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155 L'une de champignons, avec des ris de veau
Et l'autre de pois verds, qui se noyoient dans l'eau.
Un fpectacle fi beau furprenant l'affemblée,
Chez tous les Conviez la joie eft redoublée :

Et la troupe à l'inftant, ceffant de fredonner,
160 D'un ton gravement fou s'est mise à raisonper.
Le vin au plus müet fourniffant des paroles,
Chacun a debité fes maximes frivoles,
Reglé les interefts de chaque Potentat,
Corrigé la Police, & reformé l'Eftat;

165 Puis de là s'embarquant dans la nouvelle guerre,
A vaincu la Hollande, ou battu l'Angleterre.
Enfin, laissant en paix tous ces peuples divers,
De propos en propos on a parlé de Vers.

Là tous mes Sots enflez d'une nouvelle audace, 170 Ont jugé des Auteurs en maistres du Parnasse.

Mais noftre Hofte fur tout la jufteffe & l'art,
pour
>
Elevoit jufqu'au ciel Theophile & Ronsard.

REMARQUES.

IMIT. Vers 161. Le vin au HORACE, Liv. I. Epift. v. plus müet fournissant des paroles.] vers 19.

Facundi calices quem non VERS 166. A vaincu la Hollande ou battu l'Angleterre. ] L'ANGLETERRE & la Hollande estoient alors en guerre, & le Roi avoit envoyé du fecours aux Hollandois. DES P.

Les Hollandois aïant êté battus

fecere difsertum?

fur mer par les Anglois en 1665. le Roi fe déclara pour eux en 1666. Cette Guerre fut terminée par le Traité de Bréda au mois de Janvier 1667.

VERS 170. Ont jugé des Au teurs, &c.] Perfe, Sat. I. v. 30. · Ecce inter pocula quærunt

Romulida faturi quid dia poëmata narrent.
Pour la

VERS 171.

justeffe & l'art,.... Théophile &
Ronfard.] THEOPHILE DE VIAUD,

connu fous le nom de Poëte Théophile, avoit de l'Esprit & du Génie. Son Imagination êtoir

Quand un des Campagnards relevant fa mouftache, Et fon feutre à grands poils ombragé d'un pennache, 175 Impose à tous filence, & d'un ton de Docteur, Morbleu ! dit-il, la Serre eft un charmant Auteur !

REMARQUES.

féconde, vive & brillante. Ses Ouvrages font pleins d'Idées neuves & de Saillies fingulières. On fent en les lifant, qu'ils coutoient peu de peine à l'Auteur ; & l'on fouhaiteroit y trouver moins de Pointes, plus de Jufteffe dans les Penfees, plus d'attention aux Regles de l'Art, & que le Langage en fût plus pur, & la Vertification plus regulière.

Ronfard avoit véritablement la forte de Génie, qui fait le grand Poëte. Il y joignoit une, érudition aflés vafte. Il s'êtoit familiarifé avec les Anciens, & furtout avec les Poëtes Grecs, dont il favoit fort bien la Langue, & dont il connoiffoit toutes les beautés. Mais le manque de goût de fon fiècle, & le peu qu'il en avoit lui même, au lieu de perfectionner en lui la nature, ne firent que la corrompre. Imitateur fervile des Grecs, qu'il adoroit, il voulut enrichir nôtre Langue de leurs dépouilles. A leur exemple, il remplit fes Ouvrages d'allufions fréquentes à leurs Hiftoires, à leurs Fables, à leurs Ufages. Il admit dans fes Vers le mêlange des différents

Dialectes de nos Provinces. Il habilla même à la Françoife une quantité prodigieufe de termes Grecs. Il en devint inintelligible. Ainfi malgré tous fes talens, fa réputation ne lui furvécut guère,&, depuis Malherbe, fes Ouvrages ne font plus lus. Voiés ART POET. Ch. I. Vers 124. & 126.

VERS 173. Quand un des Campagnards, &c.] M. De B*** Gentilhomme de Châlons, Coufin de nôtre Poëte. Il portoit effectivement une grande mouftache, qu'il relevoit ordinairement avant que de parler; & fon chapeau à grands poils êtoit couvert d'un panache ou gros bouquet de plumes. Il vint à Pa ris quelque tems après la récep tion de Gilles Boileau à l'Acadé. mie: Ah, Ah! Confin, lui dit-il, vous êtes donc parmi ces Meffieurs de l'Académie Françoife! "Combien cela vant-il de revenu par année ?

VERS 174. Et fon feutre à grands poils. ] Anciennement on difoit : un Chapeau de feautre. Témoins Villon & Bonnavanture Des-Perriers. Le premier dit dans une double Ballade.

Abufé m'a, & fait entendre
Toujours de ung, que c'est un autre :
De farine, que ce fut cendre ;
D'un mortier, ung chapeau de feautre.
l'une qui me die : Tien,
Mercure
voila pour avoir un feautre de Cha
pean.

