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té de faits, d'ufages, de portraits, d'allufions, que nous ignorons aujourd'hui, que l'on ignorera toujours, & dont néanmoins l'explication donneroit un grand jour à ces Auteurs! Au défaut de ces connoiffances, les Commentateurs qui font venus après, ont été obligés de fe renfermer dans la critique des mots, critique sèche, rebutante, peu utile ; & quand ils ont tenté d'éclaircir les endroits obfcurs, à peine ont-ils pû s'élever au deffus des doutes & des conjec

tures.

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L'obfcurité que l'éloignement des tems ne manque jamais de jetter fur les ouvrages de mœurs & de carac tères, reffemble à la pouffière qui s'attache aux tableaux, & qui en ternit les couleurs, fans les détruire entierement. Un œil habile peut quelquefois percer à travers ce voile, & découvrir les beautez de la Peinture: il en voit l'ordonnance & le deffein quoique le coloris en paroiffe prefque effacé. Un Commentateur tâche, pour ainsi dire, d'enlever la pouffiere qui couvroit fon Auteur, & de faire revivre les couleurs du tableau. Mais celui qui prépare un Commentaire sous les yeux de l'Auteur même, & de concert avec lui, prévient toute obfcurité, & conferve jufques aux moindres traits, ces traits délicats & prefque imperceptibles qui s'effacent fi aifément, & qu'il eft impoffible de rappeller quand une fois ils font effacés.

J'ai donc quelque fujet d'efperer que ce Commentaire fera utile & agréable au Public: on peut dire de ce genre d'Ouvrage, ce qu'un Ancien a dit de I'Hiftoire, qu'elle plaît, de quelque maniere qu'elle foit écrite. (1) La peinture qu'elle fait des vertus & des vices, des guerres, des changemens d'Etats, des révolutions mémorables, lui donne ce privilége. On ne verra ici que trés-peu de ces faits éclatans, mais on

REMARQUES.

(1) Hifloria quoquomodo fcripta delectat. Plin. L. s. Ep. 8. Bross.

y trouvera des particuliarités fecrettes, fouvent plus interreffantes par leur fingularité & par leur nouveauté. C'eft double fatisfaction, quand à la connoiffance générale des faits, on ajoûte celle des motifs & des caufes qui les ont produits. Un Lecteur s'aplaudit de devenir en quelque maniere le Confident d'un Ecrivain célèbre, & d'être admis dans le fecret de fes penfées. Il entre dans cette espèce de confidence, un air de miftère qui flatte également la curiofité & l'amour propre.

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Mes Notes font diftinguées par les titres de Changemens, Remarques & Imitations.

Dans le premier ordre de Notes, j'ai raporté les Changemens que l'Auteur a faits dans les diverfes éditions de fes Ouvrages, & quand je l'ai crû nécessaire, j'ai expliqué les raifons qui l'ont obligé à faire ces Changemens. Il ne fe contentoit pas de dire bien: il vouloit que l'on ne pût pas dire mieux. Souvent il a changé des endroits qui auroient paffé pour achevés, s'il n'en avoit pas fait apercevoir les défauts ou la foibleffe, par fes corrections. Rien peutêtre ne pouvoit mieux faire connoître fon génie, que de rapprocher ainfi fes differentes manieres de penfer & de s'exprimer fur un même fujet, quoique moins heureufes les unes que les autres. C'eft, fi j'ofe ufer de ce terme, la fucceffion généalogique de fes penfées. On y voit, par des exemples fréquens & bien marqués, les accroiffemens de l'efprit humain, & les progrés d'une critique auffi févère qu'éclairée. Qu'y a-t-il d'ailleurs de plus propre à former le goût, que la comparaifon qui fe peut faire à tout moment, des endroits changés de mal en bien, ou de bien en mieux ?

Les Remarques fuivent les Changemens, & font l'effentiel de mon Commentaire. Elles contiennent l'explication de tous les faits qui ont raport aux Ouvrages de l'Auteur, & dont la connoiffance est né

ceffaire pour la parfaite intelligence du Texte. Une matiere fi abondante & fi riche n'avoit pas befoin d'ornemens étrangers. Auffi n'ai-je rien tant recherché qu'un stile fimple, tourné uniquement au profit des Lecteurs, & débarraffé de toutes ces vaines fuperfluités qui, au lieu d'éclaircir le Texte, ne font que dégouter de la Critique.

