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v Qu'on le lie, ou je crains, à son air furieux,

Que ce nouveau Titan n'escalade les Cieux.
85 Mais laissons-le plûtost en proye à son caprice.

Sa folie , aussi bien , lui tient lieu de supplice.
Il est d'autres erreurs, dont l'aimable poison
D'un charme bien plus doux enyvre la raison :

L'esprit dans ce nectar heureusement s'oublie. 90 Chapelain veut rimer , & c'est là sa folie.

Mais bien que ses durs vers d'épithetes enfez,
Soient des moindres Grimauds chez Ménage fiflez,

R E M ART U E So

mer

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VER S 90. Chapelain veut ri- pour donner l'exemple avec

&c.] Cet Auteur avant le précepte affecte d'expri. que sa Pucelle fust imprimée, pas- mer dans cet Hémistiche qui soit pour le premier Poëte du lie- est fort rude, la dureté qu'on cle. L'impression gasta tout. Desp. trouve dans les Vers de Chape

Il y avoit Arille , au lieu de lain. Cette dureté de Vers êtoit Chapelain , dans les Editions fai- pour M. Despréaux un fondsinétes pendant sa vie.

puisable de plaisanteries. Il fit les VERS 91. Mais bien que ses vers suivans à l'imitation de durs vers, &c. ] Nôtre Auteur Chapelain.

Droits eroides rochers , dont peu tendre est la cime,
De mon flamboyant Caur l'aspre estat vous sçavez,
Scavez aufli , durs bois , par les hivers laver ,

Qu'holocauste est mon Ceur pour un front magnanime. Ils sont extraits de divers en- ces Vers , les chantoit sur droits du Poëme de la Pucelle. l'ai d'une chanson fort ten

Nôtre Auteur pour faire dre, du Ballet de la naifance de mieux sentir la dureté de Venus.

Rochers , vous êtes sourds, vous n'avés rien de tendre , &c. M. de Puimorin, Frère de M. Del- de Puimorin répondit : qu'il n'apréaux , se moquoit aussi du Poë- voit que trop sue lire , depuis que me de la Pucelle. CHAPELAIN ne Chapelain s'étoit avisé de faire pouvant souffrir les railleries, imprimer. Sa repartie arant été qu'il en faisoit : C'est bien à vous trouvée plaisante & vive , il eut à en juger, lui dit-il en colère, envie de la tourner en Epigramvous , qui n'êtes qu’un ignorant ,

& fit ainsi les deux derniers Ex qui ne savés pas même lire, M.

Vers :
Helas ! pour mes péchés, je n'ai su que trop lire,

Depuis que tu fais imprimer
Tome I.

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me,

Lui mesme il s'aplaudit , & d'un esprit tranquille,

Prend le pas au Parnasse au-dessus de Virgile. 95 Que feroit-il, hélas ! fi quelque Audacieux

son malheur lui desiller les yeux : Lui faisant voir ses vers, & sans force & sans

graces, Montez sur deux grands mots, comme sur deux échasses 3

Alloit pour

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)

R E M A Rev E s. Mais comme M. de Puimorin n'ê. Despréaux, M. Racine & Molière, toit pas Poëte, il ne put jamais il leur 'proposà d'achever son en faire davantage. Quelque Epigramme. Ce qu'ils firent tous tems après se trouvant avec M, ensen ble de cette manière :

Froid , fec , dur , rude Auteur , digne objet de Satire,
De ne savoir pas lire oses- tu me blåmer ?
Helas! pour mes peches, je n'ai lu que trop lire

Depuis que tu fais imprimer. M. Racine vouloit que l'on mit prits, DES P. au second Vers : De mon peu de L'Abbé Ménage appelloit ces lecture & non pas ,

