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le même efprit, le même art, & les mêmes agrémens dans fes autres Piéces, que dans fes Satires. Je ne fcai donc, MONSIEUR, Comment vous vous estes på promettre qu'on ne feroit point choqué de vous en voir parler d'une maniere fi oppofée au jugement du Public? Avez-vous crû que fuppofant fans raifon que tout ce que l'on dit librement des defauts de quelque Poëte, doit eftre pris pour médifance, on applaudiroit à ce que vous dites, que ce ne font que fes médifances qui ont fait rechercher fes Ouvrages avec tant d'empreffement. Qu'il va toûjours terre à terre comme un Corbeau qui va de charogne en charogne. Que tant qu'il ne fera que des Satires comme celles qu'il nous a données, Horace Juvenal viendront toujours revendiquer plus de la moitié des bonnes chofes qu'il y aura miJes. Que Chapelain, Qinault, Caffagne, & les autres qu'il y aura nommez, prétendront auffi qu'une partie de l'agrément qu'on y trouve, viendra de la celebrité de leurs noms, qu'on fe plaift d'y voir tournez en ridicule. Que la malignité du cœur humain, qui aime tant la médifance la calomnie, parce qu'elles élevent fecretement celuy qui lit au deffus de ceux qu'elle rabaisse, dira toûjours que c'est elle qui fait trouver tant de plaifir dans les Ouvrages de Monfieur Defpreaux. Öc.

Vous reconnoiffez donc, MONSIEUR, que tant de gens qui lifent les Ouvrages de Monfieur Defpreaux, les lifent avec grand plaifir. Comment n'avez-vous donc pas vû, que de dire, comme vous faites, que ce qui fait trouver ce plaifir est la malignité du cœur humain, qui aime la médifance & la calomnie, c'eft attribuer cette méchante difpofition

REMARQUEŚ.

lit cet endroit depuis l'Edition de 1713. conforme en ce point au Recueil des Lettres de M. Arnauld, L'Edition de 1701. porte

feulement: trouvent le même efprit, le même art, & les mêmes agrémens dans fes autres Ouvrages,

à tout ce qu'il y a de gens d'esprit à la Cour & à Paris?

Enfin, vous devez attendre qu'ils ne feront pas moins choqués du peu de cas que vous faites de leur jugement, lorsque vous prétendez que Monfieur Defpreaux a fi peu réüffi, quand il a voulu traiter des fujets d'un autre genre que ceux de la Satire, qu'il pourroit y avoir de la malice à luy confeiller de travailler à d'autres Ouvrages.

Il y a d'autres chofes dans voftre Préface que je voudrois que vous n'euffiez point écrites: mais celleslà fuffifent pour m'acquitter de la promeffe que je vous ai faite d'abord de vous parler avec la fincérité d'un Ami chreftien, qui eft fenfiblement touché de voir cette divifion entre deux Perfonnes, qui font tous deux profeffion de l'aimer. Que ne donnerois-je pas pour eftre en état de travailler à leur reconciliation plus heureusement que les gens d'honneur, que vous m'apprenez n'y avoir pas réüffi? Mais mon éloignement ne m'en laiffe guere le moyen. Tout ce que je puis faire, MONSIEUR, eft de demander à Dieu qu'il vous donne à l'un & à l'autre cet efprit de charité & de paix, qui eft la marque la plus affurée des vrais Chreftiens. Il eft bien difficile que dans ces conteftations on ne commette de part & d'autre des fautes, dont on eft obligé de demander pardon à Dieu. Mais le moyen le plus efficace que nous avons de l'obtenir, c'eft de pratiquer ce que l'Apoftre nous recommande, de nous fupporter les uns les autres, chas cun remettant à fon frere le fujet de plainte qu'il pouvoit avoir contre luy, & nous entrepardonnant; comme le Seigneur nous a pardonné. On ne trouve point d'obstacle à entrer dans des fentimens d'union & de paix, lorsqu'on eft dans cette difpofition: Car l'amour propre ne regne point où regne la charité; & il n'y a que l'amour propre qui nous rende pénible la connoiffance de nos fautes, quand la raison nous les fait apper

cevoir. Que chacun de vous s'applique cela à foymefme, & vous ferez bientoft bons amis. J'en prie Dieu de tout mon cœur ; & fuis tres-fincerement,

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LETTRE

DE MONSIEUR

DESPRÉ AUX

M.

A

ARNAUL D,

Pour le remercier de la Lettre précèdente *.

(1)JE

(1)JE ne fçaurois, MONSIEUR, affez vous témoigner ma reconnoiffance, de la bonté que vous avez euë de vouloir bien permettre, qu'on me montraft la Lettre que vous avez écrite à M. Perrault fur ma derniere Satire. Je n'ai jamais rien lû qui m'ait fait un fi grand plaifir; & quelques injures que ce galant homme m'ait dites, je ne fçaurois plus lui en vouloir de mal, puifqu'elles m'ont attiré une fi honorable Apologie. Jamais caufe ne fut fi bien défenduë que la mienne. Tout m'a charmé, ravi, édifié dans

REMARQUES.

*Cette Lettre fut écrite en Juin 1694. BROSS.

Elle parut pour la première fois dans l'Edition de 1713. Elle fe trouve autfi dans le VII. Tome des Lettres de M. Arnauld 503. Mais elle n'eft pas tout à fait conforme à ce qu'elle eft ici. L'Editeur la donne là pour con

forme à la Lettre originale, que Pon conferve, dit-il. Je rendrai comte des différences, en les annonçant comme CHANGEMENS.

(1) CHANG. Je ne sçaurois, Monfieur, affez vous témoigner ma reconnoiffance de la bonté &c.] Lett. d'Arp. Je ne faurois affes vous remercier, Monfieur de la bonté &c.

vôtre Lettre: mais ce qui m'y a touché davantage, c'eft cette confiance fi bien fondée avec laquelle vous y déclarez que vous me croyez fincérement votre ami. N'en doutez point, MONSIEUR, je le fuis; & c'est une qualité dont je me glorifie tous les jours en préfence de vos plus grands ennemis. Il y a des Jéfuites qui me font l'honneur de m'eftimer, & que j'eftime & honore auffi beaucoup. Ils me viennent voir dans ma folitude d'Auteuil, & ils y féjournent mefme quelquefois. Je les reçois du mieux que je puis: mais la premiere convention que je fais avec eux, c'eft qu'il me fera permis dans nos entretiens, de vous louer à outrance. J'abuse fouvent de cette permiffion, & l'écho des murailles de mon jardin a retenti plus d'une fois de nos conteftations fur voftre fujet. La vérité eft pourtant qu'ils tombent fans peine d'accord de la grandeur de voftre génie, & de l'étenduë de vos connoiffances. Mais je leur foûtiens moi, que ce font là vos moindres qualités; & que ce qu'il y a de plus estimable en vous, c'est (2) la droiture de voftre efprit, la candeur de voftre ame, & la pureté de vos intentions. C'est alors que fe font les grands cris. Car je ne démords point fur cet article, non plus que fur celuy des Lettres au Provincial, (3) que,

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