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Venez de mille ayeux ; & fi ce n'est afiez,
Feüilletez à loifir tous les ficcles paffez,

Voyez de quel Guerrier il vous plaift de defcendre;
Choififfez de Cefar, d'Achille, ou d'Alexandre:
55 En vain un faux Cenfeur voudroit vous démentir,
Et fi vous n'en fortez, vous en devez fortir.
Mais fuffiez-vous iffu d'Hercule en droite ligne,
Si vous ne faites voir qu'une baffeffe indigne,
Ce long amas d'ayeux, que vous diffamez tous,
60 Sont autant de témoins qui parlent contre vous;
Et tout ce grand éclat de leur gloire ternie
Ne fert plus que de jour à voftre ignominie.
En vain tout fier d'un fang que vous des-honnorez,
Vous dormez à l'abri de ces noms reverez.

65 En vain vous vous couvrez des vertus de vos Peres :
Ce ne font à mes yeux que de vaines chimeres.

Je ne voi rien en vous qu'un lâche, un impofteur,
Un traiftre, un fcelerat, un perfide, un menteur
Un fou, dont les accés vont jufqu'a la furie,
70 Et d'un tronc fort illuftre une branche pourrie.
Je m'emporte peut-eftre, & ma Mufe en fureur
Verfe dans fes difcours trop de fiel & d'aigreur.

REMARQUES.

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CHANG. Vers 55. En vain un tir. Il y avoit dans les ancienfaux Cenfeur voudroit vous démen- nes Editions:

En vain un lache efprit Ce qui ne formoit pas un fens bien net. L'Auteur y remédia en changeant deux mots, dans l'Edition de 1713.

voudroit vous démentir.

IMITATION. Vers 60. Sont autant de témoins, qui parlent contre vous.] JUVENAL a dit Sat. VIII. vers 138.

Incipit ipforum contra te ftare parentum
Nobilitas, claramque facem præferre pudendis.

Il faut avec les Grands un peu de retenuë.

Hé bien, je m'adoucis. Votre race eft connue. 75 Depuis quand; Répondez. Depuis mille ans entiers; Et vous pouvez fournir deux fois feize quartiers. C'est beaucoup: Mais enfin les preuves en font claires, Tous les livres font pleins des titres de vos Peres : Leurs noms font échappez du naufrage des temps: 80 Mais qui m'aflurera, qu'en ce long cercle d'ans, A leurs fameux Epoux vos Ayeules fideles, Aux douceurs des Galans furent toûjours rebelles ? Et comment fçavez-vous, fi quelque Audacieux N'a point interrompu le cours de vos ayeux : 85 Et fi leur fang tout pur, ainfi que leur noblesse, Eft paffé jufqu'à vous de Lucrece en Lucrece ? Que maudit foit le jour, où cette vanité

Vint ici de nos mœurs foüiller la pureté !

Dans les tems bienheureux du monde en fon enfance, 90 Chacun mettoit fa gloire en sa seule innocence.

REMARQUES.

--

Depuis dit fur le même fujet, Sat. IIF

IMIT. Vers 75. mille ans entiers. ] PERSE avoit V. 28.

:

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Stemmate quod Tufco ramum millefime ducis. CHANG. Vers 76. Deux quartiers. fois feize quartiers. ] Première manière: Du moins trente quartiers. L'Auteur corrigea ainfi Plus de trente quartiers. Mais il s'apperçut que l'une & l'autre de ces expreffions êtoient peu exactes; parce que les preuves de Nobleffe fe comptent par quartiers, en progreffion géométrique: quatre, huit, feize, trente-deux quartiers, &c. La plus haute preuve, que l'on fafle ordinairement,eft de trente-deux

CHANG. Vers 8<. ainfi que leur nobleffe. ] Avant l'Edition pofthume de 1713. il y avoit avecque leur nobleffe. VERS 86. De Lucrece en Lucrece.] La chafteté de Lucrèce, Dame Romaine eft fi célèbre, qu'elle a paflé en proverbe. L'Auteur m'a dit qu'un homme qui pourtant fe piquoit d'efprit, s'imaginoit bonnement qu'il parloit du Poëto Lucrèce, BROSSETTE,

Chacun vivoit content, & fous d'égales loix,
Le Merite y faifoit la nobleffe & les Rois;
Et fans chercher l'appui d'une naissance illustre,
Un Heros de foi-mefme empruntoit tout fon luftre.
95 Mais enfin, par le temps le Merite avili

Vit l'honneur en roture, & le vice annobli;

Et l'orgueil, d'un faux titre appuyant sa foibleffe,
Maîtrifa les Humains fous le nom de Nobleffe.

De là vinrent en foule & Marquis & Barons.
100 Chacun pour fes vertus n
n'offrit plus que des noms.
Auffi-toft maint efprit, fécond en réveries,
Inventa le blafon avec les armoiries;

De fes termes obfcurs fit un langage à part,
Compofa tous ces mots de Cimier, & d'Ecart,
1os De Pal, de Contrepal, de Lambel, & de Face,
Et tout ce que Segoing dans fon Mercure entafse.
Une vaine folie enyvrant la raison,

L'Honneur trifte & honteux ne fut plus de saison.
Alors, pour foutenir fon rang & sa naissance,
110 Il fallut étaler le luxe & la dépense;
Il fallut habiter un fuperbe palais,
Faire par les couleurs diftinguer fes valets:

REMARQUES.