On trouve dans le Cymbalum
Mundi du fecond Dial. III.
(Edition d'Amfterdam 1711. pa-
ges 106, & 107. ) Mais an Diable

VERS 176.

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la Serre eft un

Ses vers font d'un beau ftile, & fa profe eft coulante.
La Pucelle eft encor une œuvre bien galante,
Et je ne fçai pourquoi je bâille en la lifant.
180 Le Païs fans mentir, eft un bouffon plaifant :

REMARQUES.

charmant Auteur!] Efcrivain cele-
bre pour fon galimathias. DESP,
Puget de la Serre a publié
quantité d'Ouvrages en Profe &
en Vers, qui fe débitoient à me-
fure qu'ils paroiffoient; mais
les aïant fait imprimer en un
corps, perfonne ne voulut plus
les acheter. Il convenoit lui.
même que fes écrits étoient un
galimathias continuel, & il fe
glorifioit de cela même, difant
qu'il avoit trouvé un fecret in-
connu aux autres Auteurs: C'eft,
difoit-il d'avoir fu tirer de l'ar-
gent de mes Ouvrages, tout mauvais
qu'ils font

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tandis que les autres meurent de faim avec de bons On vrages. Un jour il eut la curiofité d'aller entendre les Conférences, que Richefource faifoit fur P'Eloquence, dans une maifon de la Place Dauphine. Après que celui-ci eut débité toutes fes extravagances, La Serre en manteau long & en rabat, fe leva de fa place, & allant embraffer RICHESOURCE: Ah! Monfieur, lui dit-il, je vous avoue que depuis vingt ans j'ai bien débité du galimathias; mais vous venés d'en dire plus en une heure, que je n'en

ai écrit en toute ma vie.

VERS 178. La Pucelle eft encor une œuvre bien galante.] La Pucelle, ou la France délivrée, Poëme Héroïque de Chapelain. Voïés Difcours au Roi, Vers 25.

VERS 179.

Je ne feai pour quoi, &c. Un jour Chapelain lifoit fon Poëme chés M. le Prince,

On y applaudiffoit, & chacun s'efforçoit de le trouver beau. Mais Madame de Longueville, à qui un des Admirateurs demanda, fi elle n'êtoit pas touchée de la beauté de cet Ouvrage, répondit: Oui, cela eft parfaitement beau, mais il est bien ennuieux Cette penfée eft l'original də celle de M. Defpréaux.

VERS 180. Le Païs fans mentir, eft un bouffon plaisant : ] Escrivain eftimé chez les Provinceaux, à caufe d'un Livre qu'il a fait, intitulé , Amitiez, Amours & Amourettes. DES P.

René le Païs êtoit de la ville de Nantes en Bretagne. Il fut emploïé dans les affaires du Roi, & eut la Direction générale des Gabelles de Dauphiné & de Provence. Il avoit l'esprit aisé, vif & agréable, & il compofoit en Vers & en Profe avec facilité. En 1664. il publia des Lettres & des Poëfies, fous le titre, d'Amitiez, Amours, & Amourettes. Les railleurs l'appellèrent le Singe de Voiture; parce que Le Païs fe flatoit d'imiter l'enjouement & la délicateffe de cet Auteur. C'eft ce que M. Defpréaux infinuë en cet endroit, par la contrevérité, qu'il met dans la bouche de fon Campagnard, qui préfère Le Pais à Voiture. Le Pais prit cette raillerie en galant homme; & il écrivit de Grenoble, où il étoit alors, une Lettre badine fur ce fujet à un de fes amis, qui êtoit à Paris. On la

Mais je ne trouve rien de beau dans ce Voiture.
Ma foi, le jugement fert bien dans la lecture.
A mon gré, le Corneille eft joli quelquefois,
En verité pour moi, j'aime le beau François.
185 Je ne fçai pas pourquoi l'on vante l'Alexandre :
Ce n'eft qu'un glorieux qui ne dit rien de tendre.

REMARQUES.

peut voir dans fes Nouvelles Oeuvres, qui font la fuite du premier Volume, il fit plus: êtant lui même à Paris, il alla voir M. Defpréaux, & foutint toû jours fon caractère enjoué. M. Defpréaux fut d'abord embarraffé de la vifite d'un homme, qu'il avoit mis en droit de fe plaindre; mais il dit pour toute excufe à M. Le Pais qu'il ne l'avoit nommé dans fa Satire, que parce qu'il avoit vu des gens, qui le préféroient à Voiture. M. Le Pais pafla facilement condamnation fur cette préférence, & ils fe féparèrent bons amis. Nôtre Auteur eftimoit plus la Profe de Le Pais que fes Vers. René le Pais, fieur du Plessis-Ville"neuve, mourut à Paris, le dernier jour d'Avril 1690. & fut enterré à faint Euftache, où le célèbre Vincent Voiture avoit êté auffi enterré.