De ne savoir assemblées Mercuriales, parce pas lire ; parce que ce dernier qu'elles se tenoient tous les Mermot fait une rime vicieuse dans ciedis, Il ne trouva pas bor que l'Hémistiche,avec la fin du Vers nôtre Auteur les eût ainsi de. précédent, mais Molière voulut criées : Il est très-faux (ditqu'on lailsât, De ne sçavoir pas „il, dans son Dictionnaire Ety. lire ; prétérant la juttefle de l'ex- mologique , ali mot Grimaud ) preslion , à la régularité scrupu. , que les Allemblées, qui se font leuse du vers. Il dit alors fort ju. chés moi , soient remplies de dicieusement, qu'il falloit quel- Grimauds. Elles sont remplies quefois s'affranchir de la con- de gens de grand mérite dans trainte des regles , quand elles les Lettres, de personnes de nous resterroient trop ; La Rai. naissance , & de personnes son a l'Art même, ajouta - r'il, constituées en dignité ; & ces demandent e autorisent ces fortes Vers n'ont pas dû être écrits de libertés. Rien n'est plus vrai ,, par M. Despréaux, ,, que cette réflexion de Molière ; VERS 94. Prend le pas an & M. Despréaux qu'elle frapa , Parnasse au · dessus de Virgile. ) ne la laifla pas échaper. Il en Ceux qui vouloient fater Chapea fait un Précepte dans son lain avoient l'impudence de Art Poëtique, Chant ly, vers lui dire , que son Poëme étoic 77.

au-defius de l'Eneide : & ChapeVERS 92. Soient des moin- lain ne s'en défendoit que trèsdres Grimauds chez Ménage fiflez.) foiblement. On tenoit chez Ménage toutes VERS 98. Montez sur deux grands les semaines ,une assemblée, ou mots , comme sur deux échasses. ] alloient beaucoup de periis ef. Dans le Poëme de Chapelain on

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ܕܕ

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Ces termes sans raison l'un de l'autre écartez, 100 Et ces froids ornemens à la ligne plantez ?

Qu'il maudiroit le jour ou son ame insensée
Perdit l'heureuse erreur qui charmoit sa pensée !

Jadis certain Bigot , d'ailleurs homme sensé,
D'un mal assez bizarre eut le cerveau blessé :

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De ce sourcilleux ng

yl'inébranlable cime.

trouve plusieurs Vers com- pour se mocquer de ces mots Roc
posés de deux grands mots, gigantesques citoit ordi.
dont chacun remplit la moi- nairement ce Vers de Chape
tié du Vers. Nôtre Auteur, lain.

De ce sourcilleux Roc l'inébranlable cime.
Et il disposoit se Vers com té sur deux échaffes.
me il est ici à côté. Dans Il y a dans ce Poëme plu-
cette disposition, il semble fieurs autres Vers faits dans
que le mot de Roc soit mon- le inềme goût.

L'insupportables maux une suite enchaînée. Liv. I.

Des sourcilleuses tours Sapper le fondement. Liv. II. &c. VERS 100. Et ces froids orne- Bigot , &c.] Horace , Liv. II. Ep. mens, &c. ] Ce sont les Compa. II. v. 129. décrit la folie d'un Ci. raisons fréquentes que Chapelain toien d'Argos, lequel étant seul a emploïées, qui ne manquent allis sur le théatre, où il ne pa jamais de venir régulièrement roissoit ni Acteurs ni Spectaaprès un certain nombre de vers, teurs, s'inaginoit entendre des & qui sont toujours enfermées Tragédies recitées par des Aco en quatre ou huit vers.

teurs adınirables.
IMIT. Vers 103. Jadis certain

-Fuit haud ignobilis Argis ,
Qui se credebat miros audire Tragædos.

In vacuo latus sesfor plausorque theatro , &c. Aristote raconte la même chose réjouissoit de leur retour , comd'un Homme d' Abyde l. vi, de reb. me si effectivement cos Vaisseaux mir. ELIÊN, dans ses Histoires eussent êté à lui. Ælian. L. IV. diverses ; rapporte un genre de Ch. 15. Galien dit qu'un Més folie presque semblable. Un decin nommé Théophile Athénien nommé Thrafylle, s'en malade., s'imaginoit voir dans alloit au port de Pirée, où s'i. un coin de la Chambre , des maginant que tous les Vaisseaux Musiciens , & des Joueurs d'in. qui étoient dans ce port lui ap. strumens , dont il entendoit la partenoient, il en tenoit un voix & l'harmonie. Galien, dans compte exact ; il donnoit ses son Traité De Symptomatum diffeordres pour leur dépact , & fe rentiis, cap. 3:

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, êtant

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105 S'imaginant sans cesse , en la douce manie,

Des Esprits bien-heureux entendre l'harmonie.
Enfin un Medecin fort expert en son Art,
Le guerit par adresse, ou plûtost par hazard.

