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devoir unique

but, on M. Despréaux , que l'on peut nommer , juste titre, le Poëte du Bon-sens & de la Vertu, vouloit atteindre dans tous ses Ecrits ; c'est ce qu’annonce la Devise, qu'il avoit fait graver au commencement de toutes ses Editions,

que j'ai placée au haut de cet Avertissement. En remplissant les vuës de M. Despréaux à l'égard de l'Utile, je n'ai pas du prétendre marcher sur fes traces par rapport à l'Agréable ; & sans doute on ne l'exige pas de qui n'a pour que d'inftruire.

C'est principalement aux jeunes gens, que je consacre mon travail ; oi c'est pour eux sur tous qu'il est vrai

que

la Critique doit s'exercer par préférence sur les meilleurs Auteurs. Ces Auteurs sont des modèles , dont il est nécessaire de faire remarquer les défauts à des Esprits , qui n'étant point capables de discerner par eux-même ce qui doit être regardé comme de véritables fautes, a moins encore ce qui ne

qui ne doit passer que pour des gligences , ont besoin qu'on les aide à faire mûrir en cuxle Jugement & le Goût. Mais , s'il est important d'apprendre à bien écrire , il est beaucoup plus important de s'accoutumer à penser avec justesse. Je n'ai donc pas borné ma Critique à ce qui m'a paru répréhensible pour le Stile. Je m'attache aufi

. trés-souvent au fonds des choses ; et lorsque j'averiis , à cet égard, de quelques inexactitudes échappées à M. Despréąux ; je crois me conform mer de plus en plus à ses intentions, e continuer,

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en quelque sorte, ce qu'il avoit fait pendant toute sa vie, c'est-à-dire , indiquer le véritable but on l'on doit tendre, & montrer la nécessité de préferer la Raison à l'Esprit.

En travaillant pour les jeunes Gens , j'ai voulu rendre aussi quelque service aux jeunes Maîtres. Je conçois quel doit être l'embaras de la plupart, quand, au lieu de cette abondance d'Idées , qu'ils sentent leur être nécessaire, ils n'en voient chés eux

Pune disette capable de les décourager. Je partage leur peine , & je leur offre ici, sur les matières qui se sont présentées, des secours, foibles à la vérité, mais qui , s'unissant à leurs propres lumières, ne doivent

pas

leur être absolument inutiles. Voilà toutes les vues que je me & les Lecteurs , auxquels j'ai des proposées ; & mes Dissertations Critiques. S'il leur en revient quelque avantage ; je n'aurai point à me repentir d'avoir mis deux ans à ce travail, qui n'est rien moins qu'amusant. S'ils n'en retirent au contraire aucun profit , je serai le premier à me condamner d'avoir si mal emploié mon tems, o je ne me croirai pas suffisamment justifié par la bonté de mes intentions.

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AVERTISSEMENT
Mis par M, BROSSETTE à la tête de four

Edition , qui parut à Genève en 1717, en
2. Volumes in-4°,

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E N publiant un Commentaire sur les Oeuvres de Monfieur Boileau-Despréaux , j'ai eu deflein de donner une édition du Texte, plus parfaite que toutes celles qui ont paru, Pour la rendre telle , j'ai raf semblé avec soin tout ce qui est forti de la plume de cet illustre Ecrivain. Je donne des Pièces encieres qui n'avoient pas encore vu le jour ; je conserve les endroits qu'il avoit retranchés de quelques éditions: enfin jusqu'aux moindres fragmens, tout se trouve ici, revů plus exactement que jamais.

J'ajoûte des Eclaircissemens historiques au Texte de l'Auteur ; & je n'impose point quand j'annonce dans mon titre , qu'ils m'ont été donnés par

l'Auteur Jui-mêne : car je n'avance presque rien qui ne soit tiré ou des conversations que j'ai euës avec lui, ou des lettres qu'il m'a écrites. La haute idée que j'avois de ses Ouvrages, m’aiant fait souhaiter de le connois tre, je ne trouvai en lui ni cette fauffe modestie , ni cette vaine ostentation, si ordinaires aux personnes qui ont acquis une réputation éclatante : &, bien different de ces Auteurs renommés qui perdent à être vûs de près, il ine parut encore plus grand dans sa Conversation que dans ses Ecrits.