VERS 106. Et tout ce que Segoing, &c.] Auteur qui a fait le Mercure Armorial. DE SP.

Dans les premières Editions, l'Auteur avoit mis Vulfon, au lieu de Segoing; parce qu'il avoit confondu ces deux Auteurs. Vulfon de la Colombiere a compofé la Science héroïque, traitant de la Nobleffe, & de l'origine des Armes,

de leurs Blazons & Symboles, &c. en 1644.

Charles Segoing, Avocat, a fait le Tréfor héraldique ou Mercure Armorial, imprimé en 1657. à Paris. Il y avoit Segond dans l'Edition de 1664. & dans les fuivantes, jufqu'à celle de 1713. où l'on mit Segoind, en eftropiant encore le nom.

Et traînant en tous lieux de pompeux équipages,
Le Duc & le Marquis fe reconnut aux Pages.

Bien-toft pour fubfifter, la Nobleffe fans bien
Trouva l'art d'emprunter, & de ne rendre rien ;
Et bravant des fergens la timide cohorte,
Laiffa le créancier fe morfondre à fa porte.
Mais pour comble, à la fin le Marquis en prifon
120 Sous le faix des procés vit tomber sa maison.
Alors le Noble altier, preffé de l'indigence,
Humblement du Faquin rechercha l'alliance,
Avec lui trafiquant d'un nom fi precieux,
Par un lâche contract vendit tous fes Ayeux;
125 Et corrigeant ainfi la fortune ennemie,
Rétablit fon honneur à force d'infamie.

Car fi l'éclat de l'or ne releve le fang,
En vain l'on fait briller la fplendeur de fon rang,
L'amour de vos ayeux passe en vous pour manie,
130 Et chacun pour parent vous fuit & vous renie.

REMARQUES.

VERS 114. Le Duc & le Marquis fe reconnut aux Pages. ] Tous les Gentilshommes confiderables en ce temps-là avoient des Pages. DES P.

CHANG. Vers 121. 122. & 123. Alors le Noble altier, &c.] Dans les Editions qui ont précédé celle de 1701. Ces trois vers êtoient ainfi :

Alors, pour fubvenir à fa trifte indigence,
Le Noble du Faquin rechercha l'alliance,
Et trafiquant d'un nom jadis fi précieux, &c.
Dans le fecond Vers, au lieu de
rechercha l'alliance, l'Auteur avoit
mis d'abord: emprunta l'alliance.
VERS 125. Et corrigeant ainfi
la fortune ennemie, &c. 1 Le Poëte
aïant befoin de deux Vers femi-
nins, fit ceux-ci par néceffité.
Le fens êtoit fini au Vers précé-

dent, Par un lâche contrat vendit
tous fes Aieux. Il êtoit bien dif-
ficile de trouver une pensée, qui
renchérit fur ce qui précédoit,
& plus difficile encore de ren-
fermer cette pensée en deux
Vers: c'est pourtant ce qu'il a
fait heureufement.

Mais quand un homme eft riche, il vaut toûjours fon prix;
Et l'euft. on vû porter la Mandille à Paris,

N'eût-il de fon vrai nom ni titre ni memoire,

D'Hozier lui trouvera cent ayeux dans l'Histoire.

135
Toi donc, qui de merite & d'honneurs revêtu,
Des écueils de la Cour as fauvé ta vertu,

Dangeau, qui dans le rang où nôtre Roi t'appelle
Le vois toûjours orné d'une gloire nouvelle,

Et plus brillant par foi, que par l'éclat des lis,
140 Dédaigner tous ces Rois dans la pourpre amollis :
Fuir d'un honteux loifir la douceur importune:
A fes fages confeils affervir la Fortune ;

Et de tout fon bonheur ne devant rien qu'à foi.
Montrer à l'Univers ce que c'est qu'estre Roi.
145 Si tu veux te couvrir d'un éclat legitime,
Va par mille beaux fais meriter son estime.
Sers un fi noble Maiftre; & fais voir qu'aujourd'hui
Ton Prince a des Sujets qui font dignes de lui.

REMARQUES.

VERS 132. la Mandille.] Petite cafaque qu'en ce temps-là portoient les Laquais. DESP. VERS 134. D'Hozier. ] Auteur très fçavant dans les Généalogies. DESF.

Pierre d'Hozier, Généalogifte de la Maifon du Roi, Juge général des Armes & Blazons de France, Père de Charles d'Hozier, héritier de fes emplois.

CHANG. Vers 148. Ton Prince a des Sujets qui font dignes de Lui.] Dans les premières Editions,le Vers 137, finiffoit ainfi,

Où ton Prince t'appelle; & dans le dernier Vers il y avoit : La Fran ce a des Sujets, DESMARESTS dans fa Défense du Poëme Heroïque,page 41. fit une jufte critique de cette expreffion. Un païs, dit-il, n'a pas des fujets, il a des habitans. C'eft le Roi qui a des fujets, & la France eft fujette au Roi. M. Defpréaux profita de la cenfure. Il prit dans le Vers 137. ton Prince qu'il mit dans celuici, au lieu de la France; & le remplaça dans l'autre par nêtre Roi,

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