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M.

DESPREAUX fe propofe dans la cinquiéme Satire faite en 1665. de montrer que la VERITABLE NOBLESSE, confifte bien moins dans la naissance que dans la vertu. JUVENAL, dans fa huitiéme Satire Sénèque, dans fa quarante-quatriéme Epitre à Lucilius, ont traité la même matière.

Dans la première Compofition, la cinquiéme Satire finiffoit par ce Vers:

D'Hozier lui trouvera cent ayeux dans l'Hiftoire. Mais M. le Marquis de Dangeau, à qui la Pièce eft adreffée, fut d'avis que M. Defpréaux la terminat par quelques Vers à la loüange du Roi, pour qu'elle fût mieux reçue à la Cour. Avant qu'elle fut imprimée, ce Marquis en fit la lecture à quelques Seigneurs dans une falle où joüoit le Roi, qui, s'en apercevant, quitta fon jeu, pour fe la faire lire. C'est le premier Ouvrage de notre Poëte, que ce Prince ait connu. Quelque tems après, on lui lut le Difcours au Roi, compofé dans la même année.

A peu près dans le tems que l'Auteur fit ces deux Pièces, Philippe de Courcillon, Marquis de Dangeau, fut fait Colonel du Régiment du Roi. Il fut enfuite Gouverneur de Touraine, & de la Ville & Château de Tours; Aide de Camp du Roi dans les Campagnes de 1672. & 1674. emploïé près de divers Princes étrangers pour des occafions importantes; Menin de Monfeigneur le Dauphin, Chevalier d'honneur de Madame la Dauphine, & enfuite de Madame la Ducheffe de Bourgogne; Chevalier des Ordres du Roi; Grand-Maître de l'Ordre de NotreDame du Mont-Carmel, & de faint Lazare ; & Confeiller d'Etat d'Epée. Il fut reçu à l'Académie Françoise en 1668. & Honoraire de l'Académie des Sciences en 1704. Il mourut à Paris le 13. Mai 1720. âgé de 84. ans. L'Abbé de Dangeau, auffi de l'Académie Françoife, étoit fon Frère.

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SATIRE V.

A M. LE

MARQUIS

DE DANGE A U.

LA Noblesse, Dangeau, n'eft pas une chimere,
Quand fous l'étroite loi d'une vertu fevere,
Un homme issu d'un fang fecond en Demi-Dieux,
Suit, comme toi, la trace où marchoient fes

ayeux.

Mais je ne puis fouffrir qu'un Fat, dont la molleffe N'a rien pour s'appuyer qu'une vaine noblesse,

Se pare infolemment du merite d'autrui,

Et me vante un honneur qui ne vient pas de Lui.

REMARQUES.

Her.

IMIT.Vers 8. Et me vante un SENEQUE le Tragique, dit, bonneur qui ne vient pas de Lui.] cul. Fur. A&. II. Sc. II. v. 340.

Aliena laudat,

-Qui genus jactat fuum,

Et

Je veux que la valeur de fes ayeux antiqueso Ait fourni de matiere aux plus vieilles chroniques que l'un des Capets, pour honnorer leur nóm Ait de trois fleurs de lis doté leur écuffon. Que fert ce vain amas d'une inutile gloire ? Si de tant de Heros celebres dans l'Histoire, 15 Il ne peut rien offrir aux yeux de l'Univers, Que de vieux parchemins qu'ont épargnez les vers : Si tout forti qu'il eft d'une fource divine, Son cœur dément en lui fa fuperbe origine: Et n'ayant rien de grand qu'une fotte fierté, 20 S'endort dans une lâche & molle oifiveté ?

Cependant, à le voir avec tant d'arrogance Vanter le faux éclat de fa haute naissance; On diroit que le Ciel eft foûmis à fa loi, Et que Dieu l'a paiftri d'autre limon que moi. 25 Enyvré de lui-mefme, il croit dans fa folie, devant lui d'abord tout s'humilie.

Qu'il faut

que

REMARQUES,

VERS 11. Et que l'un des Capets...... Ait de trois fleurs de lis, &c.] Philippe- Augufle, defcendant de Hugues Capet, aiant êté renversé de deflus fon cheval à la bataille de Bouvines, Adeodat d'Ellaing, l'un des vingt-quatre Chevaliers commis à la garde de ce Prince, le tira du danger, qu'il couroit, & lui fauva fon Ecu. Pour l'en récompenfer, le Roi lui donna pour lui & fa poftérité, les Armes de France brifées d'un chef d'or.

Dans le tems que l'Auteur

compofa cette Satire, JOACHIM, Comte d'Estaing, travailloit à rechercher les Antiquités de fa Maifon, dont il a dreffé des Mémoires. Il parloit fouvent de la conceffion des Fleurs-de-lis, & l'on trouvoit qu'il en parloit avec un peu trop de complaifance. C'eft ce que nôtre Poëte a voulu marquer en cet endroit.

VERS 12. Doté leur écusfon.] Dans quelques Editions & notamment dans celle de Paris 1740. on lit, Doré leur écuffon mais c'est une faute,

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Aujourd'hui toutefois, fans trop le ménager,
Sur ce ton un peu haut je vais l'interroger.