Cette premiere entrevûe donna naissance à un commerce intime qui a duré plus de douze années. La grande inégalité de son âge & du mien , ne l'empêcha point de prendre confiance en moi: il m'ouvrit

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entierement son cæur; & quand je donne ce Commentaire, je ne fais proprement que rendre au Public le dépôt que cet illustre Ami m'avoit confié.

S'il eut la complaisance de m'apprendre toutes les particularitez de ses Ouvrages, je puis dire que de mon côté je ne négligeai rien de ce qui pouvoit me donner d'ailleurs une connoissance exacte de certains faits qu'il touche légerement , & dont il m'avoüoit qu'il ne sçavoit pas trop bien le détail. Mes recherches ne lui déplaisoient pas; de sorte qu'un jour comme je lui rendois compte de mes découvertes: A l'air dont vous y allez , me dit-il , vous sçaurez mieux votre Boileau que moi-même.

Ce n'est donc pas ici un tissu de conjectures, hazardées par un Commentateur qui devine: c'est le fimple récit d'un Historien qui raconte, fidellement & fouvent dans les inemes termes, ce qu'il a apris de la bouche de l'Auteur original. En un mot, c'est l'Histoire secrette des Ouvrages de Mr. Despréaux. Mais c'est aussi, en quelque façon, l'Histoire de son Siécle. Car comme il y a eu peu d'Ecrivains de ce tems-là qu'il n'ait nommés, en bien ou en mal ; peu d'évenemens de quelque importance, qu'il n'ait indiqués; mon Commentaire embrasse le détail de ces diverses matieres. Ainsi, l'on y trouvera quantité d'anecdotes litteraires & historiques, peut-être assez curieules d'elles-mêmes pour attacher les Lecteurs, & pour supléer à ces graces interreffantes que je lerois peu capable de répandre sur mon Ouvrage.

Bien loin de m'abandonner à cette aveugle prévention tant reprochée aux Commentateurs, j'ai raporté assez exactement les critiques qu'on a faites de mon Auteur, pour peu qu'elles m'aient paru sensées. J'ai crû, qu'à l'égard de mes Lecteurs, je devois moins me regarder comme l'Ami de la Personne, que comme l'Interprète & l'Historien de ses Ecrits.

En parlant des personnes qui y sont nommées, je

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me suis attaché particulierement à faire connoitre celles qui sont plus obscures , & dont les noms seroient peut-être ignorés sans les Satires de nôtre Aue teur. Dans le tems auquel il les publia, telle Personne étoit fort connuë à la Cour ou à la Ville, qui ne l'est plus maintenant : comme l'Angéli, le Savoiard, & un tas de mauvais Ecrivains qui sont nommés dans les Satires. Tel Evenement faisoit alors l'entretien de tout Paris, qui peu de tems après fut entierement oublié : comme le siége solltenu par les Auguftins dont il est fait mention dans le premier Chant du Lutrin. Voilà principalement quels sont les sujets abandonnés à la prévoïance d'un Commentateur contemporain, dont la fondion est de fixer de bonne heure la connoiffance des choses qui vraisemblablement ne pafferoient pas jusqu'à la posterité.

Cette réflexion s'adresse sur tout à ceux qui seroient tentés de rejetter quelques-unes de mes remarques , parce qu'elles leur paroîtroient moins importantes que la plupart de celles qui entrent dans ce Commentaire. J'ai eu dessein d'écrire pour tout le monde; pour les Etrangers aussi bien que pour les François ; pour la Pofterité encore plus que pour notre siécle. Dans cette vuë, ne devois-je pas expliquer ce qui regarde nos usages, nos modes & nos coûtumes ? Un François qui lira aujourd'hui mon Commentaire, ne sentira pas le besoin de cette explication; mais nos

eveux sans doute m'en sçauront gré: & les Notes qui peuvent maintenant paroître inutiles , ou qui semblent n'avoir été écrites que pour la simple curiofité, deviendront toujours plus néceffaires, à mesure que l'on s'éloignera du Pais & du siécle on nous vi

Quelle satisfa&tion & quel avantage ne feroit-ce pas pour nous, fi les Anciens avoient laissé des Eclaircissemens de cette forte, fur Horace, sur Perse, fur Juvenal! S'ils nous avoient inftruits fur une infini

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vons.

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