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re des Anciens & des Modernes où Monfieur Defpreaux combattit avec tant de fuccés en faveur de ce grand Poëte.

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Il faut efpérer que ceux qui fe font fait une fauffe gloire de refifter aux traits du défenfeur d'Homere, fe feront honneur de ceder aux graces d'une nouvelle Traduction (4) qui le faifant connoître à ceux mefmes à qui fa Langue eft inconnue, fait mieux fon éloge que tout ce qu'on pourroit efcrire pour fa defenfe. Chef-d'œuvre véritablement digne d'eftre loué dans le Sanctuaire des Muses, & honoré de l'approbation de ceux qui y font affis.

Mais c'eft en vain qu'un Auteur choifit le vray pour modelle. Il est tousjours fujet à s'efgarer, s'il ne prend auffi la raison pour guide.

Monfieur Defpreaux ne la perdit jamais de vûë: & lors que pour la venger de tant de mauvais Livres, où elle eftoit cruellement maltraitée, il entreprit de faire des Satires, elle luy apprit à éviter les excés de ceux qui en avoient fait avant luy.

Juvenal, & quelquefois Horace mesme, (avoüons-le de bonne foy) avoient attaqué les vices de leur temps avec des armes qui faifoient rougir la Vertu.

Regnier peut-eftre en cela feul, fidelle Difciple de ces dangereux Maiftres, devoit à cette honteufe licence une partie de fa reputation; & il fembloit alors que l'obfcenité fût un fel abfolument neceffaire à la Satire; comme on s'eft imaginé, depuis que l'amour devoit eftre le fondement, & pour ainfi dire, l'ame de toutes les Pieces de Theatre.

REMARQUES.

(4) Traduction de Madame Dacier, BROSS.

Seroit-ce une véritable folie,ou fimplement ne feroit-ce qu'un excès de franchife, de dire que sette Traduction fi vantée, &

cependant fi fort au deflous de fa réputation, a fait parmi nous plus de tort aux Ouvrages d'Homère, que toutes les Critiques de Desmarets, de Perranlet & de La Motte ?

Monfieur Defpréaux fçut mesprifer de fi mauvais exemples dans les mefmes Ouvrages qu'il admiroit d'ailleurs. Il ofa le premier faire voir aux hommes une Satire fage & modefte. Il ne l'orna que de ces graces aufteres, qui font celles de la Vertu mefme ; & travaillant fans ceffe à rendre fa vie encore plus pure que fes Ecrits, il fit voir que l'amour du vray, conduit par la Raison, ne fait pas moins l'homme de bien que l'excellent Poëte.

Incapable de déguisement dans fes mœurs, comme d'affectation dans fes Ouvrages, il s'eft tousjours monftré tel qu'il eftoit; aimant mieux, difoit-il, laiffer voir de véritables défauts, que de les couvrir par de fauffes vertus.

Tout ce qui choquoit la Raifon ou la Verité, excitoit en luy un chagrin, dont il n'eftoit pas maistre, & auquel peut-eftre fommes-nous redevables de fes plus ingenieuses compofitions. Mais en attaquant les desfauts des Efcrivains, il a tousjours épargné leurs perfonnes.

Il croïoit qu'il eft permis à tout homme qui fçait parler ou efcrire de cenfurer publiquement un mauvais Livre que fon Auteur n'a pas craint de rendre public; mais il ne regardoit qu'avec horreur ces dangereux ennemis du Genre humain, qui fans refpect ni pour l'amitié, ni pour la verité mefme, déchirent indifféremment tout ce qui s'offre à l'imagination de ces fortes de gens, & qui du fond des tenebres, qui les derobent à la rigueur des Loix, fe font un jeu cruel de publier les fautes les plus cachées, & de noircir les actions les plus innocentes.

Ces fentimens de probité & d'humanité n'estoient pas dans Monfieur Defpréaux des vertus purement civiles. Ils avoient leur principe dans un amour fincere pour la Religion, qui paroiffoit dans toutes les actions, & dans toutes fes paroles; mais qui prenoit encore de nouvelles forces, comme il arrive à tous

les

les hommes, dans les occafions où ils fe trouvoient conformes à fon humeur & à fon genie.

C'est ce qui l'animoit fi vivement contre un certain Genre de Poëfie, où la Religion lui paroiffoit particulierement offenfée.

