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Son fujet eft conduit d'une belle maniere
Et chaque acte en fa piece est une piece entiere?
Je ne puis plus fouffrir ce que les autres font.
200 Il eft vrai que Quinaut est un Esprit profond :
A repris certain Fat, qu'à fa mine difcrete
Et fon maintien jaloux j'ai reconnu Poëte :
Mais il en est pourtant, qui le pourroient valoir.
Ma foy, ce n'est pas vous qui nous le ferez voir,
205 A dit mon Campagnard avec une voix claire,
Er déja tout bouillant de vin & de colere.

REMARQUES.

des premières regles du Théatre, eft qu'il ne faut qu'une Action pour le fujet d'une Pièce Dramatique ; & cette Action doit être non feulement complette, mais continuée jufqu'à la fin fans aucune interruption. Or, nôtre Auteur prétend que dans l' Aftrate, l'Action théatrale eft interrompue à la fin de chaque Acte: ce qui fait autant d'Actions, qu'il y a d'Actes dans la Pièce. Cette critique est très fine. J'ai relu l'Altrate m'a dit M. Despréaux. J'ai êté ,, étonné que je n'en aïe pas dit davantage dans ma Satire ; car il n'y a rien de plus ridicule, & il femble que tout y ait êté fait exprès en dépit du bon fens. A la fin, on dit à Afrate que fa Maîtrefle eft empoifonnée cela fe dit devant elle; & il répond pour toute chofe, Madame. Cela n'eft-il pas bien touchant? Nous di fons autrefois qu'il valoit bien mieux mettre Tredame.,,BROS

دو

vous vu l'Afrate ? Sur tout
l'Anneau Royal. ] ASTRA TE,
Roi de Tyr, Tragédie de Qui-
naut, fut répréfentée au com-
mencement de l'année 1665.
L'Auteur du Journal des Savans,
faifant (dans le Journal du 23.
de Mars 1665.) l'éloge de l'
trate, dit que cette Pièce a de la
tendreffe par tout, & de cette
tendreffe délicate qui eft toute
particulière à M. Quinaut. L'An-
neau Roial fait le fujet de la Scéne
III. & IV. de l'Acte troifiéme,
Elife héritière du Roïaume de
Tyr, donne à Agénor fon parent,
un Anneau, qui êtoit la mar-
que de la dignité Roïale, pour
le remettre à Aftrate, qui eft ai-
mé de la Reine, & qu'elle veut
faire Roi en l'époufant. Mais
Agénor, qui avoit êté nommé par
le Père de la Reine pour être
fon Epoux, ne veut point fe def-
faifir de l'Anneau Roial: & com-
me il veut fe fervir de l'autorité,
fouveraine , que cet Anneau
lui donne, pour faire arrêter fon
Rival, il eft lui-même mis en
prifon par ordre de la Reine.

VERS 198. Et chaque acte en
Ja piece eft une piece entière.] Une

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دو

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SETTE.

:

VERS 201. A repris certain Fat, &c. ] Cet endroit ne defigne pers fonne en particulier.

Peut-cftre, a dit l'Auteur paflissant de couroux

Mais vous, pour en parler vous y connoissez-vous ?
Mieux que vous mille fois, dit le Noble en furie,
210 Vous ? Mon Dieu, mêlés-vous de boire, je vous prie,
A l'Auteur fur le champ aigrement reparti.

Je fuis donc un Sot? Moi ? vous en avez menti :
Reprend le campagnard, & fans plus de langage,
Lui jettę, pour deffi, son affiette au visage.
215 L'autre efquive le coup, & l'affiette volant
S'en va fraper le mur, & revient en roulant.
A cet affront, l'Auteur fe levant de la table,
Lance à mon Campagnard un regard effroyable :
Et chacun vainement se ruant entre-deux,
220 Nos braves s'accrochant se prennent aux cheveux
Auffi-toft fous leurs pieds les tables renversées
Font voir un long débris de bouteilles caffées :
En vain à lever tout les Valets font fort

225

promts,
Et les ruiffeaux de vin coulent aux environs.
Enfin, pour arrefter cette lutte barbare,

De nouveau l'on s'efforce, on crie, on les fepare ;
Et leur premier ardeur paffant en un moment,
On a parlé de paix & d'accommodement.

