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155 L'une de champignons, avec des ris de veau,

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Et l'autre de pois verds, qui se noyoient dans l'eau.
Un spectacle si beau surprenant l'assemblée,
Chez tous les Conviez la joie est redoublée :
Et la troupe à l'instant, cessant de fredonner
160 D'un ton gravement fou s'est mise à raisonner.
Le vin au plus miiet fournissant des paroles,
Chacun a debité ses maximes frivoles,
Reglé les interests de chaque Potentat,
Corrigé la Police, & reformé l'Estat ;

165 Puis de là s'embarquant dans la nouvelle guerre,
A vaincu la Hollande, ou battu l'Angleterre.
Enfin, laissant en paix tous ces peuples divers,
De propos en propos on a parlé de Vers.
Là tous mes Sots enflez d'une nouvelle audace,

170 Ont jugé des Auteurs en maistres du Parnasse.
Mais nostre Hoste sur tout, pour la justesse & l'art,
Elevoit jusqu'au ciel Theophile & Ronsard.

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Quand un des Campagnards relevant sa moustache, Et son feutre à grands poils ombragé d'un pennache, 175 Impose à tous filence, & d'un ton de Docteur, Morbleu! dit-il, la Serre est un charmant Auteur !

REMARQUES.

féconde, vive & brillante. Ses Ouvrages font pleins d'Idées neuves & de Saillies fingulières. On fent, en les lifant, qu'ils coutoient peu de peine à l'Auteur; & l'on souhaiteroit y trouver moins de Pointes, plus de Justesse dans les Pensées, plus d'attention aux Regles de l'Art, & que le Langage en fût plus pur, & la Vertification plus regulière.

Ronsard avoit véritablement la forte de Génie, qui fait le grand Poëte. Il y joignoit une érudition aflés vaste. Il s'êtoit fami liarisé avec les Anciens, & furtout avec les Poëtes Grecs, dont il savoit fort bien la Langue, & dont il connoissoit toutes les beautés. Mais le manque de goût de fon fiècle, & le peu qu'il en avoit lui même au lieu de perfectionner en lui la nature, ne firent que la corrompre. Imitateur servile des Grecs, qu'il adoroit, il voulut enrichir nôtre Langue de leurs dépouilles. A leur exemple, il remplit ses Ouvrages d'allusions fréquentes à leurs Histoires, à leurs Fables, à leurs Usages. Il admit dans ses Vers le mêlange des différents

Dialectes de nos Provinces. 11 habilla même à la Françoise une quantité prodigieuse de ter mes Grecs. Il en devint inintelligible. Ainsi malgré tous ses talens, sa réputation ne lui furvécut guère, &, depuis Malherbe, ses Ouvrages ne font plus lus. Voïés ART POET. Ch. I. Vers 124.& 126.

VERS 173. Quand un des Campagnards, &c.] M. De B*** Gentilhomme de Châlons, Coufin de nôtre Poëte. Il portoit effectivement une grande moustache, qu'il relevoit ordinairement avant que de parler; & fon chapeau à grands poils êtoit couvert d'un panache ou gros bouquet de plumes. Il vint à Pa ris quelque tems après la récep tion de Gilles Boileau à l'Académie: Ab, Ah! Confin, lui dit-il, vous êtes donc parmi ces Meffieurs de l'Académie Françoise! Combien cela vaut-il de revenu par année ?

VERS 174. Et fon feutre à grands poils.] Anciennement on disoit: un Chapeau de feautre. Témoins Villon & Bonnavanture Des-Perriers. Le premier dit dans une double Ballade.

Abusé m'a, & fait entendre
Toujours de ung, que c'est un autre :
De farine, que ce fust cendre ;

D'un mortier, ung chapeau de feautre.

On trouve dans le Cymbalum l'une qui me die: Tien, Mercure,

Mundi du second Dial. III. (Edition d'Amsterdam 1711.pages 106. & 107.) Mais an Diable

voila pour avoir un feautre de Cha

peau. VERS 176.

la Serre est un

Ses vers sont d'un beau stile, & sa prose est coulante.
La Pucelle est encor une œuvre bien galante,

Et je ne sçai pourquoi je bâille en la lifant.