VERS 181. Mais je ne trouve rien de beau dans ce Voiture.] M. de La Fontaine avoit mené MM. Defpréaux & Racine à ChâteauThierri, qui êtoit le lieu de fa naiffance. Un des principaux Officiers de cette Ville invita un jour à diner M. Defpréaux tout feul, & laiffa fes deux amis, qui

Que Pline eft inégal,

Mais fur-tout il eftime

VERS 185. Je ne fçai pas pour quoi l'on vante l'Aléxandré.] ALE

êtoient occupés ailleurs. Pen-
dant le repas, la converfation
roula particulièrement fur les
Belles Lettres, L'Officier de Robe
jugea de tout en maître. Il dit
qu'il n'aimoit point ce Voiture ;
qu'à la vérité, le Corneille lui
faifoit plaifir quelquefois, mais
que fur-tout, il êtoit paffionné
pour le beau langage. Et puis il
difoit, en s'applaudiflant de fon
bon goût: Avonés, Monfieur, que
le jugement fert bien dans la lecture.
VERS 183.
eft joli quelquefois.] L'épithète de
joli convient auffi peu au grand
Corneille qu'elle convenoit à
M. de Turenne, quand un jeune
homme de la Cour s'avifa de
dire, que M. de Turenne êtoit
un joli Homme. Nôtre Auteur
fait parler ainfi un Campagnard,
pour le rendre ridicule.

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Le Corneille

·le

IMIT. Vers 183. & 184. Corneille eft joli quelquefois. En vérité pour moi, j'aime le beau François. ] En même-temps que nôtre Auteur achève de rimer les propos extravagans de fon Officier de Robe de Chateau-Thierri, n'a-t-il point en vue d'imiter Regnier qui fait dire au Pé dant qu'il introduit dans fa Satire X. Térence un peu joli ; un langage poli. XANDRE LE GRAND Tragédie de M. Racine, qui la donna au

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Les Heros chez Quinaut parlent bien autrement,
Et jufqu'à Je vous hais, tout s'y dit tendrement.
On dit qu'on l'a drapé dans certaine satire,

190 Qu'un jeune Homme...Ah!je fçai ce que vous voulez dire,
A répondu noftre Hofte. Un Auteur fans defaut,
La Raifon dit Virgile, & la Rime Quinaut.

Juftement. A mon gré, la piece eft assez plate:

Et puis blâmer Quinaut.... Avez-vous vû l'Aftrate?

195 C'eft là ce qu'on appelle un ouvrage achevé.
Sur tout l'Anneau Royal me femble bien trouvé.

REMARQUES.

public en 1665. Quand il l'eut faite l'Abbé de Bernay, chés quiil demeuroit, fouhaita qu'elle fût répréfentée par les Comédiens de l'Hôtel de Bourgogne, & M. Racine voulut que ce fût par la Troupe de Moliere. Comme ils êtoient en grande conteftation là deflus M. Defpréaux intervint, & décida par une plaifanterie, difant, qu'il n'y avoit plus de bons Acteurs à l'Hôtel de Bourgogne ; qu'à la vérité il y avoit encore le plus habile Moucheur de chandelles qui fût au monde, & que cela pourrait bien contribuer au fuccès d'une Pièce. Cette plaifanterie feule fit revenir l'Abbé de Bernay, qui êtoit d'ailleurs très-obftiné; & la Pièce fut donnée à la Troupe de Moliere.

hais, tout s'y dit tendrement. ] Dans les Tragédies de Quinaut, tous les fentimens font tournés à la tendrefle, jufques dans les endroits où l'on ne devroit exprimer que de la haine ou de la douleur : c'eft pourquoi on l'avoit furnommé le doucereux Quinaut. M. Despréaux avoit vu jouer Stratonice, Tragedie de ce Poete, où Floridor faifoit le rôle d'Antiochus qui eft l'Amant ; & la Baron faifoit celui de Stratonice, qui eft la Maîtreffe. Antiochus difoit bien tendrement à Stratonice: Vous me haissez donc ? A quoi Stratonice répondoit aussi d'un air fort paffionné: J'y mets toute magloire. Enfin, après avoir tourné en plufieurs façons les mots de baine & de hair, la Scéne VERS 188. Et jufqu'à Je vous finiffoit par ces deux Vers. Adieu, croiés toujours que ma haine eft extréme, Prince, & fi je vous hais, baiffés-moi de même. C'eft particulièrement cet endroit que M. Defpréaux a eu en vue. Act. 11. Scene 6. & 7.

VERS 189. On dit qu'on l'a drapé dans certaine Satire. ] Dans la Satire précédente; & c'eft cette raifon qui a déterminé l'Auteur à placer ces deux Satires dans

fon Livre, immédiatement l'une après l'autre, quoiqu'elles n'aïent pas êté compofées dans le même ordre. Après la feconde Satire, l'Auteur avoit fait la quatrième, & le Difcours au Roi, avant la Sa. tire troifiéme.

VERS 194. & 196.

Aveza

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