Mais voulant de ses soins exiger le salaire , 110 Moi ? vous payer ? lui dit le Bigot en colére,

Vous , dont l’Art infernal , par des secrets maudits,
En me tirant d'erreur , m'ofte du Paradis ?
J'approuve

ve son courroux. Car , puisqu'il le faut le dire
Souvent de tous nos maux la Raison est le pire.
115 C'est Elle qui farouche , au milicu des plaisirs,

D'un remords importun vient brider nos desirs.
La Fâcheuse a pour nous des rigueurs sans pareilles;
C'est un Pédant qu'on a fans ceffe à ses oreilles

Qui toûjours nous gourmande , & loin de nous toucher , 120 Souvent, comme Joli, perd son tems à prescher.

En vain certains Réveurs nous l'habillent en reine,
Veulent sur tous nos sens la rendre souveraine,

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R E MARIU E S.

Imit. Vers 117. La Fácheuse a applique à la Raison ce que Mal. pour nous, &c. ] Nôtre Auteur herbe à dit de la Mort:

La Mort a des rigueurs à nulle autre pareilles.
VERS 120. Souvent, comme Nicolas des Champs , le fit nom.
Joli. ) illustre Prédicateur , alors mer pour succefleur d'Henri de
Curé de S. Nicolas des Champs Laval à l'Evêché de saint Pol de

Paris , & depuis Evefque d'A: Leon en Bafle-Bretagne ; mais gen. DESP.

il n'en prit pas poffeflion , & Claude Joli , en 1610. à Bu- fut pourvu bientôi après de l'Eri sur l'Orne, dans le Diocèse vêché d'Agen. Ce Prélat avoit de Verdun en Lorraine, mourut beaucoup de zèle & de science en 1678. La réputation qu'il s'ê. Ecclésiastique. Sa manière de toit acquise par ses Prédications, prêcher êioit très - pathétique , pendant qu'il ecoit Curé de faint & les libertins qui croroient

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Et s'en formant en terre une divinité,
Pensent aller

par

Elle à la félicité.
125 C'est Elle , disent-ils , qui nous montre à bien vivre.

Ces discours, il est vrai, font fort beaux dans un livre.
Je les estime fort ; mais je trouve en effet,
Que le plus fou souvent est le plus satisfait.

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R E M A R P v E s.

outre

avoir intérêt de le décrier , com- la Morale Chrétienne , paroient ses talens avec ceux de un Dictionnaire Moral, ou de la Molière ; & diloient que Moliere Science universelle de la Chaire , leétoit plus grand Prédicateur , & quel contient par ordre AlphaM. Joli plus grand Comédien. bétique , ce que les Prédicateurs

On a fait plusieurs Editions François , Italiens , Espagnols, de ses Prónes qui sont estimés. Allemands , &c. ont dit de plus Ils sont en 8. Volumes in-12. & curieux. C'est encore à son zèle l'on en est redevable à Jean Ri- pour la forte d'Eloquence, qui chard , natif de Verdun, lequel l'occupoit , qu'on doit l'Edition après avoir étudié à Paris en des Sermons & autres Ouvrages Théologie & en Droit , se fie Oratoires de M. de Fromentiires, recevoir Avocat , & se maria. Evêque d'Aire , du Carème & des Mais par un goût particulier, Pensées extraites des autres Serau lieu de suivre sa Profession, mons de l'Abbé Boileau, de l’Ail ne s'occupa toute sa vie que cadémie Françoise ; & d'un Rede l’Eloquence de la Chaire. On cueil de Panegyriques choisis. Il a de la composition plus de vingt mourut à Paris en 1719. âgé de Volumes in-12. de Sernions, ou plus de 75. ans, & fut eaterie Discours sur toutes les parties de à saint Medard.

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