180 Le Païs fans mentir, est un bouffon plaisant :

REMARQUES.

charmant Auteur!] Escrivain celebre pour fon galimathias. DESP. Puget de la Serre a publié quantité d'Ouvrages en Profe & en Vers, qui se débitoient à mefure qu'ils paroiffoient; mais les aïant fait imprimer en un corps, personne ne voulut plus les acheter. Il convenoit lui même que ses écrits étoient un galimathias continuel, & il fe glorifioit de cela même, disant qu'il avoit trouvé un fecret inconnu aux autres Auteurs: C'est, disoit-il, d'avoir su tirer de l'argent de mes Ouvrages, tout mawvais qu'ils font, tandis que les autres meurent de faim avec de bons Ouvrages. Un jour il eut la curiofité d'aller entendre les Conférences, que Richesource faifoit fur l'Eloquence, dans une maison de la Place Dauphine. Après que celui-ci eut débité toutes ses extravagances, La Serre en manteau long & en rabat, se leva de fa place, & allant embrasser RICHESOURCE: Ah! Monfieur, lui dit il, je vous avoue que depuis vingt ans j'ai bien débité du galimathias; mais vous venés d'en dire plus en une heure, que je n'en ai écrit en toute ma vie.

VERS 178. La Pucelle est encor une œuvre bien galante.] La Pucelle, ou la France délivrée, Poëme Héroïque de Chapelain. Voïés Discours au Roi, Vers 25..

VERS 179. Je ne scai pour quoi, &c.] Un jour Chapelain lifoit fon Poeme chés M. le Prince,

On y applaudissoit, & chacun s'efforçoit de le trouver beau. Mais Madame de Longueville, à qui un des Admirateurs demanda, fi elle n'êtoit pas touchée de la beauté de cet Ouvrage, répondit: Oui, cela est parfaitement beau, mais il est bien ennuieux. Cette pensée est l'original de celle de M. Despréaux.

VERS 180. Le Pais fans mentir, est un bouffon plaisant:] Escrivain estimé chez les Provinceaux, à cause d'un Livre qu'il a fait, intitulé, Amitiex, Amours & Amourettes. DESP.

René le Païs êtoit de la ville de Nantes en Bretagne. Il fut emploïé dans les affaires du Roi, & eut la Direction générale des Gabelles de Dauphiné & de Provence. Il avoit l'esprit aifé, vif & agréable, & il composoit en Vers & en Profe avec facilité. En 1664. il publia des Lettres & des Poeftes, sous le titre, d'Amitiez, Amours, & Amourettes. Les railleurs l'appellèrent le Singe de Voiture; parce que Le Païs se flatoit d'imiter l'enjoiement & la délicatesse de cet Auteur. C'est ce que M. Despréaux infinuë en cet endroit, par la contrevérité, qu'il met dans la bouche de son Campagnard, qui préfère Le Pais à Voiture. Le Pais prit cette raillerie en galant homme; & il écrivit de Grenoble, où il étoit alors, une Lettre badine fur ce sujet à un de ses amis, qui étoit à Paris. On la

Mais je ne trouve rien de beau dans ce Voiture.
Ma foi, le jugement sert bien dans la lecture.
A mon gré, le Corneille est joli quelquefois,
En verité pour moi, j'aime le beau François.
185 Je ne sçai pas pourquoi l'on vante l'Alexandre :
Ce n'est qu'un glorieux qui ne dit rien de tendre.
REMARQUES.

êtoient occupés ailleurs. Pen-
dant le repas, la converfation
roula particulièrement fur les
Belles-Lettres. L'Officier de Robe
jugea de tout en maître. Il dit
qu'il n'aimoit point ce Voiture;
qu'à la vérité, le Corneille lui
faifoit plaifir quelquefois, mais
que fur tout, il étoit paffionné
pour le beau langage. Et puis il
disoit, en s'applaudiflant de fon
bon goût: Avonés, Monfieur, que
le jugement sert bien dans la lecture.
VERS 183.
est joli quelquefois.] L'épithète de
joli convient aussi peu au grand
Corneille qu'elle convenoit à
M. de Turenne, quand un jeune
homme de la Cour s'avisa de

peut voir dans ses Nowvelles Oeuures, qui font la fuite du premier Volume, il fit plus: êtant lui même à Paris, il alla voir M. Despréaux, & foutint toû. jours fon caractère enjoüé. M. Despréaux fut d'abord embarrafsé de la visite d'un homme, qu'il avoit mis en droit de se plaindre; mais il dit pour toute excuse à M. Le Pais, qu'il ne l'avoit nommé dans sa Satire, que parce qu'il avoit vu des gens, qui le préféroient à Voiture. М. Le Pais pafla facilement condamnation fur cette préférence, & ils se séparerent bons amis. Nôtre Auteur eftimoit plus la Prose de Le Pais que ses Vers. René le Païs, sieur du Plessis-Ville-dire, que M. de Turenne étoit

neuve, mourut à Paris, le dernier jour d'Avril 1690. & fut enterré à faint Eustache, où le célèbre Vincent Voiture avoit êté aussi enterré.