Enfin, après les Remarques viennent les Imitations, c'est-à-dire, les paffages que Mr. Defpréaux a imitez des Anciens. Bien (2) loin qu'il eût honte d'avouer ces ingénieux larcins, il les propofoit, par forme de défi, à fes Adverfaires qui s'avifoient de les lui reprocher: & c'eft lui qui m'a indiqué, dans la lecture fuivie de tous fes Ouvrages, les fources les plus détournées où il avoit puifé. Auffi n'imitoit-il pas d'une maniere fervile. Les Poëtes médiocres ne font que raporter des paffages, fans y rien mettre du leur que la fimple Traduction, n'aïant ni affez d'adreffe, ni affez de feu pour fondre la matiére, felon la pensée d'un de nos meilleurs Ecrivains, (3) ils fe contentent de la foûder groffierement, & la foûdure paroît. On diftingue l'Or des Anciens, du Cuivre des Modernes. Mr. Defpréaux au contraire s'aproprioit les penfées des bons Auteurs, il s'en rendoit, pour ainfi dire, le maître, & ne manquoit jamais de les embellir en les emploiant. On ne doit pas cependant mettre fur fon compte tous les paffages que j'ai raportés car il y en a plufieurs qu'il n'a jamais vûs, ou qu'il n'a vûs qu'après-coup. Mais je ne laiffe pas de les citer, parce qu'il eft toûjours agréable de voir

REMARQUES.

(2) Dans l'Edition d'Amfierdam 1702. on marqua prefque tous les paflages des Poëtes La tins que M. Defpréaux avoit imités. Les Journalistes de Trévoux firent la deflus une réflexion qui

piqua M. DESPRE'AUX. Voïés les Remarques fur l'Epigramme XXVII. DU MONTEIL.

Ci, Tome II. Epigr. XLVII. (3) D'Ablancourt, Lettre I. à Patru. BROSS,

comment deux efprits fe rencontrent, & les différens tours qu'ils donnent à la même pensée. (4)

C'est l'envie d'être clair, qui m'a affujetti à l'ordre que je viens d'expliquer touchant le partage de mes Notes; & il m'a paru qu'en prenant fur moi le foin de faire cette diftribution, j'épargnois de la fatigue à mes Lecteurs. Car les uns peut-être ne s'embarrafferont pas des Imitations; d'autres mépriferont les Changemens, la plûpart s'en tiendront aux Remarques hiftoriques. Si j'avois tout confondu,il auroit fallu lire tout, pour trouver ce qu'on cherchoit : au lieu que de la maniére dont les chofes font difpofées chacun peut en un coup d'œil choisir ce qui eft de fon goût, & laiffer le refte. (5)

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Je finis par une réflexion importante, & peut-être Ja plus néceffaire de toutes, puis qu'elle contient l'Apologie de mon Commentaire. Quoi-que j'y faffe mention d'une infinité de perfonnes, on ne doit pas craindre d'y trouver de ces verités offenfantes, ni de ces faits purement injurieux, qui ne fervent qu'à flater la malignité, & qui déshonorent encore plus celui qui les publie, que ceux contre qui ils font pu bliez. İl eft de la prudence d'un Ecrivain qui met au jour des faits cachés & des perfonalités, de diftin guer ce que le public doit favoir, d'avec ce qu'il eft bon qu'il ignore. Suivant cette régle, je n'ai pas dit toutes les verités; mais tout ce que j'ai dit eft

RE

EMARQUES.

(4) C'est une chofe non feulement agréable mais utile, en ce qu'elle apprend à penfer, ou du moins à tourner de différentes manières une même penfée.

(5) Je pense à cet égard com me M. Broffette, & je crois qu'on a mal fait dans les Editions d'Hol

lande, faites d'après la fienne, d'entremêler ces trois différen tes fortes de Notes. Mon deffein êtoit de me conformer à cet égard à l'Edition de Genève ; mais la forme de celle-ci ne me l'a pas permis. Il me falloit fur tout fonger à ménager le terrain.

veritable, ou du moins je l'ai reçû comme tel. Enfin, je me fuis défendu féverement de tout ce qui n'auroit pû m'acquerir la gloire de Commentateur exact qu'aux dépens de la probité & de la religion.

AVERTISSEMENT

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Mis par M. DU MONTEIL à la tête de l'Edition d'Amfterdam de 1729. en 4. Vol. in-1 2.

LA derniere Edition que Mr. Despréaux publia de fes Ouvrages, parut en 1701. Il fe propofoit d'en donner une nouvelle Edition en 1710. On en avoit même imprimé quelques feuilles, lorfqu'il reçut un ordre du Roy de n'y point mettre la Satire fur l'Equivoque ; ce qui le chagrina fi fort, qu'il aima mieux abandonner cette Edition, que de la publier fans cette Piéce. Mr. Despréaux mourut l'année fuivante. Ses Amis (1) donnérent en 1713. une Edition de fes Oeuvres, telle qu'il l'avoit projettée, à l'exception de la Satire fur l'Equivoque, qu'il ne leur fut pas permis d'y joindre. Mais comme ceux qui s'opofoient à l'impreffion de cet Ouvrage, avoient moins de crédit dans les Etats Proteftans qu'ils n'en avoient à la Cour de France; on ne fit pas difficulté de l'inférer dans l'Edition des Oeuvres de Mr. Defpréaux, imprimée à Geneve en 1716. (2) Cette Edition eft enrichie d'un Commentaire, qui, outre les Remarques de Mr. Def

REMARQUES.

(1) M. l'Abbé Renaudot & M. de Valincour

(1) L'Edition de M. Broffette

fut faite à Genève en 1716. & c'eft par méprife que je l'ai quelquefois datée de 1717.

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