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Et qui de mille Auteurs retenus mot pour mot ,
Dans sa teste entassez , n'a souvent fait qu'un Sot,

Croit qu'un livre fait tout , & que sans Aristote
Io La raison ne voit goute , & le bon sens radote.
D'autre

part un Galant, de qui tout le métier Est de courir le jour de quartier en quartier , - Et d'aller à l'abri d'une perruque blonde,

De ses froides douceurs fatiguer tout le monde,
Is Condamne la science, & blâmant tout écrit ,

Croit qu'en lui l'ignorance est un titre d'esprit:
Que c'est des gens de Cour le plus beau privilege,
Et renvoye un Svavant dans le fond d'un Collége.

Un Bigot orgueilleux, qui dans sa vanité 20 Croit duper jusqu'à Dieu par son zele affecté,

Couvrant tous ses defauts d'une sainte apparence ,
Damne tous les Humains, de la pleine puissance.

Un Libertin d'ailleurs, qui sans ame & sans foi,
Se fait de son plaisir une suprême loi,
25
Tient

que ces vieux propos , de démons & de flammes. Sont bons

pour

étonner des enfans & des femmes ; Que c'est s'embarrasser de soucis superflus, Et qu'enfin tout Dévot a le cerveau perclus.

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R E M A R Q u E s.

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VERS 10. La raison ne voit posé à la fin de 1664. Il y fait goute , &c. ] L'Auteur auroit pu dire à Don Juan , Acte V. Scéne mettre: La raison est aveugle ; & 2. Je sçaurai déchainer contre mes ce changement ne lui déplaisoit ennemis des zélés indiscrets pas,

qui , sans connoissance de cause, cries VERS 22. Damne tous les Hu.

qui les accas mains de sa pleine puissance. ) bleront d'injures , a les damne. MOLIERE a imité cette pensée, ront hautement de leur autorité dans son Fesiin de Pierre , com- privée,

ront contre

eur

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En un mot , qui voudroit épuiser ces matieres ,
30 Peignant de tant d'esprits les diverses manieres ,

Il compteroit plâtoft, combien dans un printemps,
Guenaud & l'antimoine ont fait mourir de gens,
Et combien la Neveu devant son mariage,

A de fois au public vendu son P***.
35 Mais, sans errer en vain dans ces vagues propos,
Et pour rimer ici ma pensée

rimer ici ma pensée en deux mots;
N'en déplaise à ces Fous nommez Sages de Grece;
En ce monde il n'est point de parfaite Sagesse ;

Tous les hommes sont fous : & malgré tous leurs soins
40 Ne different entre eux que

du plus ou du moins.
Comme on voit qu'en un bois, que cent routes separent ,
Les voyageurs sans guide assez souvent s'égarent ;

R E MARQv E s.

?

IMIT. Vers 31.

Il

compteroit temps.]Ces deux Vers sont imités plútest , combien dans un prin. de JUVENAL, Satire X. vers 220,

Promptiùs expediam, quot amaverit Hippia mechos,

Quot Themifon agros autumno occiderit uno.
VERS 32. Guenaud & l'antic premières Editions , sous celui
moine. ] Dans le tems que cette de Delnaud , Apoticaire.
Satire fut composée , la dispute VERS 33. Et combien la Ne-
des Médecins au sujet de l'anti. ven.) Infâme débordée connue
moine , étoit dans la plus vive de tout le monde. DES P.
chaleur. Guenaud , Médecin de Elle étoit morte avant la cam-
la Reine, êroit à la tête de ceux position de cette Satire.
qui en approuvoient l'usage ; & Ibid. Devant son mariage. )
le célèbre Gui Patin êtoit un des Il falloit : avant qui se dit
plus grands ennemis de ce mi- pour le tems. Devant, s'emploie
néral. Voïez le 23. Journal des pour le lieu.
Savans 1666. Guenaud mourut IMIT. Vers 41. Comme on voit
le 16. de Mai 1667. Pendant la qu'en un bois , &c. ] HORACE ,
yie on déguisa son nom dans les L. II. Sat. III. v. 48.

Vetut Sylvis , ubi palim
Palantes error certo de tramite pellit.
Ille finislrorsùm , hic dextrorsum abit : unus utrique
Error , fed variis illudit partibus,

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L'un à droit, l'autre à gauche , & courant vainement ,

La meline erreur les fait errer diversement : 45 Chacun suit dans le monde une route incertaine , Selon

que

fon erreur le jouë & le promene : Et Tely fait l'habile & nous traite de fous, Qui sous le nom de sage est le plus fou de tous.

Mais quoi que sur ce point la Satire publie, so Chacun veut en sagesse ériger sa folie,

Et se laissant regler à son esprit tortu,
De ses
propres

défauts se fait une vertu.
Ainsi, cela soit dit pour qui veut se connaître,

Le plus sage est celui qui ne pense point l'estre:
55 Qui toûjours pour un autre enclin vers la douceur ,

Se regarde soi-mesme en severe Censeur,
Rend à tous ses defauts une exacte justice,
Et fait sans se flatter le procés à son vice.

Mais chacun pour soi-mesme est toûjours indulgent. 60 Un Avare idolâtre , & fou de son argent,

Rencontrant la disette au sein de l'abondance,
Appelle la folie une rare prudence ,

:

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I MIT. Vers 60. Un Avare vent, le caractère de l'Avare,qu'il
idolatre , & fon de son argent,&c.] imite en partie d'Horace , dans sa
Nôtre Auteur exprime dans ce troisiéme Satire du second livre,
Vers & dans les cinq qui le sui- Vers 108. &c.