Dites-moi, grand Heros, Esprit rare & fublime,
30 Entre tant d'Animaux qui font ceux qu'on estime ?
On fait cas d'un Courfier, qui fier & plein de cœur
Fait paroistre en courant fa bouillante vigueur:
Qui jamais ne se laffe, & qui dans la carriere
S'eft couvert mille fois d'une noble pouffiere :
35 Mais la postérité d'Alfane & de Bayard,
Quand ce n'eft qu'une roffe, eft vendue au hazard,

REMARQUES.

VERS 29. Dites-moi, grand Héros, &c. Les quatre Vers qui précèdent celui ci ont êté ajoutés par l'Auteur dans l'Edition de 1713. commencée à la fin de fa vie. Il les ajouta, pour empêcher que l'on ne crût que Apoftrophe contenue dans ce

Vers, s'adreffe à M. de Dangean lui-même. Bien des gens s'y êtoient trompés.

IMIT. Ibid. Dites-moi, grand Héros , &c.] Ce Vers & les neuf fuivans, font une imita tion de ceux-ci de Juvénal, Sat. VIII. v. 56. &c,

,

cujus

Dic mihi, Teucrorum proles; animalia muta
Quis generofa putet, nifi fortia? nempe volucrem
Sic laudamus Equum, facili cui plurima palma
Fervet, & exfultat rauco victoria Circo.
Nobilis hic, quocumque venit de gramine
Clara fuga ante alios, & primus in aquore pulvis.
Sed venale pecus, Corythe pofteritas,&
Hirpini, firara jugo victoria fedit,
Nil ibi Majorum refpectus, gratia nulla
Umbrarum dominos pretiis mutare jubentur
Exiguis, tritoque trabunt epirbedia collo
Segnipedes, dignique molam verfare Nepotis.
VERS 35. Mais la postérité
Alfane, &c.] Cheval du Roi
Gradaffe dans l'Ariofte. DE S P.

Alfana eft un mot originaire-
ment Espagnol, qui fignifie une
Cavalle fauvage ou étrangère. Les
Poëtes Italiens l'ont adopté pour

lui faire fignifier en général une Jument; & c'eft dans ce fens que l'Ariofte l'emploie à l'endroit même que M. Defpréaux avoit en vue. Voici ce qu'il dit dans fon Orlando furiofo Chant II, Stance 1.

Il grave fcontro fa chinar le groppe
Sul verde prato a la gagliarda Alfana.
Gradaffo havea una Alfana la più belle
E la miglior che mai porta fella.

Sans refpect des ayeux dont elle est descenduë, la malle, ou tirer la charuë.

Et va porter

Pourquoi donc voulez-vous que par un fot abus 40 Chacun refpecte en vous un honneur qui n'eft plus ? On ne m'eblouït point d'une apparence vaine.

La vertu,

d'un cœur noble eft la marque certaine. Si vous eftes forti de ces Heros fameux, Montrez-nous cette ardeur qu'on vit briller en eux,

45 Ce zele l'honneur, pour

cette horreur le vice.

pour

Refpectez-vous les loix? Fuiez-vous l'injustice?
Sçavez-vous pour la gloire oublier le repos,
Et dormir en plein champ le harnois fur le dos ?
Je vous connois pour Noble à ces illuftres marques
50 Alors foyez iffu des plus fameux Monarques;

REMARQUES.

Ce que F. de Roffet a traduit ainsi: par une fine rencontre (il) renverse fur la crouppe au milieu du pré verdoyant la forte jument de Gra daffe, la plus belle & la meilleure qui porta jamais felle. C'eft donc à tort que M. Defpréaux fait ici d'Alfana le nom propre d'un cheval.

Ibid. de Bayard. ] Cheval des quatre Fils Aymon. DESP.

Nobilitas fola eft

CHANG. Vers 47. Sçavez-vous pour la gloire oublier le repos ?] Ce Vers êtoit ainfi: Sçavez-vous fur un mur repouffer des affauts? Mais l'Auteur le changea dans l'Edidition de 1701. Il trouvoit que Affants & Dos ne rimoient pas

Bayard, de qui le Roman dit, qu'il n'eut oncques fon pareil; car pour avoir couru dix lieues, il n'êtoit point las; êtoit le cheval du célèbre Paladin Renaud de Montauban, l'aîné & le plus vaillant des quatre Fils Aymon.

IMIT. Vers 42. La vertu, d'un cœur noble eft la marque certaine.] Ce Vers eft imité de Juvenal, Sat. VIII. v. 20. atque unica Virtus.

aux yeux; & le Vers qu'il a
fubftitué contient un fens plus
beau.

IMIT. Vers 50. Alors foyez issu
des plus fameux Monarques, &c.]
Ce Vers & les fix fuivans font
imités de Juv. Sat. VIII. v. 131.
Tunc licet à Pico numeres genus, altaque fi te
Nomina delectant, omnem Titanida pugnam 9
Inter majores, ipfumque Promethea ponas :
De quocumque voles proavum tibi fumito libro.

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