Quoy, difoit-il à fes Amis, des maximes qui feroient horreur dans le langage ordinaire, fe produifent impunement dés qu'elles font mifes en Vers! Elles montent' fur le Theatre à la faveur de la Mufique, & y parlent plus haut que nos Loix. C'eft peu d'y étaler ces Exemples qui inftruifent à pecher,& qui ont esté deteftez par les Payens mesme. On en fait aujourd'hui des confeils, & mefme des preceptes: & loin de fonger à rendre utiles les divertiflemens publics, on affecte de les rendre criminels. Voila de quoy il eftoit continuellement occupé, & dont il euft voulu pouvoir faire l'unique objet de toutes fes Satires.

Heureux d'avoir pû d'une mefme main imprimer un oprobre éternel à des Ouvrages fi contraires aux bonnes mœurs: & donner à la Vertu, en la perfonne de noftre augufte Monarque, des louanges qui ne périront jamais.

EL OG E

DE M. DESPRÉAUX,

Par M. DE BOZE.

NICOLAS BOILEAU Steur Defpréaux naquit à Paris le premier jour de Novembre 1636

() & fut le onzième des enfans de Gilles Boileau; Greffier de la Grand-Chambre, homme célébre par fa probité & par fon expérience dans les affaires. Il fut élevé jufqu'à l'âge de fept à huit ans dans la maifon de fon pere, qui parcourant quelquefois les différens caractéres de fes enfans, & furpris de l'extrême douceur,de la fimplicité même qu'il croyoit remarquer en celui-ci, difoit ordinairement de lui, par une efpéce d'oppofition aux autres, que c'étoit un bon garçon qui ne diroit jamais mal de perfonne.

Il fit fes premiéres études au collège d'Harcourt, où il achevoit fa quatrième, lorfqu'il fut attaqué de la pierre; il fallut le tailler, & l'opération, quoique faite en apparence avec beaucoup de fuccès, lui laiffa cependant pour tout le refte de fa vie une trèsgrande incommodité. Dès qu'il fut en état de reprendre fes exercices, il alla en troifiéme au collège de Beauvais fous M. Sevin, qui enfeignoit cette claffe depuis prés de cinquante ans, & qui paffoit pour l'homme du monde qui jugeoit le mieux de l'efprit des jeunes gens. Les le Maîtres, les Gaultiers, les Patrus avoient étudié fous lui, & dès-lors il leur avoit prédit La gloire qu'ils acquerroient un jour dans le barreau, s'ils vouloient s'y attacher; il fut auffi le premier qui reconnut dans fon nouveau disciple un talent extraor

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dinaire pour les vers, & qui crut pouvoir affûrer fans reftriction qu'il fe feroit par là un nom fameux, perfuadé que quand on eft né Poëte, il faut abfolument

l'être.

Ce qui déceloit le génie & le goût de M. Defpréaux pour la Poefie, c'étoit moins les vers qui lui échapoient de temps à autre, qu'une lecture affiduë des Poëtes & des Romans qu'il pouvoit déterrer. On le furprenoit quelquefois au milieu de la nuit fur ces livres favoris, & ce qui arrive encore moins dans les Colléges, on étoit fouvent obligé de l'avertir aux heures des repas, quoique la cloche défiinée à cet' ufage fût précisément attachée à la fenêtre de fa chambre. Mais ce qui mérite fans doute une attention particulière, c'eft que cet amour des Romans, qué lui-même a depuis appellé une fureur, loin de lui gâter l'efprit par un amas confus d'idées bizarres, femble n'avoir fervi qu'à lui infpirer une critique plus exacte, & à lui fournir des traits plus vifs contre le ridicule. Tant il eft vrai qu'en fait de lecture, il n'y a point de régle générale, & qu'il y a des chofes qu'il eft quelquefois dangereux de lire, & qu'il eft cependant bon d'avoir lûës.

Quand M. Defpréaux eut fini fon cours de Philofo phie, il étudia en Droit, & fe fit recevoir Avocat. Rien ne paroiffoit lui mieux convenir; il joignoit à beaucoup de vivacité & de pénétration, un jugement für, une élocution facile, & une mémoire des plus heureuses. Il y avoit d'ailleurs près de trois fiécles que fa famille faifoit honneur à cette profession (2), & il tenoit encore au Palais par mille autres endroits : Fils, Frere, Oncle, Coufin, Beau-frere de Greffier. (3)

REMARQUES.

(2) DIALOGUE des Avosats de Loifel, page 494. DE

BOZE.

(3) Epift, . Di Bozi,

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