Mais, tandis qu'à l'envi tout le monde y confpire, 230 J'ai gagné doucement la porte fans rien dire,

RE

EMARQUES.

VERS 216. S'en va fraper le mur & revient en roulant. ] L'Auteur a voulu par le fon des Mots, imiter le bruit qu'une affiette fait en roulant. Il y a beaucoup de grace dans cette imitation de la Poëfie Heroïque,

abaiffée à un fujet plaifant. La beauté de la Poëfie confifte principalement dans les Images & dans les Peintures fenfibles ; & c'eft en cela qu'Homère & Virgile furpaffent tous les autres Poetes,

Avec un bon ferment, que fi pour l'avenir,

En pareille cohue on me peut retenir,

Je confens de bon cœur, pour punir ma folie, Que tous les vins pour moi deviennent vins de Brie, 235 Qu'à Paris le gibier manque tous les hyvers, Et qu'à peine au mois d'Aoust l'on mangé des pois verts.

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A quatriéme Satire fut faite en 1664. immédiatement après la feconde Satire, & avant le Difcours au Roi. L'Auteur en prit le fujet d'une Converfation, qu'il eut avec l'Abbé Le Vayer & Molière, dans laquelle ils établirent par divers exemples, que tous les hommes font fous, & que chacun croit être fage tout seul. C'est un sujet,que Molière vouloit traiter pour le Théatre, & qu'il trouvoit que Desmarêts avoit manqué dans fa Comédie des Visionnaires.

L'Abbé Le Vayer, ami particulier de M. Defpréaux & de Molière, étoit Fils unique de M. De la Mothe Le Vayer, Confeiller d'Etat, Précepteur de MONSIEUR Philippe de France, Frère unique du Roi. En 1656. il publia une Traduction de Florus, qu'il dit avoir été faite par ce jeune Prince, & il l'accompagna d'un Commentaire favant & curieux. On le croit Auteur du Roman de Tarfis & Zélie, qui eft fort bien écrit. Il mourut au mois de Septembre 1664. âgé d'environ trente-cinq ans.

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SATIRE

aveline soul

IV.

A M. L'ABBE' LE VAYER.

D'OU vient,cher le Vayer, que l'Homme le moins fage
Croit toûjours feul avoir la Sageffe en partage :
Et qu'il n'eft point de Fou, qui par belles raifons
Ne loge fon voifin aux Petites-Maisons ?

Un Pédant enyvré de fa vaine science,
Tout heriffé de Grec, tout bouffi d'arrogance,

VERS 4.

REMARQUES.

Aux PetitesMaifons. ] Hôpital de Paris, où l'on enferme les Fous dans de petites chambres. Autrefois on l'appelloit l'Hôpital faint Germain des Prez, parce qu'il dépendoit de l'Abbaïe de faint Germain; & c'êtoit une Maladre. rie deftinée à retirer les Ladres, qui y alloient coucher. Mais en 1944. cet Hôpital n'aïant point de revenus, la Cour de Parlement le fit démolir, & le

Cardinal de Tournon, Abbé de faint Germain, en vendit la place en 1557. aux Echevins de Paris, qui y firent bâtir l'Hôpital des Petites-Maisons.

VERS. Un Pédant enyoré,&c.] Pradon dans la Préface de fes Nouvelles Remarques fur les Ouvra ges de M. DESPREAUX, veut infinuer que le portrait du Pédant eft fait fur M. Charpentier de l'Académie Françoife: mais fa con jecture eft fans fondement.

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