VERS 181. Mais je ne trouve rien de beau dans ce Voiture.] M. de La Fontaine avoit mené MM. Despréaux & Racine à ChâteauThierri, qui étoit le lieu de sa naissance. Un des principaux Officiers de cette Ville invita un jour à diner M. Despréaux tout feul, & laissa ses deux amis, qui

Le Corneille

un joli Homme. Nôtre Auteur fait parler ainsi un Campagnard, pour le rendre ridicule.

IMIT. Vers 183.& 184.-le Corneille est joli quelquefois. En vérité pour moi, j'aime le beau François.] En même-temps que nôtre Auteur achève de rimer les propos extravagans de fon Officier de Robe de Château-Thierri, n'a-t-il point en vue d'imiter Regnier, qui fait dire au dant, qu'il introduit dans sa Satire X.

Que Pline est inégal, Térence un peu joli ;
Mais fur-tout il estime un langage poli.

VERS185. Je ne sçai pas pour- XANDRE LE GRAND, Tragédie quoi l'on vante l' Alexandre.] ALE de M. Racine, qui la donna au

Les Heros chez Quinaut parlent bien autrement,
Et jusqu'à fe vous hais, tout s'y dit tendrement.
On dit qu'on l'a drapé dans certaine satire,

190 Qu'un jeune Homme... Ahtje sçai ce que vous voulez dire,
A répondu nostre Hoste. Un Auteur fans defaut,
La Raison dit Virgile, & la Rime Quinaut.
Justement. A mon gré, la piece est assez plate :
Et puis blâmer Quinaut.... Avez-vous vû l'Astrate?

195 C'est là ce qu'on appelle un ouvrage achevé.

Sur tout l'Anneau Royal me semble bien trouvé.

faite

REMARQUES.

public en 1665. Quand il l'eut
l'Abbé de Bernay, chés
quiil demeuroit, souhaita qu'elle
fût réprésentée par les Comédiens
de l'Hôtel de Bourgogne, & M.
Racine voulut que ce fût par la
Troupe de Molière. Comme ils
êtoient en grande conteftation
là deslus, M. Despréaux inter-
vint, & décida par une plaisan-
terie, disant, qu'il n'y avoit plus
de bons Acteurs à l'Hôtel de Bour
gogne; qu'à la vérité il y avoit en-
core le plus habile Moucheur de
chandelles qui fût au monde, & que
cela pourroit bien contribuer au fuc-
cès d'une Pièce. Cette plaifanterie
seule fit revenir l'Abbé de Bernay,
qui étoit d'ailleurs très-obstiné;
& la Pièce fut donnée à la Trou-
pe de Moliere.

VERS 188. Et jusqu'à Je vous

,

hais tout s'y dit tendrement.]
Dans les Tragédies de Quinaut,
tous les sentimens font tournés à
la tendresse, jusques dans les en-
droits où l'on ne devroit expri-
mer que de la haine ou de la
douleur: c'est pourquoi on l'a-
voit furnommé le doucereux Qui-
naut. M. Despréaux avoit vu
jouer Stratonice, Tragedie de ce
Poëte, où Floridor faisoit le rôle
d'Antiochus, qui est l'Amant;
& la Baron faifoit celui de Stra-
tonice, qui est la Maîtreffe. Ana
tiochus disoit bien tendrement à
Stratonice: Vous me haissez donc ?
A quoi Stratonice répondoit auffi
d'un air fort passionné: J'y mets
toute ma gloire. Enfin, après avoir
tourné en plusieurs façons les
mots de haine & de hair, la Scéne
finifloit par ces deux Vers.

Adieu, croiés toujours que ma haine est extréme,
Prince, & fi je vous hais, baissés-moi de même.

C'est particulièrement cet en
droit que M. Despréaux a eu en
vue. Act, 11. Scene 6. & 7.

VERS 189. On dit qu'on l'a
drapé dans certaine Satire.] Dans
la Satire précédente; & c'est cette
raison qui a déterminé l'Auteur
à placer ces deux Satires dans

son Livre, immédiatement l'une après l'autre, quoiqu'elles n'aïent pas êté composées dans le même ordre. Après la seconde Satire l'Auteur avoit fait la quatriéme, & le Discours au Roi, avant la Satire troisiéme.

VERS 194. & 196. - Avez

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