. v. p. en 1885 pour les assurances contre l'incendie et contre les accidents.

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