- quid discrepat illis ,
Qui nummos aurumque recondit, nescius uti
Compositis , metuensque velut contingere sacrum ?

Nimirum insanus paucis videatur. GHANG. Vers 61. Rencon- dance. ] Dans les premières Edi. trant la difette au sein de l'abon• tions il y avoit :

tu milieu de les biens rencontrant l'indigence,

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Et met route sa gloire , & son souverain bien,

A grossir un trésor qui ne lui sert de rien.
63 Plus il le voit accrû , moins il en sçait l'usage.

Sans mentir , l'Avarice est une étrange rage,
Dira cet autre Fou , non moins privé de sens,
Qui jette , furieux, son bien à tous venans ,

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R E M A REU E S.

2

VERS 64. A groffir un trésor,&c.] autres, que l'Auteur a retranchés
Après ce Vers il y en avoit treize dans les dernières Editions.

Dites-moi , pauvre esprit , ame basse a vénale ,
Ne vous souvient-il point du tourment de Tantale ,
Qui dans le triste ejtat le Ciel l'a réduit ,
Meurt de soif au milieu d'un fleuve qui le fuit?
Vous riez : sçavez-vous que c'est votre peinture ,
Et que c'est vous par-que la fable figure ?
Chargé d'or a d'argent , loin de vous en servir ,
Vous brúlez d'une soif qu'on ne peut assouvir ,
Vous nagez dans les biens , mais vostre ame alterée
Se fait de la richesse une chose sacrée ;
Et tous ces vains trésors que vous allez cacher,
Sont pour vous un dépost que vous n'osez toucher.

Quoi donc ? de votre argent ignorez-vous l'usage ? L'Auteur dans ces Vers avoit dans sa première Satire du livre voulu traduire Horace , qui dic premier, Vers 68.

Tantalus d labris sitiens fugientia captat
Flumina. Quid rides? mutato nomine , de te
Fabula narratur. Congestis undique faccis
Indormis inhians , & tanquam parcere sacris
Cogeris , aut pi&tis tanquam gaudere tabellis.

Nescis quid valeat nummus , quem præbeat usum ? M. Despréaux se rendit à la ju- deux Vers & demi d'Horace , qui Itesse de la critique , que Desma. renferment l'application de la rêts avoit faite de ces treize vers Fable de Tantale , ont été rendus dans sa Défense du Poëme Héroï- par Desmarêts, ou par Pradon, en que ; & il les supprina , comme deux Vers, dont le premier est peu dignes de leur Original. Les très-plat, & le second admirable,

Tantale dans un fleuve a soif e ne peut boire.

Turis ? Change le nom. La fable est ton histoire. VERS 67. Dira cet autre Pou. ] de rente tant en Bénéfices L'Abbé de B.. H.

qu'en biens de patrimoine. Mais Conseiller-Clerc au Parlement, il ditlipa tout son patrimoine ; ayoit eu quarante mille livres & fut réduic au revenu de les

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Et dont l'ame inquietre , à soi-mesme importune , 70 Se fait un embarras de la bonne fortune. Qui des deux en effet est le plus aveuglé ?

L'un & l'autre à mon sens ont le cerveau troublé, Répondra chez Fredoc , ce Marquis sage & prude,

Et qui sans cesse au jeu , dont il fait son étude ,
75 Attendant son destin, d'un quatorze ou d'un fept,

Voit sa vie ou sa mort sortir de son corner.
Que fi d'un fort fàcheux la maligne inconstance
Vient

coup

fatal faire tourner la chance : Vous le verrez bien-tost, les cheveux herissez, 80 Et les yeux vers le Ciel de fureur élancez,

Ainsi qu'un Possedé que le Prêtre exorcise,
Fester dans ses sermens tous les Saints de l'Eglise.

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par un

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Bénéfices , qui étoit encore très- mort le lendemain dans son lit. considérable. Il avoit une table Et dont l'ame inquiette d soi-méme somptueuse , où il recevoit tou- importune. Il disoit aussi qu'il tes sortes de gens , & on y fai ecoit malheureux d'avoir tant foit une dissipation outrée. C'est de bien : & qu'il auroit vécu ce que signihe : Qui jette, fu- beaucoup plus content li fa forrieux Ton bien à tous venans. Il tune avoit êté bornée à un reveavoit l'esprit inquiet, chagrin, nu médiocre : Se fait un embarras inégal, ne pouvant quelquefois de la bonne fortune. se fouffrir lui-même : jusques-là CHANG. Ibid. Non moins pri. qu'on l'a vu souvent souhaiter, de sens , &c. ) Dans les preen se couchant , d'être trouvé mières Editions , il y avoit:

Qui prodigue du sien, A trois fois en dix ans devoré tout son bien. VERS 73. Répondra chez Fre- prude. ] Il y avoit ce Greffier Sage doc. ) FREDOC tenoit une Aca. @ prude ; & c'étoit Jerôme Boidémie de jeu très-fréquentée en lean , Greffier au Parlement ce cems-là. Il logeoit dans la Frère aîné de nôtre Auteur. Il Place du Palais Rosal. Il en est étoit fort emporté dans le jeu , fait mention dans la Fille Capi. mais par tout ailleurs, c'étoit taine de Montfleuri , Acte I. un homme très-affable. Ibid. Co Marquis Sage

Qu'on

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